Paris : Les agents sont passés aux 35 heures mais le conflit n’est pas réglé
SOCIAL•Le nouveau règlement du temps de travail entré en vigueur entérine le passage de 1.552 à 1.607 heures travaillées par an pour les 53.000 agents de la Ville de ParisGuillaume Novello
L'essentiel
- Le nouveau règlement du temps de travail de la Ville de Paris est entré en vigueur le 1er janvier.
- Il entérine le passage de 1.552 à 1.607 heures travaillées par an pour les 53.000 agents de la Ville de Paris, rendu obligatoire par une loi d’août 2019.
- La municipalité a tenté de compenser cette hausse du temps de travail, mais sa disposition sur trois jours de congés supplémentaires en échange a été retoquée par le juge administratif, en attendant une décision au fond avant fin mars.
La réforme des 35 heures date d’il y a plus de vingt ans et pourtant, elle continue d’alimenter les passions. Et les tensions, aussi, au sein de la Mairie de Paris. La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique oblige les collectivités territoriales à aligner le temps de travail de leurs agents sur celui de la fonction publique d’Etat. Concrètement, pour les 53.000 agents de Paris, passer de 1.552 à 1.607 heures par an, soit huit jours de travail en plus.
Contrainte et forcée, la Mairie de Paris a adopté en juillet dernier un nouveau règlement du temps de travail qui est entré en vigueur au 1er janvier, date limite fixée par la loi. « Nous sommes opposés à l’esprit de cette loi qui me semble aller à rebours de l’histoire, assène Antoine Guillou, adjoint en charge des relations humaines. Donc on cherche des aménagements pour en atténuer les effets. » Parmi eux, le recours aux jours de « fractionnement » prévus par le droit, qui permettent d’accorder deux jours de congés supplémentaires lorsque l’on ne pose pas ses congés durant l’été. Le nouveau règlement prévoit également d’augmenter légèrement la durée quotidienne du travail des agents pour gagner deux jours de RTT supplémentaires.
La sujétion qui fâche
Mais c’est le troisième aménagement qui cristallise les tensions, entre la Mairie de Paris, les organisations syndicales et le gouvernement. L’idée était de mettre en place « une sujétion [des jours de congés supplémentaires] à hauteur de trois jours en raison des contraintes liées à l’environnement de travail, plus bruyant et pollué qu’ailleurs et à l’intensité de l’activité, développe Antoine Guillou. Il y a à Paris, une intensité d’usage des services publics qu’on ne retrouve pas dans les autres villes car les agents sont sollicités par des usagers qui ne sont pas des résidents », comme les touristes ou les banlieusards. Cette idée de sujétion ne sort pas de nulle part puisqu’il existe à la Mairie de Paris une grille de sujétions comportant 7 niveaux, les égoutiers étant au niveau 7 en raison de la dureté de leur profession.
Sauf que le préfet d’Ile-de-France a effectué son contrôle de légalité sur ce nouveau règlement du temps de travail, c’est-à-dire, qu’il a vérifié sa « conformité […] avec les dispositions législatives et réglementaires en vigueur ». Et que pour lui la disposition sur les trois jours de sujétion est illégale. Il a donc transmis au juge administratif qui a décidé de suspendre la disposition, suspension confirmée en appel mi-décembre après le recours de la Mairie de Paris. En attendant la décision au fond du juge administratif qui doit tomber avant fin mars, le règlement est entré en vigueur sans les fameux trois jours.
Ajoutez un peu de présidentielle
Evidemment, les agents ont l’impression d’être les dindons de la farce. « Toutes les organisations syndicales ont voté contre ce nouveau règlement, indique Olivier Hoch, secrétaire général de l’Unsa Paris. On refuse de perdre ces jours. » Avec son mot d’ordre « Pas une minute de plus », la CGT est vent debout contre le règlement et a convoqué lundi dernier une assemblée générale sur la question. Olivier Hoch rappelle également que ce système de compensation est « une promesse faite par Anne Hidalgo » et il compte bien que la candidate à la présidentielle l’honore.
Pour ajouter de la complexité à un dossier qui n’en demandait pas tant, Antoine Guillou dénonce, de la part du gouvernement, « une instrumentalisation assez évidente et assez peu républicaine ». « Il y a un traitement de faveur de la Ville de Paris », ironise-t-il. Pour lui, c’est « probablement sur commande du gouvernement » que la préfecture d’Ile-de-France, a transmis la disposition sur les trois jours de sujétion au juge administratif alors même qu’Amélie de Montchalin, ministre de la Fonction publique, « nous a incité en avril dernier à nous saisir des jours de sujétion pour compenser ce passage à 1607 heures ».
« On ne peut absolument pas soupçonner le préfet d’Ile-de-France et le juge administratif d’être instrumentalisés, rétorque-t-on au ministère. Il ne faut pas leur mettre sur le dos une faute de gestion. On ne peut pas tout surpolitiser et on déplore totalement cette situation de flou. » En attendant la décision sur le fond du juge administratif, « nous allons échanger sur les différents scénarios possibles sans les prochaines semaines avec les organisations syndicales », assure Antoine Guillou. Dont l’un pourrait bien être la perte de ces trois jours pour les agents de la Ville de Paris.