Paris : Rococo à souhait, la façade du théâtre la Comédie italienne en danger
PATRIMOINE•Le premier étage du théâtre devrait être prochainement repeint après un ravalement de façadeRomarik Le Dourneuf
L'essentiel
- La façade du théâtre la Comédie italienne, rue de la Gaîté dans le 14e arrondissement de Paris, est menacée par un possible ravalement de façade à venir.
- Le propriétaire défend ses droits par un accord tacite passé avec la propriétaire à la signature du bail, en échange de concession au rez-de-chaussée.
- Pour défendre sa façade, Attilio Maggiulli a lancé une pétition, déjà signée par de grands noms du théâtre et demande l’aide de la mairie de Paris.
Difficile de passer à côté tant sa couleur ressort à côté du reste de la rue. Le bleu ciel, les anges et les colonnes dorées… Le théâtre la Comédie italienne, au 19, de la rue de la Gaîté à Paris, est connu pour sa façade, si renommée qu’elle a reçu une mention Hors catégorie au concours des plus belles devantures de boutique de la ville de Paris en 1995, des mains de Jacques Chirac, alors maire de la capitale.
Aujourd’hui pourtant, Attilio Maggiulli, patron et fondateur du théâtre, avec Hélène Lestrade, récolte les signatures pour la pétition qu’il a lancée il y a trois semaines pour sauver sa façade menacée par un ravalement. Si le rez-de-chaussée restera intact, « pour le moment », le premier étage, et ces fenêtres condamnées qui cachent l’espace de stockage du théâtre est menacé de retrouver le blanc immaculé commun au reste de l’immeuble.
Pourtant Attilio Maggiulli l’assure : « Ils n’ont pas le droit. J’ai passé un accord tacite avec la propriétaire pour cette façade lors de la signature du bail. En échange de quelques mètres carrés pour le local poubelle et de toilettes au rez-de-chaussée, je pouvais peindre l’extérieur de l’étage. »
Fondé en 1980 dans « la rue des sex-shops »
En 1995, Jacques Chirac avait alors promis au comédien, à sa demande, de classer la façade en monument protégé. « Mais trois mois après il était président de la République, alors vous pensez bien qu’il avait autre chose à faire. » Malheureusement, et comme le stipule le document du syndic Nexity qu’il montre à qui le veut, « après recherche auprès de l’urbanisme par l’architecte, il n’en est rien et les architectes de la Ville de Paris ont donné leur accord à un retour à l’état d’origine. »
Sans trace de ce classement, ni de l’accord avec la propriétaire, Attilio Maggiulli n‘a que cette pétition pour seule arme. Il revendique tout de même plus de 21.000 signatures seulement 20 jours après son lancement, parmi lesquelles des noms ronflants du théâtre : Fabrice Luchini, Francis Huster, Juliette Binoche, Jean Dujardin, Denis Podalydès ou Isabelle Huppert.
Le fondateur du théâtre défend l’histoire et l’esprit du lieu. Dans l’ancienne « rue aux théâtres », un temps « mangée par les sex-shops », il a remplacé en 1980 un ancien commissariat d’arrondissement situé au 17, avant de l’étendre sur un petit sex-shop au 19 avec le soutien de légendes comme Samuel Beckett ou Marcello Mastroianni. Fier, il raconte les cours de commedia dell’arte qu’il a donné à Marcel « le mime » Marceau tout en montrant les photos sur le mur du hall d’entrée.
Des soutiens prestigieux, mais pas celui des autorités
Surtout, Attilio Maggiulli craint pour la survie de son théâtre, antre de la commedia dell’arte et « le seul théâtre de comédie italienne de France ». Selon lui, la propriétaire voudrait récupérer le lieu pour le transformer en logement. « Le bail que nous avons signé me fait payer un loyer assez bas. Avec les prix de Paris et de la rue aujourd’hui, elle voudrait sûrement en tirer beaucoup plus. »
En difficultés financières depuis plusieurs années, de grands noms ont lorgné ce lieu mythique. De Jean-Pierre Mocky qui voulait le transformer en petit théâtre de genre, à Rocco Siffredi qui voulait y « organiser du théâtre tout nu », il a surtout craint « la menace Dieudonné ». « Je ne m’en serai pas remis », commente-t-il. Pour le moment, il ne doit son salut qu’à la vente aux enchères d’un mouchoir ayant appartenu à Marilyn Monroe et aux quelques aides dont il a pu bénéficier pendant la crise sanitaire.
Pour sauver son théâtre, Attilio espère du soutien. En plus de la pétition, il aimerait voir la ville de Paris se mobiliser. S’il a contacté Carine Petit, maire du 14e arrondissement, dont il avait reçu un courrier de soutien après une agression, il n’a pour le moment aucune réponse. Même topo du côté de l’hôtel de ville. « Ils financent des Jeff Koons, ils rachètent des clubs comme le Tango, pourquoi ne pourraient-ils pas m’aider, au moins à sauver ma façade ? »