Rungis : Le marché international veut se lancer dans la livraison par drone
BAPTEME DE L'AIR•La société Dragonflypads ambitionne de créer le réseau et les infrastructures pour permettre les livraisons par drone, jugé plus écologique et économique que les autres moyens de transportRomarik Le Dourneuf
L'essentiel
- Ce mercredi, la start-up française Dragonflypads lançait le premier vol commercial en zone urbaine au-dessus du marché international de Rungis.
- Le choix de Rungis se justifie par sa configuration dense qui correspond à celle d’une ville miniature.
- L’ambition de Dragonflypads d’organiser des livraisons par drone se heurte à des obstacles techniques, réglementaires et surtout d’acceptation par la population.
«Le futur, c’est maintenant. » Stéphane Layani, président-directeur général de la Semmaris, la société qui gère le marché international de Rungis, ne cachait pas son enthousiasme ce mercredi à quelques instants du premier vol commercial en zone urbaine d’un drone. 25 minutes après, l’appareil survolait la zone, faisant le tout d’un bâtiment et atterrissait sur le toit de son « vertiport ». La caisse de truffes et de citrons caviars qu’il transportait en ressort intact.
Si à première vue l’événement ne semble pas révolutionnaire, c’est qu’il n’est qu’une étape d’un long processus initié par la société Dragonflypads. Son but est de développer l’usage du drone pour différentes situations et notamment celle de la livraison. D’où la création de ses vertiports, des cabines en forme de cube qui servent à la fois de pistes d’atterrissage et de décollage pour les drones, mais aussi de stations de recharge, d’abri pour le pilote et de station informatique.
Rungis en « mini-ville »
Si Rungis a été choisie, c’est que sa configuration s’y prête particulièrement. « C’est une mini-ville, la population y est très dense, il y a de grands bâtiments, des voitures, des lignes à haute tension, des autoroutes et même l’aéroport d’Orly à proximité », explique Eric Gauthier, l’un des cofondateurs de Dragonflypads. Rungis est alors le site idoine pour tester différents scénarios envisageables dans une métropole.
A Rungis, malgré la proximité des bâtiments, les allers-retours fréquents, et souvent urgents, peuvent s’avérer longs en raison de la circulation, d’où la pertinence du lieu. « Par exemple, Paris est déjà très dense, on ne peut plus pousser les murs et continuer d’y faire entrer des camions. Le drone est une solution écologique et économique pour la logistique du dernier kilomètre comme il l’a prouvé ici », ajoute Stéphane Layani.
Des infrastructures à créer
Si le big boss de Rungis parle de possible développement à 10 ou 12 ans, beaucoup d’obstacles se dressent encore sur sa route volante. Techniques d’abord, comme la difficulté à porter des charges lourdes, le drone présenté ce mercredi ne pouvait porter « que » 5 kg. Mais surtout, il est sensible aux conditions météorologiques comme les vents forts ou la pluie. « Je pense qu’on trouvera la solution pour faire voler les drones par tous les temps, comme on a réussi à le faire avec les avions de ligne », assure Cyril Godeaux, expert de l’aéronautique, aujourd’hui employé de Dragonflypads.
Les infrastructures sont aussi manquantes pour accueillir un tel dispositif. C’est ici que les vertiports peuvent prendre leur importance. « Disposés un peu partout, ils pourraient servir de station de recharge, de maintenance et de réparation pour les pilotes, tant qu’il y en a parce qu’on espère aussi trouver un moyen d’automatiser les drones », précise Cyril Godeaux.
L’acceptation du public
Pour le moment, le survol des zones urbaines par des drones est encore interdit. Par exemple, pour ce simple vol test, l’équipe de Dragonflypads a dû remplir une demande auprès de la préfecture et auprès de la direction de l’aviation civile. « En tout, 6 mois et 250 pages de dossier pour un seul vol », soupire Cyril Godeaux. L’expert espère pouvoir développer un réseau aérien de vol de drone, avec des « tunnels », sur le modèle de l’aviation. Pour accélérer les demandes d’autorisation, la start-up développe actuellement une application qui pourrait préparer directement ces demandes et les transmettre aux autorités en temps réel pour recevoir le feu vert aussi rapidement. Dans un premier temps, ces vols pourraient se limiter à des couloirs peu fréquentés par la population, « comme la Seine qui serait une très belle opportunité sur Paris. »
Si le Business model de ces infrastructures reste encore à trouver (Des « relais colis » sur le modèle d’Amazon sont évoqués), l’un des plus gros freins au développement du dispositif de livraison par drone reste l’acceptation du public selon Cyril Godeaux : « Il faut que la population accepte l’idée d’avoir des engins volants au-dessus de leur tête, avec le bruit que cela fait et la peur, très mesurée, de risques de chutes. »