Paris : Un appel au boycott des bars en soutien aux jeunes filles droguées au GHB
SOCIETE•Le collectif Héro.ïnes 95 lance un mouvement de boycott des bars et autres établissements de nuit ce vendredi, en réaction aux nombreux témoignages de jeunes filles droguées au GHBMathilde Desgranges
L'essentiel
- Reprenant un mouvement lancé par l’Union féministe inclusive autogérée (UFIA) en Belgique, le collectif Héro. ïnes 95 appelle à boycotter les bars, clubs et établissements de nuit ce vendredi.
- Vingt-et-une plaintes de jeunes filles ayant été droguées ont été recensées par le collectif, qui travaille en lien avec le commissariat du XVIIIe arrondissement, ces trois dernières semaines.
- Le boycott est voué à être reconduit « autant de temps que nécessaire » pour que les patrons de bar et de boîte de nuit prennent leur responsabilité et rendent leurs établissements plus sûrs.
Ce soir, on se prive d’un verre pour faire avancer la cause des femmes ? Un mouvement de boycott des bars, clubs et autres lieux de la nuit ce vendredi soir a été lancé par des collectifs féministes, à la suite de récents témoignages de jeunes femmes qui ont été droguées au GHB dans ces lieux.
Après la récente vague de témoignages de jeunes femmes qui ont été droguées au GHB, sous les hashtags #MetooGHB et #Balancetonbar, l’Union féministe inclusive autogérée (UFIA) a appellé au boycott en Belgique. Le mouvement a été repris en France par Héro.ïnes 95, un collectif féministe basé dans le Val-d’Oise. « C’est un bon moyen pour attirer l’attention et inciter les établissements à prendre leurs responsabilités. Mais il ne faut pas que cela dure trop longtemps et que cela inflige aux femmes une double peine en les empêchant de sortir », avertit le collectif féministe Nous Toutes.
« Sans conclure qu’il y a davantage d’usages malveillants de ces substances, on peut noter une augmentation du volume de saisie de GHB à Paris », informe la préfecture de police de Paris. Le commissariat du XVIIIe arrondissement est saisi d’une enquête pour « plusieurs faits d’administration de substances nuisibles commis au mois d’octobre 2021 dans des bars situés dans les IXe, XVIIIe et XIXe arrondissements », qu’il mène en restant au contact du collectif Héroï.nes 95. Pour le seul quartier de Pigalle, ce collectif recense 33 victimes potentielles d’intoxication au GHB depuis le mois de juillet, dont 21 entre le 22 octobre et le 6 novembre.
Lutter contre ce phénomène
« C’est triste à dire, mais ce n’est pas nouveau comme situation. Le GHB, cela fait 20 ans que c’est monnaie courante », explique Laëtitia, responsable du bar Le Klub. Alors, pour aider les femmes à se protéger, de nombreux dispositifs ont été inventés. Parmi eux, la « capote à verre » et le vernis à ongles qui détecte la présence de GHB dans un liquide. Un moyen de « culpabiliser les victimes en leur disant que c’est à elles de faire plus pour se protéger », dénoncent d’un commun accord les collectifs féministes.
« On ne va pas commencer à sortir avec une bombe lacrymo, une capote de verre, un vernis anti-GHB. C’est exponentiel, on peut toujours faire plus pour se protéger. A ce moment-là, on finit par ne plus sortir du tout », s’insurge Eina, militante du collectif Héro. ïnes 95. De toute façon, « cela n’offre pas une réelle sécurité, ajoute Laëtitia. Une fille peut avoir mis une capote à verre et se faire droguer via une seringue, c’est un phénomène qu’on voit de plus en plus. »
Le but de ce boycott est justement de mettre la pression aux patrons pour les inciter à prendre des mesures pour rendre leur établissement plus sûr. Selon Laetitia, cela passe d’abord par de la sensibilisation, pour « que le personnel du bar se sente impliqué », et par un contrôle à l’entrée. « Chez nous, les vigiles font un gros travail en amont pour contrôler les personnes qu’ils laissent entrer, c’est pour cela qu’on a assez peu de problèmes de ce genre », ajoute-t-elle. Son propos fait écho à la pétition lancée en Angleterre pour demander des fouilles à l’entrée de ces lieux festifs.
Une responsabilité de l’Etat
« Si on veut que les bars modifient leur manière de faire, par exemple en rendant les fouilles à l’entrée obligatoires, cela peut venir d’une motivation forte des patrons de bar. Mais cela marcherait mieux si c’était une obligation imposée par l’Etat », explique le collectif Nous Toutes. Les militantes de Héro.ïnes 95, à l’origine du boycott à Paris, aimeraient qu’un dispositif de prévention des violences sexistes et sexuelles soit une condition obligatoire à l’ouverture d’un établissement de nuit, au même titre que les sorties de secours ou les conditions d’accueil des personnes handicapées.
Le manque de prise en charge de la situation par les services publics, de police ou de santé, revient régulièrement dans les témoignages sur les réseaux. « Quand une personne est droguée au GHB, elle est victime d’une tentative d’empoisonnement. Les personnes avec une santé fragile ou un traitement spécifique peuvent en mourir, avertit Eina. La police devrait enquêter aussi sérieusement que pour une tentative de meurtre. » Henriette, étudiante de 21 ans, est fière de dire qu’elle prend part à ce mouvement pour dénoncer les violences sexistes et sexuelles « parce que c’est omniprésent et qu’on n’a pas le sentiment que la police ou la justice ne se mobilisent pour lutter contre ».
« On fait un boycott général parce qu’il ne sert à rien de boycotter un bar plus qu’un autre. C’est un problème systémique, cela peut arriver partout », explique Taeko, militante Héro.ïnes 95. « Et le boycott sera reconduit tant qu’il est nécessaire ». On est donc au début de la mobilisation.