En ver et contre tout, Paris n'est pas loin d’être aux fraises pour le tri des biodéchets
RECYCLAGE•Comme les autres collectivités, la mairie de Paris doit organiser le tri et la collecte des biodéchets avant le 31 décembre 2023
Guillaume Novello
L'essentiel
- Selon la loi Agec de 2020, tout le monde devra trier ses biodéchets avant le 31 décembre 2023.
- Si Paris ne part pas de rien, il reste du chemin à parcourir pour parvenir à cet objectif.
- Plusieurs dispositifs ont été mis en place comme des composteurs collectifs, des lombricomposteurs, de la collecte en porte à porte.
C’est pas qu’on est pressés, c’est que ça urge ! Eh non, on ne parle pas déjà des cadeaux de Noël à préparer mais bien des déchets organiques à trier. Car, et c’est assez méconnu, la loi Agec de 2020 prévoit qu’avant le 31 décembre 2023 tout le monde devra trier ses biodéchets. Ceux-ci regroupent selon le code l’Environnement « les déchets non dangereux biodégradables de jardin ou de parc [et] les déchets alimentaires ou de cuisine. » Et deux ans, ça va vite ! Surtout pour les collectivités qui doivent mettre en place ce tri spécifique et la collecte inhérente.
« A Paris, la bonne nouvelle, c’est qu’on ne part pas de rien, rassure Colombe Brossel, adjointe à la mairie en charge de la gestion des déchets. Nous poursuivons la mise en place de tous les dispositifs du plan compost 2016-2020. Nous avons déployé un millier de composteurs collectifs en pied d’immeubles ou dans des bâtiments collectifs, distribué 5.000 lombricomposteurs à destination des particuliers. » A cela s’ajoute le compostage dans les jardins collectifs, le plus souvent assuré par des associations.
La collecte en porte à porte au ralenti
« Nous sommes encore dans la phase d’expérimentation de la collecte, reconnaît l’élue de la majorité. L’objectif est double : tester toutes les formes de dispositifs et se baser sur les usages des Parisiens. » Pour Mélisande Seyzériat, coordinatrice générale de l’association Zero Waste Paris, il faudrait rapidement passer à l’étape supérieure et mettre un coup sur l’accélérateur : « ça patine, on trouve que ça va assez lentement ». « On ne sera pas à un tri total des biodéchets à la source avant fin 2023, juge-t-elle. C’est mal embarqué. »
Elle regrette notamment que l’expérimentation de la collecte en porte à porte, via les poubelles marron, lancée entre 2017 et 2019 dans les 2e, 12e et 19e arrondissements ne soit pas déjà étendue. Or ce n’est pas tout à fait à l’ordre du jour, selon la municipalité. « Nous ferons le bilan fin 2022, car nous sommes toujours en phase d’expérimentation », indique Colombe Brossel. En raison de la densité des habitats, « dans le 19e arrondissement, nous n’avons pu équiper que 60 % des immeubles d’une poubelle de collecte, faute de place. Dès lors, comment trier les biodéchets des 40 % restants ? » A ces difficultés, s’ajoute le confinement pendant lequel la collecte s’est brutalement arrêtée. « Ça a pris du plomb dans l’aile », constate Mélisande Seyzériat, que rejoint, sur ce point, l’adjointe à la mairie de Paris qui souhaite « relancer la dynamique » grâce à des campagnes d’information. Ou très concrètement, en visitant les immeubles qui ne sortent plus leur poubelle marron le jour de collecte.
Vers des containers fixes ?
En parallèle, la mairie veut multiplier les bornes d’apport volontaire des biodéchets et « construire pas à pas cette stratégie pour déposer les déchets alimentaires ». « Nous avons noué des partenariats avec des écoles pour qu’elles en accueillent afin que les parents déposent leurs déchets en même temps que leurs enfants », se félicite Colombe Brossel. Des bacs ont également été déployés sur les marchés parisiens, avec un résultat mitigé pour la coordinatrice de Zero Waste. « C’est la catastrophe, s’alarme-t-elle. Ce sont des poubelles peu différenciées mises à disposition de tout un chacun et on y trouve fréquemment des gobelets, des papiers. Sur un marché près des Halles, j’ai même repéré une poubelle de collecte remplie de cintres ! »
Si l’élue reconnaît des problèmes sur « quatre ou cinq marchés », elle salue au global « la bonne qualité des déchets », indispensable pour leur valorisation. La municipalité a également testé la mise en place, à proximité de marchés couverts, de containers pour déchets alimentaires. Une expérience concluante qui « rend envisageable de laisser dans la rue des containers à compost », comme cela peut être le cas pour le verre. Enfin la mairie « travaille sur la capacité pour la ville de collecter tous les déchets alimentaires de restauration collective des administrations et des groupes scolaires ». Mais pour une mise en place en 2024…
Des chiffres inquiétants
Le problème, c’est qu’on part de très bas. Selon les données municipales, en 2019, 5.000 tonnes de déchets alimentaires ont été collectées. Sachant qu’ils représentent environ 25 % du total des ordures produites par un foyer parisien et que « chaque jour, 3.000 tonnes de déchets sont collectées » à Paris, il faudrait que soient collectées, quotidiennement, 750 tonnes de déchets alimentaires, soit plus de 270.000 tonnes sur une année. Sacré hiatus ! D’autant que ce n’est pas qu’une question de réglementation, rappelle Mélisande Seyzériat. « Incinérer des biodéchets, qui sont composés à 80 % d’eau, est une perte d’énergie forte, et les mettre en décharge, ça libère du méthane dans l’atmosphère et la décomposition au milieu d’autres déchets crée du “jus de poubelle” qui infiltre et contamine les sols. » Charmant.
Enfin ultime écueil, on en fait quoi des biodéchets collectés ? Dans l’idéal, ils sont envoyés dans un méthaniseur où ils sont transformés en biogaz et en digestat, destiné à fertiliser les sols. Sauf que « la filière de méthanisation des déchets n’est pas encore en place », déplore Mélisande Seyzériat. Heureusement, le Syctom, qui gère les déchets de l’Ile-de-France a prévu d’en construire un à Gennevilliers. Livraison prévue : pas avant fin 2024. Presque dans les temps.