Paris : Le collège de la Grange-aux-Belles s’est mué en lieu de vacances ouvert sur le quartier
QUARTIERS POPULAIRES•La mairie de Paris a ouvert cet été 28 établissements scolaires dans les quartiers populaires pour en faire des lieux de vacances et d’activités multiplesAude Lorriaux
L'essentiel
- Le collège de la Grange-aux-Belles, dans le 10e arrondissement à Paris, ouvre pour la deuxième année sa cour et ses murs aux associations pendant l’été, qui l’ont transformé en lieu de vie et de vacances.
- Ce dispositif pionnier a été étendu cette année à 47 autres établissements scolaires, dont 28 dans des quartiers populaires.
- « C’est une logique de libre accès », explique Anne-Claire Boux, adjointe à la maire de Paris en charge de la politique de la ville.
Dans la cour, des enfants jouent dans des piscines gonflables à s’asperger et à faire de l’apnée, tandis qu’à quelques mètres, un groupe fabrique des cerfs-volants avec des adultes. Des tam-tam résonnent en même temps et des femmes avec leurs bébés sirotent des boissons au soleil, aux côtés d’ados qui sautent sur des trampolines. Cela a tout l’air d’un village vacances, et pourtant nous sommes dans une cour d’école, celle du collège La Grange-aux-Belles dans le 10e arrondissement de Paris, en plein mois de juillet, à un moment où d’habitude les écoles sont fermées. C’est grâce à la volonté de la mairie de Paris, qui a voulu ouvrir 48 établissements scolaires aux familles dont 28 dans des quartiers populaires, pour en faire des lieux de vie et d’activités.
Le collège de la Grange-aux-Belles fait figure de pionnier : le dispositif avait déjà été testé l’année dernière, avant d’être étendu cette année. Entre 80 et 120 personnes se pressent chaque jour pour profiter des activités, et aussi, tout simplement se retrouver. « C’est des lieux super pour les familles qui ne peuvent pas partir » explique le directeur général des quatre centres d’animation du 10e, Yann Moullec.
Une course en sac et des activités en libre accès
L’une des clés de la réussite de ce dispositif est sa souplesse. Pas besoin de s’inscrire, on peut y venir à l’improviste. « C’est une logique de libre accès », explique Anne-Claire Boux, adjointe à la maire de Paris en charge de la politique de la ville, venue ce jour-là saluer les associations et habitants et habitantes.
L’autre ingrédient indispensable, ce sont des gens comme Brigitte Jakobowski, présidente de l’association Magab et véritable médiatrice du quartier. Parce qu’elle était toujours dehors, et souvent témoin lors de bagarres, son entourage l’a poussé à créer une association, à la suite d’une rixe mortelle en 2018. Elle est devenue une vraie « radio » du quartier, plaisante-t-elle, « radio Magab », avec son Whatsapp toujours connecté sur plein de boucles de messages. Au collège de la Grange-aux-Belles, elle organise des ateliers de lecture, de contes, des dictées, une sensibilisation à l’environnement, et aujourd’hui, avec des mamans du quartier, une course en sac. « Courage, courage », crie-t-elle à deux garçons et trois petites filles qui gesticulent comme des haricots, enrubannés dans de gros sacs blancs.
« La cour du collège, c’est notre théâtre, notre village. Ça permet de ressouder des liens », intervient Kevin, de l’association Ngamb’Art qui organise des cours de danse, de musique, en fonction des besoins. Car pour les associations aussi, ce dispositif est plus souple. L’improvisation est autorisée, les tentatives d’innovation bienvenues. Un cadre moins « institutionnel » et moins concurrentiel qui facilite les échanges entre associations.
D’ailleurs à quelques mètres de là, plusieurs membres de l’association Acort (Assemblée citoyenne des originaires de Turquie) sont venus en visiteurs. Le lundi, ils animent des ateliers « reporters égalitaires », de sensibilisation aux médias, mais cette fois, ils « passent » juste en amis, dire bonjour. Non loin, plusieurs membres de l’association Français langue d’accueil se sont lancés dans un atelier de confection de cerfs-volants, avec Omid et Mohsen, deux Afghans. A l’intérieur, un cours de danse orientale a déjà commencé, où trois enfants et deux femmes s’essaient à faire des pointes et des équilibres, en guise d’échauffement. « On peut fermer les yeux », conseille doucement la professeure.
Budget exceptionnel cette année
Cette impression de ruche en activité, ce melting-pot de compétences n’a pourtant rien du hasard. Ce travail de lien entre les associations a été patiemment tissé par Mathie, des services de la ville. « Ces projets-là ne tombent pas du ciel. Soixante-dix personnes bossent au quotidien à tisser des liens, ce sont des couturiers du lien de la vie associative », détaille Jérémie Suissa, le directeur de cabinet d’Anne-Claire Boux.
L’ouverture des établissements scolaires fait partie du dispositif de la ville à destination des quartiers populaires, pour lesquels un budget exceptionnel a été voté cette année, comme l’année dernière, pour répondre à la crise économique et sanitaire. Avec environ 800.000 euros de plus de la Ville et de l’Etat au total pour que l’été des Parisiens et Parisiennes ne soit pas gâché par le Covid-19.
Entre autres, trois bassins de baignade ont été installés à porte de Montreuil, La Villette et porte d’Ivry, 22 équipements sportifs sont ouverts dans le cadre de « Centre sport découvertes » et au niveau culturel, des actions hors les murs sont organisées par Paris Musées. Plus de 7.000 Parisiens et Parisiennes devraient en outre profiter de séjours organisés à l’extérieur de la capitale. Et Anne-Claire Boux de plaider : « Notre objectif c’est qu’il n’y ait pas un seul jour sans activité pour les quartiers populaires. »
Collège de la Grange-aux-Belles. 158, quai de Jemmapes (10e). Ouvert en mode estival jusqu’au 20 août. Programmation complète sur le site de l’association CRL10.