Paris : Où en sont les lauréats de l’appel à projets « Réinventer la Seine » ?
LE COURS DE LA SEINE•L’appel à projets lancé en 2016 par Paris, Rouen, Le Havre et Haropa Ports de Paris ambitionnait de redynamiser les rives de la Seine autour de projets à vocation sociale et environnementale. Mais les difficultés se sont accumulées pour de nombreux projets parisiensR.L.
L'essentiel
- Sur les 13 projets lauréats parisiens de l’appel à projets « Réinventer la Seine », seuls deux ont été réalisés à ce jour.
- Quatre d’entre eux ont été officiellement abandonnés.
Elle devait devenir un lieu dédié à l’agroécologie et au « bien manger ». Mais le vent souffle toujours à travers les vitres cassées de la halle de Rouvray, derrière les bâtiments des Canaux de Paris, aux pieds de la Villette dans le 19e arrondissement de Paris. Désaffectée en 1995, l’ancienne bâtisse industrielle aurait pourtant pu retrouver une seconde jeunesse grâce à « Réinventer la Seine ».
En mars 2016, Paris, Rouen, Le Havre et Haropa Ports de Paris-Seine Normandie lançaient cet appel à projets à visée sociale et environnementale, voué à réhabiliter des sites voisins du fleuve pour redynamiser le bassin de la Seine. « Un programme d’une échelle inédite, à l’attention des innovateurs du monde entier », se félicitait la maire de Paris, Anne Hidalgo, lors de la cérémonie de lancement à Rouen, en mars 2016.
La restauration de la halle de Rouvray est alors attribuée au projet « Manufacture de l’Ourcq », mené par un consortium de promoteurs, architectes et associations. En lien avec une parcelle à cultiver, la halle devait abriter un restaurant proposant du pain et de la bière artisanale, ainsi que des ateliers citoyens et des animations culturelles.
Problèmes financiers et obstacles administratifs
Un programme ambitieux pour un site d’à peine 500 m2 à rénover du sol au plafond. Trop ambitieux ? « Dès le début, il y a eu beaucoup de questions sur la viabilité du projet, qui avait été choisi plutôt pour sa philosophie que pour son modèle économique », raconte Nicolas Ziesel, architecte en charge du projet. Pendant deux ans, les responsables s’attellent à trouver un modèle rentable pour une rénovation à deux millions d’euros. Mais petit à petit, les difficultés financières et techniques s’accumulent.
En cause, surtout, un blocage administratif non anticipé : le projet de la Manufacture de l’Ourcq, qui reposait sur un modèle commercial, était incompatible avec le classement de la halle de Rouvray en « zone urbaine verte » (UV), à vocation « récréative, sportive ou culturelle », indique le Plan d’urbanisme local (PLU). « Ils pensaient pouvoir s’arranger, raconte Agnès Sourisseau, paysagiste sur ce dossier. Mais au bout de deux ans, ils nous ont expliqué que cela ne pourrait pas marcher. »
Quatre projets officiellement abandonnés
Des difficultés propres au site, mais la halle de Rouvray est loin d’être un cas isolé. Parmi les 13 projets lauréats parisiens de « Réinventer la Seine », seuls deux ont pu être réalisés à ce jour : le Bridge, un cabaret électro sous le pont Alexandre III (VIIe), et le centre d’art urbain flottant Fluctuart, port du Gros Caillou (VIIe). Un troisième, le complexe aquatique de l’Arche, dans le port de Javel (XVIe), devrait voir le jour au printemps 2021, indique le maître d’œuvre Seine Design. Quant au vaste quartier mixte sur le site de l’ancienne usine des Eaux de Paris, sur les quais d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), les travaux pourraient démarrer fin 2022, assure Olivier Soulier, en charge du projet pour Quartus Ensemblier Urbain.
En plus de la Manufacture de l’Ourcq, trois autres projets de « Réinventer la Seine » ont été abandonnés, à cause de problèmes techniques ou financiers : la boulangerie-pâtisserie flottante « Moulin Seine », dans le port des Invalides (VIII), « Alt-Urbaine » qui devait coupler une plateforme d’agriculture urbaine et un restaurant devant le complexe Chinagora, à Alfortville (Val-de-Marn), et « Barges et Berges », des barges mobiles itinérantes entre le port de Tolbiac, à Paris (XIIIe), et Le Havre.
Les autres ont été mis sur pause ou revus à la baisse. La « Barge brasserie », une brasserie flottante sur le quai de Briche, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), doit être repensée « car on s’est rendu compte que le site était trop petit », avoue Côme Lesage, porteur du projet. Un problème auquel s’est ajoutée l’absence de système d’évacuation des eaux usées sur le site. Les travaux des « Jardins du recyclage » sur le port d’Ivry-sur-Seine, ont eux aussi pris du retard, « le site étant en plus mauvais état que prévu », justifie Erwan Le Meur, responsable du dossier pour Paprec. La transformation de l’ancienne cité administrative de Bobigny (Seine-Saint-Denis) en un quartier d’ateliers et de tiers-lieux est quant à elle suspendue, en attente « du renforcement des accès routiers », explique Quartus.
L’atelier de l’Arsenal, sur les quais de la Rapée (XIIe) et la réhabilitation du parking du pont de Grenelle (XVIe), inclus dans le projet d’extension du périmètre de classement par l’Unesco des rives de Seine, ont quant à eux été mis sur pause pour être « retravaillés ».
On n’en saura pas plus : contactée, la Mairie de Paris n’a pas répondu à nos sollicitations.