LE NOUVEAU COURS DE LA SEINEPoissons, mouettes, cygnes... Six fois où la Seine a été polluée

Paris : Poissons morts, mouettes mazoutées, cygnes orange… Six fois où la Seine a été polluée

LE NOUVEAU COURS DE LA SEINELa Seine a connu des épisodes de pollution à la suite d’accidents ou d’aléas climatiques depuis le début du XXe siècle. Tour d’horizon des six événements les plus marquants
Marie Boetti

Marie Boetti

L'essentiel

  • En 2019, deux incendies entraînent une pollution des eaux de la Seine dans les Yvelines et en Seine-Maritime qui asphyxie les milieux aquatiques.
  • Hydrocarbures, plastique… les accidents ayant pollué la Seine ces 100 dernières années se présentent sous plusieurs formes.

Paris, 1910. Les eaux de la Seine envahissent les rues de la capitale et les transforment en véritables canaux. Les habitants se déplacent sur des passerelles en bois surélevées… y compris les députés pour se rendre à l’Assemblée nationale. Le zouave du pont de l’Alma est noyé jusqu’aux épaules. À cause de la crue, les stations d’épuration et d’incinération franciliennes sont inaccessibles.

C’est ainsi que va se jouer un gros épisode de pollution : alors que le niveau de l’eau culmine à 8,62 mètres, le préfet de police Louis Lépine décide de déverser des tonnes d’ordures à partir du pont de Tolbiac et du viaduc d’Auteuil. Le but ? Éviter une épidémie, comme celle du choléra au XIXe siècle. En tout, l’opération « Ordures au fil de l’eau » dure quinze jours, malgré la colère de certaines communes en aval.

Une plage de fioul en 1997

En 1997, on est en pleine crise de l’industrie du pétrole. Au port du Havre, une mauvaise manœuvre d’accostage laisse mouettes et goélands mazoutés, recouverts de fioul. Un navire pétrolier de 232 mètres, le Katja, heurte un ponton. Ce qui endommage la coque à l’arrière du vaisseau. 187 mètres cubes de fioul s’échappent de la soute, d’après les chiffres du GIP Seine-Aval. Un barrage flottant permet de récupérer la majorité des hydrocarbures. Le reste, répandu dans l’estuaire et la baie de la Seine, s’échoue sur des plages à proximité. Toute activité sur les côtes (baignade, pêche…) est rapidement interdite afin de préserver la population. 300 personnes – sapeurs-pompiers, militaires et agents communaux confondus – se mobilisent pour retirer les boulettes de goudron. D’importants moyens pour une pollution considérée comme modeste par le Centre d’expérimentation, de documentation et de recherche sur les pollutions accidentelles des eaux (Cedre).

Pollution plastique en 2010

Les accidents ne se limitent pas à des rejets d’hydrocarbures. En février 2010, des milliers de rondelles en plastique sortent d’une station d’épuration de l’Essonne à la suite d’un débordement. Pendant plusieurs jours, elles passent par Paris et voyagent jusque dans les Hauts-de-Seine. Utilisés pour purifier les eaux usées, ces petits corps du même diamètre qu’un bouchon de bouteille ne nuisent pas à la santé, selon la police de l’eau de la Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie (DRIEE). Toutefois, ils représentent un danger pour les espèces du fleuve qui les ingurgitent. Ils peuvent causer la mort de certaines d’entre elles et perturber la chaîne alimentaire.

Des cygnes orange en 2018

Les premières victimes des pollutions de la Seine sont les écosystèmes aquatiques. En décembre 2018, les plumes des cygnes de Corbeil-Essonnes, une commune traversée par le fleuve, se colorent en orange. Une imprimerie déverse par erreur 3.000 litres de peinture de cette couleur, à base de toluène, un hydrocarbure inflammable. Freinée par un barrage flottant, elle recouvre la surface de l’eau sur 1,5 kilomètre. Une anomalie aurait altéré le système de pompage permettant de diluer l’encre de l’entreprise Hélio, à l’origine de la fuite. Un document du ministère de l’Écologie d’alors précise la présence en 2011 de toluène dans les cuves de l’imprimerie, dont certaines entre 2 et 7 mètres de profondeur.

Près de 8 tonnes de poissons morts en 2019

7,5 tonnes de poissons et d’algues de la Seine meurent durant l’été 2019. La cause : des flammes ont ravagé une partie de la station d’épuration Seine Aval d’Achères (Yvelines), un site classé Seveso seuil haut en raison de produits toxiques. Des eaux non traitées se sont alors écoulées dans le fleuve. Le taux d’oxygène baisse, asphyxiant les milieux aquatiques. La population ne risque rien, contrairement aux gardons, aux carpes et aux anguilles, selon la DRIEE. Pour le moment, la pollution perdure. A chaque épisode de pluies, la station accueille une quantité d’eaux usées supérieure à ses capacités… dont le surplus s’écoule dans la Seine.

Asphyxie à Lubrizol

Les conséquences de ces accidents restent parfois encore floues, comme pour l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen. En septembre 2019, le site également classé Seveso part en fumée. Des galettes d’hydrocarbures, très nocives pour les milieux aquatiques, apparaissent dès le lendemain dans le fleuve.


Notre dossier sur la Seine

Deux barrages flottants gardent ces substances prisonnières, ensuite pompées par la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM). Le dispositif laisse toutefois échapper une vingtaine de nappes, récupérables d’après la préfecture de Normandie. Les analyses de l’Agence française pour la biodiversité (AFB) permettront de mesurer le réel impact de la catastrophe.

20 secondes de contexte
La série « Le nouveau cours de la Seine » a été réalisée par une promotion de neuf étudiants en alternance de l’école de journalisme de Paris ESJ-Pro, sous la direction de leurs formateurs et de l’équipe de 20 Minutes. Les sujets brossent la relation changeante entre Paris et son fleuve, dont l’image est bouleversée par l’amélioration constante de la qualité de l’eau.