Paris : « Maison fond », œuvre symbole du réchauffement climatique, bientôt expropriée du parvis de la gare du Nord ?
TRAVAUX•En 2015, à quelques jours de la COP21, l’œuvre « Maison fond », est installée par la mairie de Paris et la SNCF sur le parvis de la Gare du Nord (10e). Elle doit désormais être déplacéeRomain Lescurieux
L'essentiel
- Selon nos informations, la mairie de Paris est appelée à récupérer l’œuvre pour permettre les travaux de rénovation de la gare du Nord.
- Contactée par 20 Minutes, la mairie de Paris fait savoir que l’œuvre est « en mauvais état » et que « la ville est en train d’étudier les scénarios de dépose et va rentrer en contact avec l’artiste ».
- Le bras de fer entre la mairie de Paris et les porteurs du projet, SNCF Gares & Connexions et la foncière d’Auchan, Ceetrus, concernant le chantier d’ampleur de la future Gare du Nord se poursuit.
Une époque, un symbole. En octobre 2015, à l’occasion de la Nuit Blanche, la mairie de Paris et la SNCF installent sur le parvis de la Gare du Nord (10e arrondissement), une œuvre imposante et « magistrale ». Alors que le sommet de la COP21 s’ouvre quelques jours plus tard dans la capitale, les Parisiennes, Parisiens et usagers de la gare découvrent Maison fond, œuvre de l’artiste argentin Leandro Erlich qui remet les clefs de cet immeuble de type haussmannien à la maire de Paris, Anne Hidalgo.
Cette installation haute de près de sept mètres, voulue comme pérenne est réalisée grâce au premier budget participatif de la ville. L’installation invite alors « à nous interroger sur nos certitudes », indiquent fièrement les deux partenaires, la mairie de Paris et la SNCF. Les temps ont changé.
« L’artiste a choisi une image simple et puissante, celle d’un bâtiment en train de fondre sous l’effet du réchauffement climatique », notait la ville à l’époque. « Maison fond évoque les catastrophes naturelles récentes dues au réchauffement climatique et leur impact sur nos existences. […] Au-delà des discours environnementaux portés par l’œuvre, cette sculpture, participe au projet d’ampleur de transformation de la Gare du Nord lancé en juin 2015, embellie, ouverte et en interaction avec les voyageurs, riverains, commerçants », se réjouissait-on chez SNCF Gares & Connexions.
Cinq ans plus tard, l’œuvre vit un ultime décompte et se retrouve au cœur d’une plus large confrontation. En cause : les travaux d’ampleur de la future Gare du Nord, bras de fer entre la mairie de Paris et les porteurs du projet, SNCF Gares & Connexions et la foncière d’Auchan, Ceetrus.
« Maison fond » vs « vaste loggia »
Selon nos informations, la mairie de Paris est désormais appelée à récupérer l’œuvre. Alors que le préfet de région Michel Cadot a donné son feu vert le 7 juillet au volet commercial du projet de rénovation et de transformation de la Gare du Nord, malgré l’opposition de la mairie, qui le jugeait trop commercial, les premiers travaux ont débuté. Et Maison fond ne fait pas partie du projet de rénovation du parvis. En lieu et place de cette installation, les architectes Denis Valode et Jean Pistre prévoient « la création d’une entrée unique, vaste loggia ouverte sur le parvis, à l’est de la gare historique qui donne accès à une rue intérieure de 300 m de long couverte par une verrière ». Out donc l’œuvre qui doit être déplacée sur un autre site, pour permettre la mise en place de cette « loggia de vert ».
Où Maison fond va-t-elle atterrir ? Contactée par 20 Minutes, la mairie de Paris fait savoir que l’œuvre est « en mauvais état » et que « la ville est en train d’étudier les scénarios de dépose et va rentrer en contact avec l’artiste ». Mais depuis plusieurs mois, le sujet global de transformation de la Gare du Nord est explosif. En juillet, le premier adjoint à la maire de Paris Emmanuel Grégoire avait réagi avec force à l’annonce du feu vert de l’Etat au volet commercial du projet de transformation de la gare : « Le gouvernement vient de s’inventer un Notre-Dame-des-Landes en plein Paris. Je lui souhaite beaucoup de courage sur le plan politique et juridique ». Début septembre, la mairie a déposé un recours auprès du préfet de la région Ile-de-France, qui ne suspend toutefois pas les travaux qui ont débuté le 20 juillet.
Un « lifting » en débat
Le gigantesque chantier prévoit en effet un grand « lifting » de la première gare d’Europe, vieille de 155 ans et fréquentée par 700.000 voyageurs chaque jour. Le projet comporte notamment la construction de commerces, bureaux et équipements culturels. Moyennant 600 millions d’euros, il intègre aussi un toit terrasse végétalisé d’un hectare avec vue sur le Sacré-Cœur, doté d’une piste de trail, un parking pour 2.000 vélos et une grande nef transversale.
Le permis de construire a été signé avec un « objectif de livraison des travaux nécessaires pour les Jeux olympiques et paralympiques 2024 », selon le préfet. La ville qui avait soutenu dans un premier temps cette rénovation, avait ensuite jugé ce projet « contraire aux exigences écologiques et urbaines portées par l’exécutif parisien nouvellement élu ». Et la bataille semble loin d’être terminée.