INTERVIEWUne aide de 60 euros pour 25.000 collégiens démunis de Seine-Saint-Denis

Coronavirus en Seine-Saint-Denis : Mise en place d'« une aide contre la précarité alimentaire de 60 euros pour 25.000 collégiens », annonce Stéphane Troussel

INTERVIEWPrésident du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel annonce une aide exceptionnelle pour compenser la fermeture des cantines mais exhorte le gouvernement à agir
Guillaume Novello

Propos recueillis par Guillaume Novello

L'essentiel

  • En Seine-Saint-Denis, un des départements les plus pauvres de France, la crise sanitaire du Covid-19 se double d’une crise sociale de plus en plus aiguë.
  • Stéphane Troussel, président du département, annonce une aide de 60 euros pour les familles de 25.000 collégiens pour faire face à la précarité alimentaire.
  • Mais, pour lui, cela ne peut suffire, et il en appelle aux pouvoirs publics, et notamment à Emmanuel Macron, pour soutenir les plus pauvres.

Une forme de double peine pour la Seine-Saint-Denis. Dans ce territoire où, selon l'Insee, 28,6 % des ménages vivent en dessous du seuil de pauvreté (soit 1.026 euros par mois pour une personne seule), la crise sanitaire du coronavirus vient se doubler de difficultés sociales qui s’amplifient de jour en jour. Stéphane Troussel, le président du département dionysien, ne cesse de tirer la sonnette d’alarme concernant la vulnérabilité des plus précaires, à coups de tribunes, dans La Croix ou Le Monde, et d’interviews. Dans un entretien accordé ce lundi à 20 Minutes, il annonce en exclusivité la mise en place d’une aide exceptionnelle destinée aux familles de collégiens les plus fragiles, pour compenser la fermeture des cantines scolaires.

Comment le coronavirus affecte-t-il le département de Seine-Saint-Denis ?

Tous les chiffres montrent que la Seine-Saint-Denis et ses habitants risquent de payer un plus lourd tribut que d’autres territoires pour de nombreuses raisons, et en particulier à cause de la pauvreté. Il n’y a pas 20 % de la population de Seine-Saint-Denis qui est partie se confiner dans sa résidence secondaire, il y a peut-être des contaminations intrafamiliales plus nombreuses quand on vit dans un petit appartement où c’est difficile d’isoler un malade, il y a aussi dans le département un certain nombre de pathologies chroniques plus nombreuses qu’ailleurs, le cancer, le diabète, l’asthme, l’obésité. Enfin il y a un certain nombre d’habitants qui exercent des professions en première ou en deuxième ligne aujourd’hui face au coronavirus, que ce soit des aides-soignants, infirmiers, brancardiers, mais aussi caissiers, livreurs, éboueurs qui continuent, eux, de travailler et de prendre les transports en commun.

Dans quelle mesure la crise du coronavirus aggrave-t-elle la précarité alimentaire ?

La période à venir sera cruciale pour continuer à garantir les besoins vitaux des plus modestes, et au premier rang desquels la possibilité de s’alimenter. On le voit en Seine-Saint-Denis, les associations d’aide alimentaire multiplient leurs actions de livraisons de repas à cause de la fermeture des cantines ou de la perte de certains revenus. Cela représente une hausse des dépenses très dure à supporter pour les familles les plus modestes et très clairement les associations caritatives et les collectivités ne pourront pas tenir seules dans la durée cette situation.

Le gouvernement est-il à la hauteur des enjeux sur ces questions ?

Le gouvernement a décidé très justement des aides pour le soutien aux entreprises et aux salariés dans le cadre du chômage partiel. Mais il faut quand même dire que le chômage partiel, ça ne concerne pas les familles les plus modestes, celles qui sont aux minima sociaux, celles qui vivent de petits boulots qui ont disparu avec le coronavirus. En revanche, elles voient leurs dépenses contraintes, en particulier d’alimentation, augmenter. Et les collectivités locales et les associations caritatives ne pourront pas assurer tout toutes seules dans la durée. Il est impératif que le président de la République annonce dès ce lundi soir des mesures immédiates d’aide aux familles les plus modestes parce que sinon la crise sociale va s’ajouter à la crise sanitaire. J’ai proposé notamment la mise en place d’une aide exceptionnelle de 300 euros par foyer avec majoration de 100 euros par enfant pour tous les ménages qui sont bénéficiaires des minima sociaux.

Que faites-vous au niveau du département pour venir en aide à ces populations fragilisées ?

Nous-mêmes, dans les collectivités, avons identifié très tôt cet enjeu et avons lancé un certain nombre de dispositifs de soutien. Nous allons ainsi mettre en place d’ici à la fin du mois une aide exceptionnelle pour les collégiens les plus modestes qui mangeaient habituellement à la cantine et qui ne payaient pas plus de 2,50 euros leur repas. Ce sera une aide de 60 euros qui concernera 25.000 adolescents pour compenser la fermeture des cantines. Nous sommes en train de finaliser les modalités qui pourraient prendre la forme de chèques-service, ou encore de versements par l’intermédiaire de la CAF.


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Avez-vous d’autres leviers d’action ?

Dès le 13 mars, au moment où nos crèches et nos collèges fermaient, nous avons distribué aux associations, comme la Croix-Rouge, les Restos du cœur ou le Secours populaire, des repas stockés dans nos cuisines de nos collèges. Ce qui représentait à titre d’exemple 16.400 parts de saumon, 3.200 kiwis ou encore 710 kilos de poires. Nous avons aussi transféré des stocks de lait infantile et de couches que nous avions dans nos 55 crèches départementales à l’association Interlogement 93. Le 1er avril, nous avons rouvert une de nos cuisines centrales des collèges pour produire 2.000, puis dès la semaine prochaine, 3.000 repas par jour qui sont distribués par des associations. Dans l’hypothèse où les besoins continueraient d’augmenter, nous pourrions rouvrir une seconde cuisine centrale. Depuis une semaine, nous distribuons des paquets secs de nourriture, de couches et de lait à 40 familles que nous mettons à l’abri et qui ne peuvent pas subvenir à leurs besoins.

La décision de fermer les marchés a-t-elle aggravé cette problématique alimentaire ?

Bien évidemment que la fermeture des marchés, où un certain nombre de familles modestes peuvent se fournir en fin de marché où les commerçants vendent à prix plus bas, participe aussi de ces difficultés actuelles, mais cela a aussi été décidé au regard des consignes sanitaires qui sont primordiales. Néanmoins, on ne réglera pas le problème avec une ouverture supplémentaire des marchés. Il faut régler le problème avec une mesure sociale nationale d’ampleur qui s’applique à toutes les familles les plus en difficulté.