TENDANCEAvec « Les Misérables », c’est le boom culturel à Montfermeil

César 2020 : Avec « Les Misérables », c’est le boom culturel à Montfermeil

TENDANCELe film de Ladj Ly a mis un coup de projecteur sur cette commune de Saint-Denis où la culture ne s’en laisse pas conter
Guillaume Novello

Guillaume Novello

L'essentiel

  • Réalisateur des Misérables, en lices pour les César ce vendredi soir, Ladj Ly a grandi et filmé à Montfermeil.
  • La ville de Seine-Saint-Denis, se distingue, avec sa voisine Clichy-sous-Bois, par un important écosystème culturel qui ne cesse de se développer.
  • Autour des Ateliers Médicis, un des plus ambitieux projets culturels d’Ile-de-France, plusieurs initiatives s’épanouissent comme le défilé Mode et Créations.

Nommé aux César dans une palanquée de catégories, le film Les Misérables pointera une nouvelle fois les lumières sur Montfermeil. Depuis le Prix du Jury attribué à Cannes au printemps dernier au film de Ladj Ly, la commune de Seine-Saint-Denis est une habituée des projos. Début 2020 est également sorti Merveilles à Montfermeil, un film de Jeanne Balibar, tandis que début février la série Le Monde de demain sur l’histoire du hip-hop à Paris castait ses acteurs principaux dans la ville.

Au-delà du cinéma, « c’est une espèce d’écosystème culturel qui s’est créé et qu’on essaie d’entretenir », affirme Xavier Lemoine, maire (PCD) de Montfermeil. « Après les émeutes en 2005, enchaîne-t-il, notre conviction, à Montfermeil comme à Clichy-sous-Bois, c’était que c’était par la culture qu’on pouvait s’en sortir, qu’on pouvait réconcilier nos villes avec elles-mêmes et qu’on pouvait changer l’image de nos villes. La culture a été mise en avant de toutes nos politiques publiques jusqu’à réussir à convaincre l’Etat d’installer les Ateliers Médicis. »

A la fois projet emblématique et vieux serpent de maire, les Ateliers Médicis sont nés après les émeutes de 2005 d’une idée du journaliste Jérôme Bouvier qui s’est inspiré de la prestigieuse Villa Médicis à Rome. Un temps, il fut question de les installer dans la tour Utrillo, immeuble de bureaux désespérément vide et finalement détruit fin 2017. Mais finalement, « il y a un an et demi, a été ouvert un bâtiment éphémère qui préfigure le bâtiment définitif qui sera construit en 2025 à la place de la tour Utrillo, à la frontière Clichy/Montfermeil », détaille Cathy Bouvard, directrice générale des Ateliers Médicis depuis septembre 2018.

Le bâtiment provisoire des Ateliers Médicis à Clichy-Montfermeil.
Le bâtiment provisoire des Ateliers Médicis à Clichy-Montfermeil. - Lamya Monkachi

« Il y a des résidences d’artistes sur tout le territoire de Clichy-Montfermeil et de la Seine-Saint-Denis, ajoute-t-elle, ce qui représente une quarantaine d’équipes par an de toutes disciplines. Ici, on met des artistes en relation avec les habitants, afin de voir comment un artiste est transformé par un territoire et inversement. » Par exemple, l’architecte-plasticien Feda Wardak est en train d’installer une plate-forme en bois à 4 m de hauteur dans la forêt de Bondy pour y accueillir à l’été chorégraphies, conférences, etc. « Il y a aussi tout un volet qu’on appelle le campus, qui est l’idée de faire émerger des voix, de créer un nouveau vivier d’artistes de ces territoires, ajoute Cathy Bouvard. Par exemple, on a donné un coup de pouce à Ladj Ly pour la création de son école, qu’on a hébergée et qu’on a financée. »

Les masterclass de Sonia Rolland

A côté des Ateliers Médicis, Xavier Lemoine met en avant « le Son et Lumières de Montfermeil, actif depuis 25 ans » et « le défilé Culture et Créations qui rassemble un millier de spectateurs dans le gymnase Colette-Besson ». Lancé en 2005, le défilé, qui se tiendra ce samedi, met en valeur les créateurs amateurs et est parrainé depuis dix ans par LVMH. « Nous soutenons cet événement humainement très fort car il est vecteur de cohésion sociale et met en avant l’excellence, la beauté, la créativité et non les stéréotypes que l’on entend parfois sur Clichy-sous-Bois et Montfermeil, explique Olivier Théophile, directeur responsabilité sociale du groupe de luxe. C’est un parrainage très complet qui va du don de tissu pour permettre de réaliser les créations, aux masterclass avec des couturiers de nos maisons, en passant par des cours avec Sonia Rolland pour apprendre à défiler car tous les modèles sont amateurs. »

Le défilé propose à la fois des créations issues d’habits traditionnels des différentes communautés de Montfermeil et des créations inspirés cette année du thème du conte. Un jury de professionnels remet trois prix dont le « jeune talent RSE LVMH ». Le lauréat est ensuite « accompagné pendant six mois pour lui permettre de participer à un salon professionnel à Berlin dans lequel il peut monter une petite collection, détaille Olivier Théophile. L’idée est de lui permettre de se professionnaliser dans le domaine de la mode et de la couture. »

« On laisse en jachère la jeunesse »

« Ce sont des moments très forts où les Montfermeillois sont acteurs », juge le maire qui assure : « La culture, j’en mets à tous les étages. Je considère que la culture est la clé de voûte de toutes les politiques sectorielles que l’on peut mettre en place. » Une assertion que conteste fermement Dominique Dellac, conseillère départementale et tête de liste de la gauche aux municipales. « A Montfermeil, si les choses bougent, ça n’est certainement pas grâce à Xavier Lemoine. On laisse en jachère la jeunesse, et c’est ce que je regrette particulièrement », attaque celle qui accuse la mairie de refuser toutes subventions à son association Montfermeil Clichy Culture. « Il n’y a pas de soutien à la création, et par exemple, l’école de cinéma Kourtrajmé de Ladj est une initiative privée soutenue par les Ateliers Médicis, et non par la mairie. »

Notre dossier sur les César

« Il y a une volonté politique forte sur ce territoire-là d’enfin le transformer, conclut Cathy Bouvard. A terme, je veux que Clichy-Montfermeil ne soit pas un territoire dont on parle mais d’où on parle. » Pour la directrice des Ateliers Médicis, il est évident que quelque chose se passe au niveau culturel à Clichy-Montfermeil. « Le film de Ladj Ly, ça a créé une dynamique très forte, plein de choses se développent, c’est plein d’espoirs en tout cas. »