Paris: Après cinq mois de grève, les femmes de chambre de l’Ibis des Batignolles gardent espoir
CONFLIT SOCIAL•Cinq mois après le début du conflit, les négociations semblent au point mort
Caroline Politi
L'essentiel
- La grève des femmes de chambre de l’hôtel Ibis Clichy-Batignolles a débuté le 17 juillet.
- Elles réclament une revalorisation de leurs conditions de travail.
- Les négociations sont au point mort.
Rachel sait déjà où elle passera le réveillon du 24 décembre. Devant l’Ibis des Batignolles, dans le nord-ouest de Paris, pour y tenir « un piquet de grève de Noël ». « Ce sera un autre type de fête », plaisante la quadragénaire, femme de chambre depuis bientôt 17 ans dans cet hôtel de la porte de Clichy. Mardi, cela fera cinq mois jour pour jour que vingt salariés, dont dix-neuf femmes de chambres, ont entamé une grève illimitée pour demander une revalorisation de leurs conditions de travail. « Il faut que ça aboutisse, on n’a pas fait tout cela pour rien, c’est impossible », souffle cette femme énergique. Quatre autres salariées ont accepté de reprendre le travail cette semaine.
Une cadence infernale
Tous travaillent pour une société sous-traitante d’Accor – STN Groupe – et déplorent la cadence infernale et les conditions de travail dégradées dans cet Ibis – le 2e plus grand de France et d’Europe – qui compte 706 chambres. « On nous répète à longueur de journée d’accélérer, on fait de notre mieux mais ce n’est jamais suffisant », confie Sylvie, qui travaille là depuis six ans. La direction leur demande désormais de « faire » trois chambres et demie par heure. « Comment voulez-vous faire un ménage complet et changer les draps en 16 ou 17 minutes ? C’est impossible et ils le savent. On est obligé de faire des heures supplémentaires qui ne sont pas payées. » Selon les responsables syndicaux, la cadence imposée a engendré une augmentation des arrêts maladies. Rachel a ainsi été arrêtée trois mois pour une tendinite au poignet. « D’autres ont le dos coincé, femme de chambre, c’est un boulot qui abîme. »
Au-delà même du rythme, les grévistes, à l’instar d’Aboubacar, le seul homme du mouvement, évoquent un climat de tension particulièrement prégnant, à la limite du harcèlement moral. « On m’a menacé à plusieurs reprises de me muter, il y a eu trois tentatives de licenciement en deux ans qui ont été rejetées par l’inspection du travail, c’était l’enfer », confie cet « équipier » dans l’hôtel depuis sept ans, en charge notamment du nettoyage des parties communes ou du linge. « On ne demande pas des choses délirantes, juste des conditions de travail décentes », insiste-t-il.
Les négociations piétinent
Mais cinq mois après le début du conflit, les grévistes, malgré leur détermination, accusent une certaine lassitude. « C’est dur, ce n’est pas des vacances, c’est de l’angoisse permanente », confie Sylvie. Les négociations, engagées avec le groupe STN et le géant de l’hôtellerie sont au point mort. Les femmes de chambre réclament d’être embauchées par le groupe Accor, ce que ce dernier refuse. STN a proposé des augmentations de salaires horaires et une prime de panier (repas) de 3,62 euros contre les 7,24 euros demandés. Insuffisant selon les grévistes. La société de sous-traitance a néanmoins accepté l’installation d’une pointeuse afin de mettre fin aux heures supplémentaires non payées.
« On sait qu’on se bat pour une bonne cause, mais une grève aussi longue c’est compliqué à gérer », confie Aboubacar. Tous ont en ligne de mire, le conflit qui s’est joué à moins de cent mètres de l’Ibis l’année dernière : les femmes de chambre du Holiday Inn de Clichy ont obtenu, au terme d’un bras de fer de 111 jours, la fin du paiement à la chambre, la suppression des mutations et une prime de panier à 7,14 euros. En attendant, pour les aider à tenir, une cagnotte mise en place par la CGT HPE leur permet de compenser une partie de la perte de leur salaire. Contactées, ni la direction de STN ni celle d’Accor n’ont souhaité commenter les négociations en cours.