Extinction Rebellion : AG, yoga, désobéissance… Les « rebelles » tiennent toujours place à Paris
SOCIETE•Quelques centaines de militants et sympathisants du mouvement écologiste Extinction Rebellion (XR) ont entamé ce mercredi matin leur troisième journée de blocage sur la place du ChâteletRomain Lescurieux
L'essentiel
- Mercredi matin, sur la place du Châtelet à Paris, dans une ambiance très calme, les militants d'Extinction Rebellion commençaient à sortir de leurs tentes après une deuxième nuit passée sur place.
- Cette occupation se déroule sous surveillance policière.
Jusqu’ici tout va bien. Alors que la pluie se calme, le « village dans la ville » monté et tenu par Extinction Rebellion (XR) depuis lundi sur la place du Châtelet (1er arrondissement), s’agite doucement ce mercredi matin. Armée d’un seau et d’une brosse, Buffy*, nettoie méticuleusement un tag sur le pont au Change. Le mot « anticapitaliste » y a été inscrit. « Peu importe ce qui a été marqué, on enlève, car il ne doit pas y avoir de dégradation », dit celle qui a passé les deux dernières nuits sur cette zone désormais neutralisée.
Comme dans près de 60 villes mondiales, des « rebelles » bloquent cette semaine leur capitale en utilisant la stratégie de désobéissance civile non-violente. Après une action à Italie 2 (13e arrondissement) dans le week-end, quelques centaines de militants et sympathisants ont investi cette place en plein cœur de Paris. Et ce, sous surveillance policière. Tandis que nombreux cars de CRS bordent le secteur et que les forces de l’ordre gèrent une circulation de fait coupée, les formations, ateliers, débats, sessions de yoga et organisations des actions, s’enchaînent sur ce terrain écolo urbain et hybride. « Une ZAD en plein Paris », se réjouit Martin, 32 ans, militant depuis quelques mois.
Sans arme, ni haine, ni alcool
Il est 15h15 ce lundi, quand ces militants écologistes de XR prennent d’assaut la place du Châtelet. Navette fluviale, bottes de foin, personnes assises sur la route… En peu de temps, le camp de base est monté. Cette opération baptisée « occupation pour la suite du monde » a été pensée et réfléchie durant plusieurs semaines, selon des membres de XR. « Même si les informations sont communiquées à la dernière minute », précise Nicolas, qui se présente comme citoyen.
But de l’opération : réclamer des actes contre le réchauffement climatique. Ou encore reconnaître la gravité et l’urgence des crises écologiques actuelles. « C’est nécessaire. Nous sommes arrivés à un point de non-retour », déplore Martin. Et le camp du Châtelet sert de base arrière pour plusieurs centaines de personnes afin de mener les réflexions sur les actions, mais aussi dormir et faire la fête. Toutefois, les règles sont claires : « Pas d’alcool, pas de drogue, pour que les gens gardent leurs esprits, et pas d’armes », nous explique-t-on. Mouvement écolo, XR est le fruit du travail d’universitaires britanniques (Roger Hallam notamment) puisant leur inspiration dans différentes stratégies de contestation et les travaux de l’Américaine Joanna Macy. Et la France n’est pas en reste pour les membres qui tiennent le pavé parisien.
« On est une évolution de Nuit debout. Peut-être moins spontané mais mieux parce qu’on apporte une stratégie et une structuration plus évoluée, tout en respectant le vivant dans sa globalité », analyse Martin. Concernant les Gilets jaunes, « on partage avec eux le besoin de justice sociale », abonde Nicolas. « Il trouve en nous la structure et la stratégie qui leur manque », note Martin. Mais surtout, selon lui « tout le monde trouvera de choses à faire ici. Il y a de la place pour tout le monde. On est très inclusifs ». Mais alors quid des profils ?
ZAD de CSP + ?
Ils sont étudiants, salariés ou anciens salariés, anciens étudiants à la fac ou même en école de commerce. Plutôt jeunes et diplômés. « Nous essayons de faire des ponts avec toutes les couches de la population mais c’est vrai que les militants en France sont plutôt des CSP + et c’est un problème », dit Martin. « Et oui, on est plutôt urbains même si beaucoup de rebelles viennent de régions », conclut-il.
Quoi qu’il en soit sur le camp, certains gèrent le ravitaillement, d’autres les médias, les affaires juridiques ou la communication. Les réseaux sociaux sont d’ailleurs très maîtrisés tout comme les outils informatiques qui sont sécurisés et libre de droits, basés sur des serveurs étrangers et alimentés par des énergies renouvelables. Mais que ce soit Buffy ou Martin, primo-militants, il faut de l’action. Pour eux, les pétitions et les manifestations déclarées n’ont pas fait avancer les choses. Il y a dans les associations traditionnelles, trop de verticalité, « et il faut payer ». Pour eux, Greenpeace ne va pas assez loin et l’ONG Sea Shepherd un poil trop. Ils le répètent : « La non-violence c’est dans notre consensus d’action ».
« Si il y a de la violence ce n’est pas Extinction Rebellion »
« On passe nos journées à enlever les tags », répète Buffy. « Nous tentons aussi de canaliser les gens qui ne respecteraient pas notre consensus », note Martin. Et pour cause. Le parquet de Paris avait ouvert une enquête sur les dégradations commises lors de l’occupation d’un centre commercial parisien par Extinction Rebellion et l’a élargie lundi pour « apologie du terrorisme » après la découverte de tags évoquant l’attaque de la préfecture de Paris, a-t-on appris mercredi de source judiciaire. De son côté, la maire de Paris, Anne Hidalgo dit soutenir les actions d’Extinction Rebellion « dès lors qu’elles sont non-violentes », a-t-elle déclaré sur BFM Paris.
« XR sera toujours non violent », martèle Buffy. « Si il y a de la violence ce n’est pas Extinction Rebellion. C’est stratégique. Il y a des gens qui participent à des Black Block chez XR, mais ils comprennent que la violence n’est pas une solution », souligne Nicolas. Une stratégie qui leur permet de ne pas être délogés ?
La préfecture « évalue la situation »
« Peut-être que XR est dans une position très privilégiée avec la police de par sa non-violence », évoque un homme en AG. D’autres misent sur leur force de frappe. « Je pense que c’est à cause des retombées du pont de Sully qu'ils ne nous ont toujours pas délogés ». « En tout cas, ça va être plus difficile de nous déloger maintenant qu’on a toute une place remplie de matos », assure Buffy. Si « il y a des bonnes relations avec la police », des membres le certifient : il n’y a pas eu d’autorisation au préalable ou d’occupation déclarée en préfecture. Contactée par 20 Minutes, une source policière confirme. « Il n’y a a pas d’autorisation. Pour l’instant la préfecture évalue la situation. Une intervention sur un pont avec autant de gens, c’est compliqué », concède-t-on.
S’ils annonçaient leur intention de rester sur place jusqu’à ce mercredi, certains disent désormais ne vouloir ne rien lâcher. « On est là jusqu’à ce qu’on ne puisse plus être là, jusqu’à ce qu’on nous déloge en fait », réagit Buffy. Martin lui est remonté à bloc. « Le métro-boulot-dodo dans lequel on nous a fait vivre n’a plus de sens. Je n’ai donc rien n’a perdre ».
* Pseudo choisi par l'interviewée