Incendie de Notre-Dame de Paris : Les feuilles mortes du jardin du Luxembourg sont-elles polluées au plomb ?
SOCIETE•Alors que la question de la présence du plomb à Paris est discutée au Conseil de Paris après l’incendie de Notre-Dame, des regards se tournent vers le Jardin du Luxembourg, situé en dehors du « périmètre de surveillance »Romain Lescurieux
L'essentiel
- Le groupe UDI-MoDem dépose un vœu pour que l’analyse du taux de plomb dans les parcs et jardins parisiens soit étendue à l’analyse des branchages et feuillages.
- Le Sénat, gestionnaire du jardin du Luxembourg, a fait analyser ses sols.
- Les feuilles mortes concentrent toutefois des inquiétudes.
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle. Depuis le début de l’automne, les jardiniers des parcs et jardins de Paris s’affairent, comme ce mardi, au Jardin du Luxembourg (6e arrondissement) où sous une fine pluie battante, certains tondent quand d’autres passent le râteau. Les feuilles orangées et craquelées sont ainsi ramassées et réunies dans des grandes cages grillagées, disposées à différents endroits de cet espace vert appartenant au Sénat. Mais cette année, ces feuilles qui s’entassent sont guettées d’un œil suspect.
Six mois après l'incendie de Notre-Dame qui a en partie détruit la cathédrale le 15 avril dernier, plusieurs centaines de tonnes de plomb contenues dans la charpente de la flèche et la toiture ont fondu et se sont volatilisées sous forme de particules. Ces feuilles mortes sont-elles contaminées ? Pourquoi ne sont-elles pas détruites ? Qu’en faire ? Quels sont les risques ? Certains élus parisiens et des associations alertent, s’interrogent et s’inquiètent.
« Il y a une sorte de non-dit »
« Il y a une sorte de non-dit. Si on a trouvé des traces de plomb au sol, a-t-on cherché dans les feuillages des parcs et jardins ? », s’interroge Eric Azière, président du groupe UDI-MoDem au Conseil de Paris. « J’ai regardé ce qui avait été fait en matière de détection de la pollution au plomb. Tout a été fait sur les sols, le périmètre immédiat de Notre-Dame, les écoles. Mais quid du feuillage qui pose actuellement la question du traitement des feuilles mortes dans ce parc où des enfants jouent notamment », explique-t-il à 20 Minutes.
Le groupe UDI-MoDem s’étonne en effet que le jardin du Luxembourg, situé au sud-ouest de la cathédrale, dans la trajectoire du panache de fumée, « ait été écarté du périmètre d’investigation de l’ARS [agence régionale de santé] ». Selon la formation politique, « rien ne permet pourtant d’affirmer que, tel le nuage de Tchernobyl, les particules de plomb se soient arrêtées aux grilles du jardin ». Le groupe a donc déposé un vœu en ce sens en Conseil de Paris – où le sujet doit être discuté – pour que l’analyse du taux de plomb dans les parcs jardins parisiens soit étendue à l’analyse des branchages et feuillages. Mais le Sénat, gestionnaire du jardin du Luxembourg, reste seul décisionnaire.
Des analyses réalisées uniquement au sol
Ce mardi, dans les allées du parc, les jardiniers disent ne pas vouloir en parler et dirigent vers la Direction de l’architecture, du patrimoine et des jardins du Sénat, qui renvoie vers le service de communication. « Les feuilles du jardin du Luxembourg sont compostées, comme tous les ans, pour en faire du terreau », indique-t-on au service de presse. « Du composte potentiellement plombé », réagit Eric Azière. Des prélèvements et analyses ont toutefois été effectués au jardin, rappelle-t-on, mais uniquement sur les sols.
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« Le Sénat a fait réaliser des prélèvements et des analyses pour s’assurer que le public présent ne courait aucun danger. En effet, par son utilisation passée ou actuelle, le plomb constitue un polluant très présent dans l’environnement. Le jardin du Luxembourg est un jardin historique dont les derniers grands réaménagements datent du XIXe siècle. Par conséquent, ses sols peuvent potentiellement présenter une forte concentration de plomb, à l’instar de ceux des autres jardins parisiens », note le compte-rendu. Verdict ? « Les résultats sont rassurants. » Sollicité à nouveau concernant les analyses de feuilles, le service de presse du Sénat commente : « Aucune analyse des feuilles n’a été réalisée compte tenu des résultats des analyses des sols. » Une réponse insuffisante pour l’Association des familles victimes du saturnisme (AFVS) qui indique vouloir leur écrire ces prochains jours pour « demander des réponses », affirme l’association auprès de 20 Minutes.
« Le plomb ne disparaît pas »
« Il y a eu des analyses de terre, mais pas des feuilles, des fleurs, alors qu’on peut imaginer qu’elles soient imprégnées de plomb. Ou s’il y a eu ces analyses nous aimerions les voir », insiste Mathé Toullier, présidente de l’AFVS qui rappelle un risque probable. « Si on marche sur ces feuilles, on peut transporter du plomb. Ces feuilles sont balayées, déplacées mais le plomb ne disparaît pas. En fait, on déplace la patate chaude, mais la patate est dangereuse », conclut-elle.
En septembre dernier, la présence de plomb dans des logements – après les écoles – près de Notre-Dame était mise en avant par l’association Robin des Bois. Leur président Jacky Bonnemains avait également fait part de sa vive inquiétude sur une éventuelle contamination de la faune et de la flore de la Seine. « Le plomb ne disparaît pas, il migre et s’incruste dans les sédiments », affirmait-il, alors que la Ville de Paris dévoilait la veille son plan d’action contre la pollution au plomb dans la capitale.