Réforme du lycée : Le parcours de combattant des parents pour inscrire leurs enfants en Première
HORS DES BANCS•Manque de places ? Spécialités indisponibles ? Des élèves doivent renoncer aux spécialités qu’ils ont choisies pour intégrer un lycée en classe de premièreS.A
L'essentiel
- Lancée le 1er septembre, la rentrée scolaire 2019-2020 connaît son lot de nouveautés. Au lycée, réforme oblige : les séries S, ES et L ont été supprimées et remplacées par des enseignements de spécialités. Les élèves de première sont les premiers concernés par ce changement.
- Plus de 15 jours après les premiers cours, Fatima K. a trouvé une place en classe de première générale et technologique pour sa fille de 15 ans, mais cette dernière a dû renoncer aux options qu’elle a choisies. Sylvie P. continue son combat pour que son fils fasse sa rentrée dans une classe de première générale avec option humanité-littérature-histoire-géo-SES à l’académie de Versailles.
- Pour la FCPE, ce délai d’attente est à imputer à l’exécution trop rapide de la réforme du lycée.
C’est le cauchemar de tout parent : un enfant à la maison, privé de rentrée scolaire. Un mauvais rêve qui a parasité le quotidien de Fatima K. et s’installe dans celui de Sylvie P. A défaut des bancs du lycée, leurs enfants ont la rentrée sur leurs canapés.
Scolarisée en seconde dans un lycée privé à Paris en raison de sa proximité géographique, la fille de Fatima K. a reçu vendredi une affectation pour intégrer une classe de première dans un établissement public parisien. Mais pour rejoindre ses nouveaux camarades, elle a dû renoncer aux spécialités arts plastiques et SVT qu’elle avait choisies pour « composer avec ce qu’il restait », explique la maman. Et elle n’est pas la seule dans ce cas.
Indisponibilités des enseignements choisis lors des vœux
Lydia a témoigné sur 20 Minutes des tracas qu’a connu sa fille lors de sa rentrée en première générale. « Elle voulait choisir musique et italien en enseignements de spécialité mais ils n’étaient pas enseignés dans son lycée ». La famille a alors sollicité le CNED pour 8h de ces cours mais « cela lui a été refusé sous prétexte que son lycée ne faisait pas partie d’une zone isolée. Du coup elle a dû choisir deux autres enseignements de spécialité par défaut : arts et anglais »
Pour Sylvie P., la lutte n’est pas encore terminée. Son fils, inscrit en première générale avec option humanité-littérature-histoire-géo-SES à l’académie de Versailles, n’a toujours pas reçu une proposition d’affectation dans un lycée qui comporte les spécialités qu’il souhaite étudier. « Nous avons dû refuser l’affectation [dans un lycée de Villeneuve-la-Garenne] car cela ne rentrait pas en cohérence avec son choix d’études et son projet professionnel, à savoir être journaliste. Depuis on se bat », raconte la maman. De plus, l’établissement proposé est situé « hors de notre commune [Clichy] alors qu’un de ses camarades, dans la même situation, s’est vu affecter pour les mêmes options dans un établissement proche », ajoute-t-elle.
Des affectations « par défaut »
La situation est incompréhensible pour les familles. Fatima K. avait commencé les démarches pour inscrire sa fille au lycée depuis le mois de mars. Le 27 juin, l’académie lui avait même signifié dans un courrier que son « dossier est actuellement complet » et sa « demande en cours de traitement ». « Ce n’est que le secondaire, ça va être quoi pour l’enseignement supérieur », déplore-t-elle. « Cette réforme est bien parce qu’on a mixé les classes malgré les spécialités mais il n’y a pas eu assez de communication auprès des parents », estime la maman.
Sylvie a aussi suivi le processus. À l’issue de la seconde « parcours avenir » de son fils mi-juin, la famille a formulé des vœux dans trois établissements à Clichy, Courbevoie et Levallois, dans la zone du domicile parental. Début juillet, elle s’inquiète de ne pas avoir des nouvelles et se rend dans le lycée de son fils. Après avoir été reçue avec « quelques balbutiements », elle apprend qu’elle va devoir attendre la seconde commission fin août pour obtenir une affectation pour son ado. Finalement, la réponse est tombée le 9 septembre.
« Les établissements ont dû s’adapter »
La réforme du lycée a-t-elle bouleversé l’équilibre des rectorats et retarder des affectations ? Contactée, l’académie de Paris indique que « tous les emménageants de l’été ont été affectés en 1re LGT » et les derniers cas en seconde ont été résolus, et reste à l’écoute. « Les établissements ont dû s’adapter », explique Jean-Jacques Renard, ancien vice-président de la FCPE Paris (75). Il regrette que la priorité du ministre de l’Education nationale soit allée vers le primaire au détriment du secondaire, alors qu’ils devraient être complémentaires.
Pour Abdelkrim Mesbahi, le président de la FCPE Hauts-de-Seine (92), la réforme du lycée n’est pas étrangère aux désarrois des lycéens sans affectation. « L’un des impacts de la réforme c’est le choix des spécialités en fin de seconde ». Chaque élève avait la possibilité de changer de lycée s’il n’enseignait pas les spécialités qu’il souhaitait. « Ça a impacté le nombre de places dans les établissements », explique-t-il. Il y a aussi « des arrivants dans le département qui n’ont pas été suffisamment anticipés et un dernier le reliquat du baby-boom de l’an 2000 », ajoute-t-il. Il ne faut pas non plus oublier les élèves qui ont échoué au bac.
Outré de la situation, le président de la FCPE a appelé « 25 familles » à se mobiliser vendredi matin à la préfecture de Nanterre. « On m’a répondu que mon fils avait été affecté, il fallait que je fasse avec et si je ne suis pas satisfaite, je n’ai qu’à faire un recours par recommandé à l’académie », s’exaspère Sylvie, qui a été reçue par un membre du personnel. Pas d’affectation dans le lycée choisi, pas d’enseignements de spécialité souhaité accepté. « On est dans un pays où l’éducation est reconnue et là on est en train de faire n’importe quoi avec nos enfants », regrette Sylvie.
Abdelkrim Mesbahi, le président de la FCPE 92, a également pris contact avec la rectrice de Versailles, avec le concours d’un élu, notamment pour résoudre le cas d’un élève qui a fait toute sa scolarité au collège à Gennevilliers et qui se retrouve affecté en seconde à Saint-Cloud. « J’ai impression que la direction de l’académie a pris l’ampleur de la situation. On m’a annoncé l’ouverture d’une division dans le Nord et une autre dans le Sud pour d’une part intégrer les nouveaux entrants en seconde dans notre département parce que les effectifs sont très tendus, et d’autre part pour les élèves qui ont échoué au bac. » En parallèle, le rectorat projette de créer d’ici la semaine prochaine des modules sur-mesure qui vont permettre aux élèves de terminale qui n’ont pas eu leur diplôme de préparer leur bac. En attendant, il continue à recevoir les doléances de ces élèves qui se retrouvent sur le carreau, quinze jours après la rentrée.