De «bande de nazes» à «merci de votre réactivité», qui est le CM derrière le compte Twitter du RER A?
RÉSEAUX SOCIAUX•Il est souvent le premier interlocuteur d’usagers de la RATP cherchant plus ou moins patiemment à savoir pourquoi, où et comment leur trajet est perturbé. On a passé une matinée avec un CM du RER A.Marie de Fournas
L'essentiel
- Le compte Twitter du RER A c’est : 3 community managers qui tournent sur un poste du lundi au vendredi de 6 à 22 heures.
- Mais également 138.000 followers à informer et 1.500 nouveaux abonnés chaque mois.
- Avec 280 caractères, les CM du RER A doivent expliquer pourquoi un incident à la gare de Bussy-Saint-Georges aura un impact à l’autre bout de la ligne en gare de Rueil-Malmaison.
Dans la salle de commande semi-circulaire du RER A, une trentaine d’agents RATP et SNCF s’affairent. « Là, c’est plutôt calme, comme on le voit il n’y a pas d’incident », explique Mathieu Hemour, responsable de la salle. Mais ce n’est pas toujours le cas. Malaises voyageurs, pannes de signalisation ou incidents techniques sont courants sur cette ligne où 1,2 million de voyageurs transitent chaque jour. Des usagers dont il faut parfois gérer la colère, l’impatience et la frustration en gare, mais aussi sur Twitter. C’est là qu’en cas de retards ou de perturbations, beaucoup ont le réflexe d’aller.
Derrière le compte officiel du RER A et ses 138.000 followers, trois community managers tournent du lundi au vendredi de 6 à 22 heures. Aujourd’hui, c’est Milo, arrivé à la RATP il y a quelques mois, qui est aux commandes. Principales missions : pouvoir expliquer en 140 caractères pourquoi un incident à la gare de Bussy-Saint-Georges aura un impact à l’autre bout de la ligne à Rueil-Malmaison, mais aussi être rapide et efficace.
« Les questions arrivaient 30 par 30 toutes les 5 secondes »
A partir du moment où un incident survient, les CM ont exactement trois minutes pour communiquer l’info. Ensuite, vient le temps des échanges avec les usagers. « On a fait des études et les gens ne veulent pas de réponses robotisées. Du coup, on personnalise nos réponses. Elles viennent d’experts ou de nos recherches, assure Milo. En fait, on est la voix de la ligne. Même si on reçoit cinq fois la même question, on essaie de répondre à tous… Enfin, dans la mesure du possible. » Car en cas de grosse crise, la tâche s’avère particulièrement compliquée, comme le 11 février dernier où une caténaire a chuté en gare de Lyon occasionnant un arrêt du trafic pendant plus de 4 heures. Ce jour-là, le jeune homme d'une vingtaine d'années était CM.
« J’ai dû recevoir près de 800 mentions sur la durée de l’incident, contre une centaine en moyenne sur un jour classique. Par moments les questions arrivaient 30 par 30 toutes les 5 secondes. Là, certains n’ont pas eu leur réponse. » Pourtant, Milo l’assure, dans ce genre de situation, lui et ses collègues ne lâchent pas leur écran afin d’être présent pour les voyageurs. Et tant pis pour la pause-café ou le déjeuner !
« Bande de nazes »
Un investissement pas toujours reconnu par certains qui n’hésitent pas à faire connaître leur mécontentement. « Ce qui m’énerve c’est que l’on remette en cause mon travail ou que des personnes assurent que l’on ment », explique Milo qui essaie de prendre du recul : « Sinon on ne tient pas. »
Pour tenir, il y a aussi les messages positifs, bien plus nombreux que les autres nous assure-t-on. « Des encouragements, des remerciements… Parfois même de personnes qui étaient énervées à la base. Parce qu’elles ont été correctement informées ». Ainsi, le message : « A quand des informations vraiment concrètes bande de nazes » lâché par un internaute, se transforme deux tweets plus loin en un gentil : « Super merci de votre réactivité en tous cas : D ;) ».
Légitimer les perturbations
Afin de correctement informer, les CM usent de plusieurs stratégies. Milo travaille en collaboration avec Sophie, qui gère le blog de la ligne A. « Il y a à la fois des articles ou l’on fait des retours d’incident détaillés et également des articles explicatifs sur divers thèmes. Cela permet à Milo de mettre des liens ou encore d’y piocher des éléments de réponses. On y a par exemple mis les plans détaillés de quartier pour trouver des bus. »
De plus en plus, les community managers accompagnent leurs tweets d’images d’intervention. Un moyen de prouver aux gens la gravité d’un incident et de légitimer les perturbations. Une démarche très appréciée des voyageurs. « Excellente idée les photos. On se rend mieux compte », commente l’un d’eux. « C’est très pédagogique et cela permet de relativiser », ajoute un autre avant de remercier et d’encourager le personnel d’intervention. Commentaires que Milo a enregistrés afin de le faire remonter aux équipes.
Via un logiciel, les internautes peuvent aussi être labélisés, afin de les classer selon la pertinence de leurs contributions. Ainsi, Ilies qui explique que son trajet s’est très bien passé ce matin, ira dans la catégorie « remerciement ». En revanche, Noël qui répond « suceur » en commentaire, sera classé dans le tag « bruits », créé pour les insultes, les moqueries ou les trolls. Des bruits qui restent en sourdine pour les CM du RER A. Il y a quelques mois, ces derniers ont réalisé un sondage pour connaître l’avis des gens sur leur travail : 80 % des retours étaient positifs.