Seine-Saint-Denis: Le «permis de louer», une solution efficace face aux marchands de sommeil?
LOGEMENT•Saint-Denis, Aubervilliers et Stains testent depuis le 1er janvier un « permis de louer » pour lutter contre les locations de logements insalubres…Marie de Fournas
L'essentiel
- A Saint-Denis, Aubervilliers et Stains, les bailleurs privés doivent désormais avoir une autorisation pour louer leurs biens, sous peine d’amende. Une façon de lutter contre la location de logements insalubres.
- Pour les associations, il faut que la mesure soit couplée d’aides financières pour accompagner juridiquement les locataires face à leurs bailleurs peu scrupuleux.
- Pour les mairies, la véritable solution face aux marchands de sommeil reste l’augmentation du parc immobilier.
Tout propriétaire bailleur privé qui souhaite mettre en location un bien doit obtenir auprès de la mairie une « autorisation préalable de mise en location ». Cette mesure s’applique depuis le 1er janvier dans plusieurs quartiers de Saint-Denis, Aubervilliers et Stains. « Mettre en location un logement sans avoir rempli l’obligation de déclaration peut être sanctionné par une amende allant jusqu’à 5.000 euros », précise la loi. Les trois villes, qui luttent depuis plusieurs années contre la location de logements insalubres, espèrent ainsi réduire la prolifération de marchands de sommeil.
« Pour nous c’est un moyen de contrôle en plus, assure à 20 Minutes Meriem Derkaoui, la maire d' Aubervilliers, où un incendie dans un bâtiment qui n’avait aucune autorisation pour être utilisé comme logement a fait sept morts en août. Une fois la demande faite par le bailleur, nos services ont un mois pour visiter le lieu et établir si le bien répond aux critères imposés par la loi pour toute location ». Les diagnostics électricité, gaz, performance énergétique, exposition au plomb et à l’amiante, ainsi que l’inspection générale de la salubrité des lieux sont faits par la mairie. Si les critères ne sont pas respectés, le bailleur ne peut pas louer son bien.
« Les marchands de sommeil ne se précipitent pas pour faire la demande »
Une interdiction qui a ses limites dans un réseau où les propriétaires ne s’encombrent parfois même pas d’un bail et louent au black leurs biens. « C’est sûr que les marchands de sommeil ne se précipitent pas pour faire la demande », reconnaît auprès de 20 Minutes Michel Fourcade, maire de Pierrefitte-sur-Seine. Dans cette commune du 93, la mesure est effective depuis octobre 2017 et seulement une dizaine de demandes de « permis de louer » ont été faites à la mairie. « En revanche, ce qui est intéressant avec cette mesure c’est que si des gens viennent se plaindre de l’insalubrité de leur logement et que l’on constate que la demande d’un permis de louer n’a pas été faite, la préfecture peut rapidement valider l’amende. Elle peut même monter jusqu’à 15.000 euros en cas de récidive. C’est très dissuasif », assure le maire.
Encore faut-il que les locataires, souvent en situation précaire, parfois sans-papiers, dénoncent leur bailleur peu scrupuleux. « Les communes doivent informer davantage les locataires sur leurs droits, mais le point névralgique c’est surtout : comment accompagner les locataires dans la bataille judiciaire face à leur bailleur, assure Eric Constantin, directeur de l’agence Ile-de-France à la Fondation Abbé-Pierre. Les collectivités manquent par exemple de moyens pour financer des équipes de juristes ou des travailleurs sociaux pour accompagner ces victimes qui sont souvent les moins en capacité de porter plainte. »
« 6.000 demandes de logements par an pour seulement 80 attributions »
Maires et associations s’entendent également sur un point : ce « permis de louer » ne résout pas le véritable problème de l’Ile-de-France, à savoir le manque de logement. « Nous avons 6.000 demandes par an pour seulement 80 attributions », constate Michel Fourcade. A Aubervilliers, c’est « 8.000 pour 250, assure la maire. On aura beau condamner tous les marchands de sommeil, il y aura toujours des gens en situation précaire qui auront besoin d’être logés… »
En novembre 2018, l’Institut d’aménagement et d’urbanisme (IAU) a établi que 157.000 logements privés d’Ile-de-France étaient potentiellement indignes, soit 4 % du parc. L’IAU note parmi les évolutions récentes la division d’un logement en plusieurs ou encore la « cabanisation » des fonds de jardin.