Paris: Des parents en guerre avec la mairie du 2e arrondissement (et Airbnb) pour maintenir une école maternelle ouverte
PARIS•Contre l’avis des parents d’élèves, la mairie du 2e arrondissement de Paris a décidé avec le rectorat de fermer d’ici trois ans deux classes maternelles pour regonfler les effectifs d’autres établissements qui subissent une baisse des inscriptions scolaires…Marie de Fournas
L'essentiel
- Des parents d’élèves luttent contre la fermeture programmée d’ici trois ans des deux uniques classes de maternelles de l’école Etienne-Marcel.
- La mairie invoque une diminution du nombre d’enfants dans le quartier et espère avec cette opération sauver d’autres classes et écoles du quartier.
- Mairie et parents s’entendent sur un point : le départ des familles du quartier est dû à la présence grandissante de logement Airbnb.
Fermera ? Fermera pas ? Cette semaine, le conseil de Paris, doit voter un projet loin de mettre tout le monde d’accord au sein du 2e arrondissement. Sur décision commune, le rectorat, la mairie du quartier et l’inspecteur de l’Education nationale ont demandé la fermeture d’ici 2021 des deux classes de maternelles de l’école Etienne-Marcel. Les enfants qui auraient dû s’y inscrire les prochaines années seront dispatchés entre les maternelles Saint-Denis et Dussoubs. Une décision incomprise par les parents d’élèves.
« Les effectifs à Etienne-Marcel sont au-dessus du seuil de fermeture. Pour deux classes il faut qu’il y ait au moins 30 élèves et il y en a actuellement 55, expose à 20 Minutes Béryl Serre, présidente de l’ association des parents d’élèves d’Etienne-Marcel (APEEM). Face à cet argument on nous a répondu qu’aujourd’hui cela allait, mais que les effectifs allaient baisser dans les années à venir. »
« Conserver de petits effectifs par classes »
Il se trouve que depuis quelques années, le nombre de familles et donc d’enfants dans l’arrondissement, tout comme dans le reste du centre de la capitale, a baissé. « En 10 ans, le nombre d’enfants dans les 1er, 2e, 3e et 4e arrondissements a baissé de 1.500, rapporte à 20 Minutes Olivia Hicks, 1re adjointe au maire du 2e en charge des affaires scolaires. Entre 2015 et 2018, il y a eu une baisse de 45 demandes en crèche. » Avec ces chiffres, la mairie tente de convaincre les parents que malgré cette fermeture, les quatre classes de Saint-Denis et les cinq de Dussoubs ne seront pas surchargées. Mais du côté des parents le calcul diffère.
« En comptant le nombre actuel d’enfants dans la maternelle de Dussoubs [116 + 11 toutes petites sections] additionné aux 33 qui auraient dû s’inscrire en 3 ans à Etienne-Marcel, on atteint 32 élèves par classes, calcule Béryl Serre. On a la chance d’avoir énormément de mixité dans cet établissement. Elle est enrichissante pour les enfants, mais il est aussi important de conserver de petits effectifs par classes. Certains enfants rentrent en maternelle sans parler le français, les maîtresses ont donc plus de travail. » L’APEEM souhaiterait attendre la fusion des quatre arrondissements en 2020 et donc la nouvelle carte scolaire, avant de prendre une décision sur la fermeture des classes. « Etienne-Marcel est au carrefour de trois arrondissements, avec la fusion c’est sûr que des parents des autres quartiers voudront y scolariser leurs enfants. On a déjà chaque année des demandes de dérogations. »
« C’est l’école entière qui risque de fermer »
Du côté de la mairie on invoque non pas un désir de pénaliser Etienne-Marcel, mais plutôt la volonté de sauver Dussoubs et Saint-Denis dont une classe a été supprimée en catastrophe à la rentrée. « Ces deux écoles maternelles perdent beaucoup d’enfants. Je ne veux pas prendre le risque qu’une de Dussoubs disparaisse, car là, c’est l’école entière qui risque de fermer. C’est un magnifique bâtiment qui deviendrait sûrement un hôtel de luxe et ça, je ne le veux pas », explique à 20 Minutes Jacques Boutault, le maire du 2e arrondissement. Ce dernier ajoute que les élèves scolarisés en élémentaire à Etienne-Marcel pourront de ce fait bénéficier de la cour de récréation des maternelles et être moins « tassés ».
La baisse du nombre d’enfants dans le quartier est une réalité que les parents d’élèves entendent, mais qui selon eux, ne se réglera pas en supprimant des classes. « Ce qui fait partir les familles, c’est le problème du logement dans le quartier. La location touristique Airbnb, a fait augmenter les prix des locations et à l’achat. Si en plus avec trop d’enfants par classe, l’enseignement est de moins bonne qualité, cela va faire fuir les familles, vers le privé ou tout court. Moi c’est ce que je ferai », assure Béryl Serre, mère de trois enfants scolarisés à Etienne-Marcel. Cette dernière craint que la fermeture des classes, entraîne le départ de familles du quartier et que leurs logements deviennent des Airbnb. « C’est un cercle vicieux ».
Airbnb coupable du départ des familles ?
« Il est faux d’imputer à Airbnb la chute de la population dans le 2e arrondissement, qui est structurelle et régulière depuis plus d’un demi-siècle, répond-on du côté de la plateforme locative, interrogée par 20 Minutes. Airbnb permet au contraire à de nombreuses familles de faire face au coût de la vie et de rester dans le centre de Paris. » AirBnb assure également que sur les 65.000 hébergements en location que compte la capitale, moins de 20 % se trouvent dans les quatre premiers arrondissements. Enfin toujours selon la plateforme, le blocage automatique à 120 nuits en vigueur depuis janvier dernier aurait déjà eu des conséquences : « En septembre dernier, 60 % des logements entiers qui étaient loués au-delà de 120 jours en 2017 dans les arrondissements 1 à 4 ont quitté Airbnb. »
Anthony Pecchia, agent immobilier à la Maison de l’immobilier dans le quartier constate de son côté que les investissements locatifs se concentrent plutôt sur les studios et deux-pièces. « Il est bien plus intéressant de louer plusieurs petits studios qu’un gros appartement et avec la limite des 120 jours, les gens n’achètent pas pour du Airbnb, mais pour de la location longue durée. » Ce dernier souligne cependant à 20 Minutes qu’il reste compliqué pour une famille de se loger dans le quartier. « Les appartements dits familiaux [à partir de trois chambres], sont peu nombreux, très recherchés, mais il faut compter au moins un million d’euros pour avoir un bien correct. »
A la mairie on se veut rassurant. « Cette fermeture n’est pas forcément définitive, assure le maire. Si l’année prochaine ou dans les années à venir beaucoup d’enfants affluent, on pourra revenir en arrière et rouvrir les classes. Un argument peu convaincant aux yeux des parents, bien décidés à ne rien lâcher.