INFO «20 MINUTES»Cave, poulailler... De nouvelles formes d'habitat indigne se développent

Ile-de-France: Plus de 150.000 logements privés indignes et de nouvelles formes d'habitat dégradé apparaissent

INFO «20 MINUTES»L'Institut d'aménagement et d'urbanisme publie ce lundi une étude intitulée «L'Habitat indigne et dégradé en Ile-de-France». Paris et la Seine-Saint-Denis sont les départements les plus touchés mais les six autres ne sont pas épargnés...
Floréal Hernandez

Floréal Hernandez

Difficile de repérer l’habitat indigne et insalubre en Ile-de-France. Si les fissures sur certaines façades alertent, beaucoup de logements privés dégradés passent inaperçus. Selon une étude de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme (IAU) et de la direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (Drihl) – L’Habitat indigne et dégradé en Ile-de-France. Etat des lieux des enjeux et des politiques –, il y aurait 157.300 logements privés potentiellement indignes en Ile-de-France. Soit 4 % du parc privé de la région.

Ce document auquel a eu accès 20 Minutes révèle que cet habitat prend de nouvelles formes, touche aussi bien les locataires que les propriétaires et que tous les territoires – riche, rural, pavillonnaire… – sont concernés.

Les nouvelles formes de l’habitat indigne

L’habitat indigne couvre un large champ de logements : ceux insalubres, les immeubles en ruine, l'habitat précaire… Et « de nouvelles formes sont apparues, souligne Anne-Claire Davy, auteure de l’étude et spécialiste habitat et modes de vie à l’IAU. La division pavillonnaire en petits logements, des locaux impropres à l’habitation par destination comme les garages, des locaux de stockage, une cabane de jardin, etc. »

La sociologue urbaniste cite ainsi un pavillon de 160 m2 à Orsay (Essonne) divisé en 6 à 7 logements dont même la chaufferie était louée. « Il y avait une grille tarifaire en fonction de la surface, de la présence ou non d’une fenêtre. » Cette division touche aussi des appartements dans des immeubles.

La location d’habitat indigne et dégradé est un marché « fructueux » pour les marchands de sommeil. « Des bailleurs peu scrupuleux rencontrent une importante demande de ménages qui cherchent à se loger coûte que coûte. Ce marché est même parfois “juteux” », note l’étude. « Le m2 est payé relativement cher par rapport à la piètre qualité du logement », poursuit Anne-Claire Davy. Et ce pas uniquement à Paris ou proche banlieue. A Stains et Peirrefitte, deux communes de Seine-Saint-Denis limitrophes du Val-d'Oise, « des cas de locations chères de petites surfaces issues de division pavillonnaire “sauvage” ont ainsi été constatés ». Le prix? Respectivement 600 euros par mois pour 16 m2 et 650 euros par mois pour 15 m2.

Pas le même habitat indigne partout en Ile-de-France

« Il y a une diffusion géographique de l’habitat indigne. En 2011, la grande couronne était moins concernée », explique Anne-Claire Davy. La part du parc privé potentiellement indigne (PPPI) atteint 6,5 % et 7,5 % du parc privé à Paris et en Seine-Saint-Denis (chiffres de 2013). Pour les autres départements franciliens, le taux varie entre 1 et 4,2 %.

A Paris, ce sont ainsi plus de 61.000 logements privés qui sont potentiellement indignes, soit 40 % du PPPI régional. La majorité de ces logements sont dans les 11e, 18e et 19e. Mais « le nombre a diminué de 10 % entre 2009 et 2013. Après une décennie de traitement massif des immeubles et des logements, l’insalubrité est aujourd’hui plus diffuse et moins visible à Paris », remarque l’étude.

En Seine-Saint-Denis, les communes d’Aubervilliers, de Saint-Denis ou de Saint-Ouen ont un PPPI de 20 % voire plus. L’habitat indigne touche un parc privé ancien mais aussi des copropriétés des années 1960-1970. Des locaux – commerces, entrepôt, atelier d’activité, etc. – sont utilisés comme logements « souvent sans travaux de transformation ». A Aubervilliers, un petit immeuble qui n'avait qu'un «bail commercial» a brûlé fin août, faisant sept blessés dont cinq graves. Le risque de saturnisme « reste très élevé » dans le département.

Dans le Val-d’Oise, on trouve de l’habitat indigne dans « l’habitat rural ancien […] occupé par des propriétaires modestes et âgés », « des mobile-homes et caravanes occupées à l’année, cabanes bricolées… » Dans les communes comme Sarcelles, Argenteuil, Villiers-le-Bel ou Pontoise, l’habitat indigne « prend des formes proches de celles qu’on constate en petite couronne ».

L’habitat indigne se concentre sur Vincennes, Villeneuve-Saint-Georges et Ivry-sur-Seine – 44 % du PPPI – dans le Val-de-Marne. Sa composition ? « Essentiellement de petits immeubles de rapport du XIXe siècle et de l’héritage d’un tissu ancien de bourgs ruraux. » La division parcellaire est « avérée à Villeneuve-Saint-Georges, Fontenay-sous-Bois ou Choisy-le-Roi ».

Les communes proches de Paris – Clichy, Gennevilliers et Colombes – sont les plus touchées par l'’habitat indigne dans les Hauts-de-Seine. L’Agence régionale de santé a observé « la généralisation des logements loués avec une part en “souplex”, qui reste insalubres malgré des travaux parfois importants ».

En Seine-et-Marne (2,3 % du PPPI), les formes d’habitat indigne rencontrées sont variées : « anciens locaux communs de fermes ou châteaux occupés comme habitations mais ne répondant pas aux normes de confort d’un logement, places de campings et cabanes occupées à l’année ».

Ce sont les communes des Yvelines (1,3 % du PPPI), « aux franges de la petite couronne qui comptent le plus de logements en PPPI ». L'étude dévoile d'autres formes d’habitat indigne dans les tissus urbains : « annexes de résidence de standing, combles, caves, locaux annexes, buanderies, […] poulaillers, abris de jardins, etc. »

Dans l’Essonne (1 % du PPPI), « près de 50 % des logements classés en PPPI sont des maisons individuelles ». Certaines grandes copropriétés récentes sont également en grandes difficultés (Grigny 2, Pyramides à Evry). « Le département est également confronté au développement des logements locatifs suroccupés du fait du bailleur ou découpés, que ce soit dans le tissu pavillonnaire ou collectif, les espaces urbains denses ou le tissu rural plus éloigné », pointe l’étude l’IAU et de la Drihl.

Quels outils pour repérer l’habitat indigne ?

« Repérer, c’est vouloir agir », lance Anne-Claire Davy. La sociologue reconnaît qu’un certain nombre de communes – souvent les plus petites – n’ont pas l’ingénierie pour débusquer l’habitat indigne sur leur territoire, notamment unservice communal d'hygiène et de santé (SCHS). La sociologue urbaniste incite à « croiser intelligemment certains fichiers » et elle énumère : les compteurs EDF, les demandes de logements sociaux, les demandes d'abattement de la taxe d'habitation, l'accélération des ventes sur une adresse, les adresses de distribution récurrente de produits de dératisation quand une ville met en place une distribution sur demande…

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« Les élus peuvent être impressionnés par la complexité du parc privé, constate-t-elle. En théorie, une collectivité peut faire des travaux d’office financés par l’Anah [Agence nationale de l’habitat] et remboursés ensuite par le propriétaire. » La région Ile-de-France agit en faveur du parc privé notamment « au redressement des copropriétés en difficulté ». En octobre, l’Etat a annoncé, en octobre, un plan de 2,5 milliards d’euros sur 10 ans pour aider les 684 copropriétés dégradées.