Paris: La Tour Eiffel, un objet de communication massive?
SOCIETE•DJ set, swing de golf et arrivée de footballeur… La « vitrine » de Paris et de la France, semble devenir davantage celle d’entreprises et d’initiatives privées. Jusqu’où ?….Romain Lescurieux
L'essentiel
- Lundi soir, le DJ danois, Kölsch, était en direct sur Facebook pour un set de plus d’une heure depuis la Tour Eiffel.
- Le lendemain, les deux capitaines des équipes américaine et européenne ont lancé le compte à rebours de la compétition de golf, la Ryder Cup.
- Alors que les actions commerciales se multiplient et que le billet d’entrée va passer de 17 à 25 euros, des élus s’inquiètent de cette politique
La Dame de fer sera-t-elle un jour coiffée d’oreilles de Mickey ? Depuis quelque temps, la Tour Eiffel - dotée de son propre compte Twitter - est devenue une vitrine pour différents événements et causes, pour le moins variés. Si elle s’éteint régulièrement en hommage aux victimes d’attentats à travers le monde, elle s’allume aussi pour l’arrivée du footballeur Neymar au Paris-Saint-Germain, vibre au son de DJ set, sert de décors de publicité et de film ou encore de green de golf. Des opérations de communication « carte postale » à la vue imprenable. Pour quel montant ?
Des « privatisations d’espace » avec une « grille tarifaire »
Ce mardi, au premier étage de la Tour Eiffel, les deux capitaines des équipes américaine et européenne ont lancé le compte à rebours de la compétition de golf, la Ryder Cup, qui aura lieu en septembre prochain, à Saint-Quentin-en-Yvelines. Un swing de quelques secondes « sans public, ni journalistes, avec une seule chaîne autorisée à diffuser les images en direct », précise-t-on à la mairie de Paris. A quel prix ? « L’espace n’était pas privatisé mais consacré », explique-t-on à la société d’Exploitation de la tour Eiffel (SETE). « C’est une démarche d’accompagnement en lien avec le sport, en partenariat avec la Ville, la Tour et la Ryder Cup. Les organisateurs de la compétition n’ont donc pas payé », assure-t-on. La veille en revanche, le monument accueillait un événement « privé ».
Lundi soir, le DJ danois, Kölsch, était en direct sur Facebook pour un set de plus d’une heure depuis la Tour Eiffel. C’est la deuxième fois que l’agence Cercle met en place un tel happening. « Nous organisons des événements tous les lundis dans des endroits insolites, à travers le monde. Et nous sommes en contact direct avec la SETE pour cette opération promotionnelle de communication », affirme Derek Barbolla, fondateur de l’agence. Pour quel montant ? « Il y a un contrat entre nous… nous ne pouvons rien dire », tranche-t-il. Du côté de la SETE, on reste aussi évasifs.
« Il s’agit d’une location, d’une privatisation d’une zone de coulisses. Il y a une grille tarifaire en fonction des prestations et de différents critères », note-t-on sans plus de détails. Mais jusqu’où les entreprises peuvent-elles se « servir » de la Tour Eiffel pour communiquer ?
Le cas Neymar
Début août, Neymar est officiellement au PSG. Le club veut frapper fort. « La Ville de Paris a accédé à la demande du Paris Saint-Germain de mettre en place ce soir un éclairage événementiel sur la Tour Eiffel, saluant l’arrivant de Neymar à Paris. Ce dispositif temporaire sera effectif de 21h30 à 1 heure. Son installation est intégralement prise en charge par le club parisien (…) Cette opération vient rappeler que Paris est plus que jamais une métropole engagée en faveur de la pratique sportive », note un communiqué de la ville. Selon les informations de LCI, les propriétaires qataris du PSG auraient déboursé « un ticket d’entrée » de 50.000 euros. Destinée au seul entretien de la Tour, cette facture serait toutefois plus élevée, mentionne le site Internet. La SETE ne confirme aucune information sur le sujet mais rappelle sa « mission ».
« En tant que société publique locale nous avons une mission d’animation du monument et de rendre l’expérience visiteur plus enrichie », affirme-t-on. En décembre 2016, une grève éclate à la Tour Eiffel.Force Ouvrière dénonce notamment une nouvelle politique managériale à l’américaine, comme chez Disney ou Mac Do ». De quoi avoir un impact sur la mise en avant de la Tour Eiffel ? « Nous ne voulons pas que la Tour Eiffel devienne une bannière publicitaire et nous veillons à ce que rien ne porte atteinte à l’image du monument », conclut-on. Mais des élus s’inquiètent toutefois de cette nouvelle politique, alors que le billet d’entrée pour la Tour Eiffel passera de 17 à 25 euros au 1er janvier 2018.
« La Tour Eiffel n’a pas été construite par des spécialistes de la com’»
« La Tour Eiffel est un symbole de notre pays. Là, certains sont en train d’en faire un produit marketing », s’exclame Nicolas Bonnet Oulaldj,président du groupe communistes-Front de Gauche au Conseil de Paris. Lui, qui siège au conseil d’administration de la SETE, qualifie l’opération autour de Neymar d’« indigne ». « De plus, cette décision a été prise sans consultation du conseil », déplore-t-il.
« Ce monument fait référence à l’esprit des Lumières, au progrès. Elle a été construite par des ouvriers de la métallurgie, et non par des spécialistes du marketing et de la com’», poursuit-il, avant de conclure : « La Tour Eiffel, ne doit pas devenir un gadget de communication, ni Disneyland », martèle-t-il. Selon lui, la SETE doit se doter d’un réel « service de régulation » face à la multiplication de ces actions commerciales.