DEMENAGEMENTLe 36, quai des Orfèvres, «tous les policiers rêvaient d'y travailler»

Paris: Le 36, quai des Orfèvres, «tous les policiers rêvaient d'y travailler un jour»

DEMENAGEMENTLe déménagement de la PJ parisienne vers les Batignolles s’achève cette semaine. Au grand dam des policiers…
Le fameux 36 quai des Orfèvres, siège de la police judiciaire parisienne, achève son déménagement aux Batignolles.
Le fameux 36 quai des Orfèvres, siège de la police judiciaire parisienne, achève son déménagement aux Batignolles. - Joel Saget AFP
Thibaut Chevillard et Caroline Politi

Thibaut Chevillard et Caroline Politi

L'essentiel

  • Le 36, quai des Orfèvres, siège de la PJ parisienne, a déménagé aux Batignolles.
  • Seule la BRI reste sur l’île de la Cité afin de pouvoir intervenir rapidement en cas d’attentat.
  • Le retard pris dans les travaux du tribunal complique la tâche des policiers.

Bien sûr qu’ils ont mille fois pesté contre le réseau informatique « totalement inadapté », les pièces sombres et biscornues, l’absence d’ascenseurs, d’une salle de sport ou d’un stand d’entraînement au tir sur place. « Le bâtiment était vétuste et vraiment pas pratique », reconnaît anonymement un officier de la police judiciaire, 10 ans de « maison ». Pourtant, comme quasiment tous ses collègues, il a eu le cœur serré en faisant ses cartons. Le mythique 36, quai des Orfèvres, le siège de la police judiciaire parisienne, achève cette semaine son déménagement. Direction, un autre 36. Celui de la rue du Bastion, dans le quartier des Batignolles, au nord-ouest de Paris. Un numéro clin d’œil dans cette rue qui n’en compte pas d’autre.

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« Ce déménagement il fallait le faire, le 36 n’a jamais été adapté à notre travail, assure Claude Cancès*, son ancien directeur de janvier 1993 à décembre 1995. Quand on était au troisième ou quatrième étage, on avait l’impression d’être dans un vieux paquebot rouillé. Mais, c’était un endroit mythique, tous les policiers rêvaient de travailler un jour à la Crim’. » En un peu plus de 100 ans, le bâtiment de l’île de la Cité, dans le 4e arrondissement de Paris, a vu passer entre ses murs parmi les plus grands criminels français. Le Dr Petiot, Guy Georges ou Thierry Paulin ont gravi les célèbres 148 marches. Le dernier interrogatoire mené dans les locaux a eu lieu mi-septembre : celui de l’homme accusé d’avoir menacé d’un couteau un militaire de l’opération Sentinelle dans la station de métro Châtelet. L’enquête a été confiée à la section antiterroriste de la Crim’et à la DGSI.

« On dirait un hôpital »

Le nouveau bâtiment, plus de 30.000 mètres carrés répartis sur dix étages (avec plusieurs ascenseurs !), sera inauguré le 19 octobre mais les quelque 1.700 fonctionnaires des différentes brigades ont déjà commencé à prendre leurs marques. Ils étaient auparavant répartis sur une quinzaine de sites différents. Seule la BRI, la brigade de recherche et d’intervention, occupe encore l’île de la Cité. Une décision motivée par la nécessité pour cette brigade d’intervenir rapidement aux quatre coins de Paris en cas d’attaque terroriste. « L’ambiance est un peu morose dans les services depuis le déménagement, se désole l’OPJ. Le nouveau bâtiment est moderne, mais il n’a pas d’âme. On dirait un hôpital. »

Claude Cancès, quelques semaines après avoir été nommé à la tête du 36 avec Martine Monteil et Patrick Riou. Tous deux furent également à la tête de la PJ parisienne.
Claude Cancès, quelques semaines après avoir été nommé à la tête du 36 avec Martine Monteil et Patrick Riou. Tous deux furent également à la tête de la PJ parisienne.  - Claude Cancès/Collection personnelle

Quitter le cœur de Paris a été pour beaucoup un déchirement. « Entre nous, on appelait le 36 la “maison”, on y passait plus de temps qu’à nos domiciles. On avait nos habitudes, nos repères », justifie Claude Cancès. Une acclimatation d’autant plus difficile que le quartier des Batignolles est encore en travaux. Le nouveau palais de justice n’est pas terminé. Outre les multiples allers-retours pour déférer les suspects à la fin d’une garde à vue, le retard des travaux induit des problèmes pratiques, à commencer par le déjeuner. La cantine sera abritée dans le palais. En attentant, les fonctionnaires sont répartis sur trois autres lieux. De même, les travaux de la ligne 14 et du tramway rendent la circulation particulièrement difficile. « On a l’impression d’être arrivés trop tôt aux Batignolles, c’est un quartier en devenir », assure l’officier de police.

« Dans quelques années, on parlera des Batignolles comme on parlait du 36 », prédit pourtant Claude Cancès. Lorsque les enquêteurs auront retrouvé leurs marques et que de nouvelles affaires exceptionnelles viendront entretenir la légende de la Crim'. Lorsqu’une enquête fastidieuse sera dignement fêtée et que les souvenirs viendront s’accumuler. Et l’ancien directeur d’ajouter : « Un ami à moi disait souvent. “Ce sont les hommes qui font la mémoire des pierres et non l’inverse”. »

* Claude Cancès est l’auteur de Commissaire à la Crim' aux éditions Mareuil.