VIDEO. Migrants: Vers l’ouverture d’autres centres d’accueil sur le modèle de la Chapelle?
SOCIETE•La mairie de Paris réitère son appel aux autres villes, en faveur d’ouverture de centres de premier accueil pour les migrants, sur le modèle de celui de la Chapelle (18e arrondissement)…Romain Lescurieux
L'essentiel
- Trois semaines après l’évacuation de près de 3.000 personnes, plus de 800 personnes vivent à nouveau dans la rue aux alentours du centre humanitaire pour migrants créé dans le nord de Paris.
- « Paris ne peut plus gérer seul une question de cette ampleur », annonce à 20 Minutes, une source proche du dossier de la situation migratoire dans la capitale.
- « On se dirige vers une nouvelle évacuation », a estimé Pierre Henry, directeur général de l’association France terre d'asile.
«Nous faisons le maximum mais nous arrivons au bout de nos capacités. Paris ne peut plus gérer seul une question de cette ampleur. Il faut que l’État organise l’accueil des migrants sur l’ensemble du territoire avec d’autres collectivités », annonce à 20 Minutes, une source proche du dossier de la situation migratoire dans la capitale, au sein de la mairie de Paris.
Face aux nouvelles difficultés aux abords du centre humanitaire situé porte de la Chapelle (18e arrondissement) et un plan migratoire présenté par le gouvernement qui ne « va, à ce stade, pas assez loin », selon l’hôtel de ville, cet appel à la « solidarité » et à une meilleure répartition des flux sur l’ensemble du territoire, se fait de plus en plus pressant. Mais peut-il réellement aboutir ?
« Centre saturé »
Le 7 juillet dernier, Paris enregistrait sa 34e évacuation depuis juin 2015. Plus de 2.700 personnes - principalement afghans, soudanais, érythréens - étaient « mises à l’abri », sur fond de cas de gale et de tensions communautaires. Deux semaines après, 500 migrants campaient à nouveau aux abords du centre. « Cela prouve que ces opérations ne fonctionnent pas », assure cette même source. Aujourd’hui, près de 800 personnes vivent dans des campements de fortune, en proie à une grande détresse. Et toujours, ce même problème : « Ce centre [d’une capacité de 450 places] est saturé en permanence. Il n’y a plus de sorties, donc plus d’entrées », déplorait déjà auprès de 20 Minutes, Pascal Julien, conseiller de Paris (EELV) et élu du 18e arrondissement, au début de l’été.
Actuellement, le centre de la Chapelle - qui accueille et oriente les migrants vers des centres d’hébergement adaptés depuis novembre 2016 - reste le seul point d’entrée pour les migrants dans le système de prise en charge et d’orientation vers les centres d’hébergement. Pour combien de temps ? Le 12 juillet, le Premier ministre, Édouard Philippe a dévoilé le « plan migrants » du gouvernement : Un total de 12.500 places d’hébergement pour les demandeurs d’asile et les réfugiés seront créées d’ici à 2019, a-t-il annoncé, sans aucune mention des prochains mois, ni du « premier accueil ». Ce jeudi, lors d’une cérémonie de naturalisation à la préfecture d’Orléans, le président Emmanuel Macron a déclaré que « d’ici la fin de l’année, (il ne voulait) plus personne dans les rues, dans les bois. « Je veux partout des hébergements d’urgence », a-t-il dit. Mais des élus et personnalités prônent dans un premier temps, l’ouverture rapide d’autres centres de transit avec l’aide de l’État, sur le modèle de la Chapelle.
Des appels à la répartition
Quelques jours après cette dernière évacuation, la maire de Paris, Anne Hidalgo relançait son appel sur France Inter : « Il y a une nécessité de mieux répartir ces migrants sur l’ensemble du territoire. J’ai lancé un appel aux villes et aux maires, à mes collègues, qui accepteraient que nous pussions partager cette expérience d’un centre de premier accueil ». De son côté, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, qui s’est rendu porte de la Chapelle le 21 juillet, s’est montré critique face aux annonces d’Edouard Philippe.
« Le gouvernement veut prendre en compte l’aval mais refuse de prendre en compte l’accueil, considérant que cela ferait appel d’air. Une personne qui entre sur le territoire français à des droits. Il faudrait cinq à dix centres en France pour les prendre en charge, leur offrir le nécessaire répit. Or le plan du gouvernement ne leur offre pas cela », a-t-il dit. L’ancien préfet d’Ile-de-France, Jean-François Carenco, aussi a livré son analyse.
Il faudrait, selon lui, que « dans chaque lieu d’arrivée européen, Lille, Paris, Metz, Lyon, Nice, Marseille, soit mis en place des sites d’orientation, d’identification et de premier accueil sur le modèle de ce qui a été fait à Paris. Cela permettrait de ne pas faire de l’Ile-de-France le point principal d’entrée ou la plaque tournante de l’orientation », a-t-il indiqué dans une « note relative aux questions migratoires »,révèle Le Monde. Mais que répond-on dans les mairies ?
« Nous n’avons pas les capacités »
« C’est très compliqué d’ouvrir un centre de premier accueil en termes de budget et de structures vacantes. Nous n’avons pas les capacités », indique-t-on au cabinet de Régis Charbonnier, maire (PS) de Boissy-Saint-Léger (Val-de-Marne) et signataire de la tribune « Mobilisons-nous pour accueillir les migrants » datant d’octobre 2016. Mais la ville n’en reste pas moins active. « Nous avons déjà un CADA (Centres d’Accueil de Demandeurs d’Asile) et une maison d’accueil ouverte depuis quelques mois. C’est déjà une première réponse ». Et du côté des « grandes villes » ?
Contactée, la mairie de Nice n’a pas répondu à nos sollicitations. Lille, non plus. Rennes pourrait, selon nos informations, y être favorable, sans toutefois le confirmer. Villeurbanne, indique « communiquer régulièrement avec Madame Hidalgo sur le sujet » et « regarder le projet avec attention ». « Nous continuons notre travail local et s’il y a un intérêt à ouvrir une structure de premier accueil, nous le ferons », conclut-on. De son côté, la mairie de Lyon - ancienne ville du ministre de l’Intérieur Gérard Collomb qui s’oppose à toute nouvelle ouverture de centres pour migrants - renvoie vers la préfecture du Rhône. « Si le gouvernement décide de faire quelque chose nous suivrons. Car c’est d’abord une impulsion nationale », indique-t-on au cabinet du préfet. L’ultime recours pour Paris ?
Vers une inscription de « ce principe » dans la loi ?
Les récentes mesures d’Edouard Philippe annoncées à l’issue du Conseil des ministres, s’accompagneront d’un projet de loi « en septembre 2017 », dans la foulée de ce « plan d’action pour garantir le droit d’asile et mieux maîtriser les flux migratoires », selon le texte de présentation du plan. La mairie reste sur le qui-vive et y voit une fenêtre de tir.
« Nous souhaitons que le principe de responsabilité des pouvoirs publics à offrir un premier accueil digne aux migrants soit inscrit dans la loi » affirme-t-on à l’hôtel de ville, avant de conclure : « Des propositions ont été prises en compte. Nous pensons que le dialogue est possible avec le gouvernement pour répondre à l’urgence ». « S’il n’y a pas rapidement de mesures d’urgence, les prochaines semaines vont être très compliquées pour les migrants et les habitants » déplore une source proche du dossier. Le principal défi des prochains jours : Éviter les problèmes sanitaires.
« On se dirige vers une nouvelle évacuation », a de son côté estimé auprès de l’AFP, Pierre Henry, directeur général de l’association France terre d'asile, pour qui « il n’y a pas le choix ». « Plus on attend et plus c’est nécessaire. Et plus on évacue, plus l’incompréhension grandit dans l’opinion publique à qui l’on donne le sentiment d’une grande impuissance. On tourne en rond », a-t-il regretté.