Législatives: Avec sa lavallière, sa grosse araignée, le mathématicien Cédric Villani enfile le costume politique
ELECTIONS•Mercredi, Cédric Villani, le génie des mathématiques et candidat de La République en marche, a présenté son programme dans la 5e circonscription de l'Essonne. Il en a bluffé plus d’un…Camille Anger
L'essentiel
- Cédric Villani animait mercredi une réunion publique dans la 5e circonscription de l’Essonne, à Verrières-le-Buisson
- Le scientifique, lauréat de la médaille Fields en 2010, a réglé ses pas sur ceux d’Emmanuel Macron
Un seul parti pouvait l’amener à convoiter le mandat de député. S’il a choisi de représenter La République en marche (LREM) dans la 5e circonscription de l’Essonne, c’est pour Emmanuel Macron. Comme lui, Cédric Villani, 43 ans, est « brillant », « jeune », « proeuropéen ». Ces qualificatifs viennent de Marie-Lise, venue écouter le nouvel homme politique, lors de la réunion publique de mercredi à Verrières-le-Buisson ( Essonne).
Le lauréat 2010 de la médaille Fields, l’équivalent du prix Nobel des mathématiques, s’est présenté à une centaine d’habitants avec son suppléant, Baptiste Fournier. Cravate lavallière au cou, il s’est prêté aux jeux des questions-réponses pendant deux heures. Une réunion comme il en tient quasi tous les soirs de la semaine. Il note toutes les questions sur ses carnets vert et rouge.
Fin de cycles. « C’est un génie », poursuit Marie-Lise. Elle siège aux côtés du célèbre scientifique à l’Académie des sciences. L’homme, toujours vêtu en costume trois-pièces, se trouve à un tournant. « Si la médaille Fields est décernée avant la quarantaine, c’est parce que la carrière d’un mathématicien, passé cet âge, est terminée ! », commente la retraitée.
« Aujourd’hui, le monde se décline en algorithmes », rappelle Cédric Villani, alors c’est bien naturel « qu’un mathématicien soit présent à l’Assemblée nationale ». Dans cette idée, il se prépare à « démissionner » du poste de directeur de l’Institut Poincaré. « J’occuperais alors une fonction plus stratégique comme celle de président ». Devenu père de famille, il a cessé de jouer au piano. Sa stratégie est simple : « Mieux vaut arrêter que mal faire ».
Européen convaincu. Sa permanence, ouverte depuis un mois, se situe rue du Général-de-Gaulle, à Orsay. Un rapprochement « loin de [lui] déplaire ». Il juge son engagement politique « tardif ». Tout a commencé avec Europa Nova, un think tank dans lequel il siège au conseil d’administration.
Pour cet organe et dans sa recherche de financements, Cédric Villani s’est adressé en 2013 à Emmanuel Macron. Le lien entre le scientifique et le secrétaire général adjoint de l’Élysée n’a jamais été rompu depuis. Ils partagent l’envie de « construire une Europe sur les thèmes du numérique, de la défense et de la lutte contre le réchauffement climatique ». Cédric Villani garde un vif souvenir du meeting d’Emmanuel Macron à Lyon : « La foule scandait "Europe" en boucle ! »
Sous le charme. Maryse, 52 ans, n’a « pas toujours été fonctionnaire mais socialiste, oui ». « Attentiste », elle doute de la politique sociale et écologique du gouvernement. Pour les législatives, elle est « perdue ». Pro-Hamon, elle votera au premier tour en faveur de l’actuelle députée socialiste Maud Ollivier mais elle espère Cédric Villani au second. « Il est ébouriffant », s’exclame-t-elle à l’issue de la réunion.
Pour certains, La République en marche, c’est encore un simple mouvement, non pas un parti. Laurence, 47 ans, issue de la « gauche de la gauche » regorge d’optimisme après la soirée. « Tout ce qui compte maintenant, c’est d’en finir avec le FN. » Françoise, encartée au PS, arbore une affiche d’Emmanuel Macron et ne voit pas le problème de militer en même temps pour LREM. Le suppléant Baptiste Fournier accueille cette dernière à bras ouvert. Lui-même est issu du PS et élu d’opposition de la municipalité de Verrières.
Une circo sur mesure. « Un député comme Cédric Villani sur le secteur de Saclay, c’est une aubaine », défend Baptiste Fournier. Le territoire d’Orsay-Saclay rassemble le quart des chercheurs du monde, des grandes écoles comme celles de Normale Sup, Polytechnique ou le Centre d’énergie atomique (CEA), le CNRS… Cédric Villani voit le pôle scientifique de Saclay, comme « un laboratoire où associer les richesses environnementales et industrielles ». Sur ce site, il défend l’organisation de l’exposition universelle en 2025. Il s’adresse d’une voix claire, parle doucement au micro, appuie sur les mots. Son parlé est des plus simples.
S’il convient de la nécessité de désengorger les routes aux abords du cluster, d’améliorer l’offre de transport en commun (lui-même n’a pas de voiture), le scientifique habitué à résoudre un tas d’équation s’appuie sur « les études et rapports pour aider dans la prise de décision ». L’homme parle sans détours, accepte les critiques. « Il faut simplifier "le millefeuille institutionnel" », lui lance un retraité. « Certes, mais mon expérience m’a appris que de consulter tout le monde, par un chemin démocratique, ce n’est pas toujours le bon moyen car personne ne veut lâcher le morceau. » Pour autant, le scientifique défend « la bienveillance, pas l’autoritarisme ».
Un novice non perverti. David Saussol est engagé dans la politique locale depuis 25 ans. A défaut d’être suppléant, il tracte pour Cédric Villani. La capacité du scientifique à « opposer un argument factuel pour illustrer un propos » le bluffe. « C’est une qualité rare en politique », insiste-t-il. A ses yeux, le fait d’être primo candidat, « c’est une force. Le chercheur n’est pas du genre à faire des coups bas ».
Quand une femme questionne le candidat sur la parité, Cédric Villani répond tout de go. « Si je devais être remplacé par une femme, cela ferait un homme de moins de représenté. La vraie parité, elle finit au Palais-Bourbon. » Il cherche la complémentarité et met en avant son duo formé avec Amélie Montchalain d’une circonscription voisine, la 6e. « Un pied dans le local et l’autre dans le national », les candidats Marcheurs de Massy-Saclay avancent ensemble.
Pour le style. Pas de quoi s’inquiéter sur son look. « Je ne réponds pas à ce type de remarque », prévient le mathématicien. Selon Michel Lascombe, professeur de droit constitutionnel à Sciences Po de Lille, il n’existe aucun code vestimentaire pour s’habiller à l’Assemblée nationale, « si ce n’est pas tradition ». Personne n’a encore comme Cédric Villani porté une veste décorée d’une broche en forme d’araignée. Mais, « des députés mettent un costume jaune canari pour être vus », commente le professeur. « La liberté individuelle prime. » La tradition au début du XXe siècle voulait qu’on porte la lavallière. L’expert en matière d’intelligence artificielle peut bien garder son air rétro.