VIDEO. Hommage national au policier tué sur les Champs-Elysées: «Une petite voix m’a dit que c’était toi»
REPORTAGE•Un hommage national a été rendu ce mardi matin au capitaine Xavier Jugelé, abattu jeudi soir lors de l’attentat sur les Champs-Elysées perpétré par Karim Cheurfi…Caroline Politi
L'essentiel
- Dans son discours, le compagnon de Xavier Jugelé a affirmé souffrir « sans haine », faisant sienne la phrase d’Antoine Leiris
- Xavier Jugelé a été élevé au rang de chevalier de la Légion d’honneur
Lui aussi « souffre sans haine ». Comme Antoine Leiris, auteur de cette phrase devenue étendard après la mort de sa femme au Bataclan, « vous n’aurez pas ma haine ». Ce mardi, au milieu de la cour de la préfecture de police de Paris, les mots d’Etienne Cardiles viennent briser la solennité millimétrée de l’hommage national rendu à son compagnon Xavier Jugelé, assassiné jeudi soir sur les Champs-Elysées. « Cette haine, elle ne te ressemble pas. Parce qu’elle ne correspond en rien à ce qui faisait battre ton cœur, ni ce qui avait fait de toi un gendarme puis un gardien de la paix », confie, la voix étranglée, ce haut fonctionnaire du Quai d’Orsay.
Xavier Jugelé, 37 ans, a été abattu de deux balles dans la tête par Karim Cheurfi, au cours de l’une de ses dernières missions de sécurisation. Lui qui avait été mobilisé le soir du 13 novembre autour du Bataclan, s’apprêtait à rejoindre, le 2 mai, le pôle relations internationales de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). « Il venait de fêter son départ avec ses collègues, il avait hâte de rejoindre sa nouvelle affectation », a relaté François Hollande. Il avait prévu une semaine de vacances – il aurait dû s’y trouver – avant d’entamer son nouveau poste.
« Ce type de mission te plaisait »
« Jeudi matin, comme tous les matins, je me suis levé et tu dormais encore », se remémore avec pudeur Etienne Cardiles. Ce jour-là, Xavier Jugelé, membre de la 32e compagnie de la Direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC) de la préfecture de police de Paris, devait prendre son service à 14 heures. « Ce type de mission te plaisait parce que c’était les Champs et l’image de la France. Parce que c’était aussi la culture que vous protégiez. » Lui, le grand fan de cinéma, capable d’enchaîner cinq séances d’affilée alors qu’il fait un grand soleil dehors. Lui, le passionné de musique, de Céline Dion, Madonna ou Britney Spears, dont il ne ratait jamais un concert. Lui, qui enchaînait les expositions culturelles.
Lorsqu’il apprend qu’un policier a été abattu sur les Champs-Elysées, « une petite voix m’a dit que c’était toi », se remémore Etienne Cardiles entre deux sanglots. « Tu as été emporté sur le coup et j’en remercie ta bonne étoile. Je suis rentré le soir, sans toi, avec une douleur extrême et profonde qui s’apaisera peut-être un jour, je l’ignore. » Après avoir appelé à la «dignité» et à la «paix», il regagne doucement sa place, sous la tente réservée à la famille et étreint brièvement, son beau-père, retraité de l'armée de l'air qui avait revêtu son uniforme d'apparât.
« Un héros du quotidien »
« C’est parce qu’il était policier qu’il a été frappé, et c’est en policier qu’il est tombé », a repris le chef de l’État, François Hollande, rappelant que huit policiers et quatorze gendarmes sont morts dans l’exercice de leurs fonctions en 2016. « Il n’y a pas de petites missions ou de tâches secondaires. » Il a élevé, à titre posthume, Xavier Jugelé, « un héros du quotidien », au rang de capitaine et l’a fait chevalier de la Légion d’honneur. « Il défendait des valeurs, ce sont elles qui ont guidé sa vie », a-t-il déclaré, rappelant qu’avant de se présenter au concours de la police nationale en 2011, il a été gendarme adjoint volontaire pendant quatre ans,en Poitou-Charente. Il militait également au sein de l’association Flag, qui réunit des policiers et des gendarmes LGBT.
Si ce matin, la campagne avait été mise entre parenthèses, à l’approche du second tour, François Hollande a néanmoins lancé un appel à Emmanuel Macron et Marine Le Pen venus assister à la cérémonie. A ceux qui « auront à décider pour demain », il a demandé d'accorder « les ressources budgétaires nécessaires pour recruter les personnels indispensables à la protection de nos concitoyens », plaidant pour « de la constance, de la persévérance, de la cohérence dans l’effort, plutôt que des surenchères et des ruptures ».