Vol de cocaïne au 36, quai des Orfèvres: «J'étais le principal suspect, c'était plus facile de me désigner»
PROCES•Au premier jour de son procès, Jonathan Guyot, ancien brigadier des « Stups » et principal suspect du vol de cocaïne au 36, quai des Orfèvres, n’a eu de cesse de nier les faits qui lui sont reprochés…Caroline Politi
La meilleure défense, c’est l’attaque. Telle pourrait être la devise de Jonathan Guyot. Cet ancien brigadier des « Stups » aux états de service exemplaires comparaît depuis ce mardi aux côtés de sept autres prévenus devant la 14e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Il est le principal suspect du vol de 52 kg de cocaïne dans la salle des scellés du mythique siège de la PJ parisienne, au 36, quai des Orfèvres. Lui, nie tout en bloc depuis son interpellation en août 2014 et ne compte pas céder d’un pouce. Au premier jour de son procès, cet homme à la silhouette de garçon sage, coupe en brosse et petites lunettes rectangulaires, semble plus déterminé que jamais à prouver qu ’il n’est pas un « ripou » mais la victime d’une erreur judiciaire.
« C’était tellement gros que je me suis dit que je me faisais un film »
Il a pourtant été confondu par plusieurs de ses collègues sur les images de vidéosurveillance. On y voit un homme tout de noir vêtu, une casquette enfoncée sur la tête, s’engouffrer par l’entrée principale du 36. A l’évidence, il connaît l’emplacement des caméras et évite soigneusement de montrer son visage. La fonctionnaire chargée de surveiller l’entrée s’étonne. Il fait 29 °C ce soir de juillet 2014 et le policier qui lui présente sa carte est chaudement vêtu.
Surtout, il a à chaque bras, de grands sacs en plastique comme on s’en procure au supermarché. Ces derniers semblent quasiment vides à son arrivée et pleins une heure plus tard, lorsqu’il quitte les lieux. La gardienne de la paix confiera dans sa déposition avoir vu « des blocs blancs conditionnés dans des sacs en plastique ». Elle a immédiatement pensé à de la drogue mais a jugé l’hypothèse si incongrue qu’elle n’en a pas parlé à sa hiérarchie. « C’était tellement gros que je me suis dit que je m’étais fait un film. » Ce n’est qu’une semaine plus tard, en apprenant l’affaire dans la presse, qu’elle avertit sa hiérarchie.
Elle a reconnu Jonathan Guyot sur les photos qui lui ont été présentées mais ce dernier n’en démord pas : il n’est pas l’homme de la vidéo. « Ce n’est même pas que je ne me reconnais pas, c’est que ce n’est pas moi », assène-t-il. Selon lui, les témoignages de ses collègues sont biaisés : ces derniers ont été influencés par sa garde à vue. « J’étais le principal suspect, c’était plus facile de me désigner. » Faux, rétorque la procureur. Ce sont justement leurs témoignages qui ont conduit à son interpellation. Loin de se démonter, l’ancien brigadier remet en cause la validité et les conditions de l’enquête. « Pourquoi est-ce que c’est le chef de la brigade et non l’IGPN qui a mené les premières auditions ? Je m’interroge. » Il discute chaque mot, chaque expression. Untel a employé un conditionnel lors d’une audition, un autre a émis un doute. A l’évidence, il ne compte pas être spectateur de son propre procès.
« J’ai fait le test dans ma cellule »
Jonathan Guyot connaît le dossier sur le bout des doigts, prend plus souvent la parole que son avocat, Me Bertrand Burman. Mais cette pugnacité, qui confère parfois à l’insolence, agace. Comme lorsqu’il assure qu’il est impossible de porter à bout de bras 52 kg. « J’ai fait le test dans ma cellule. J’ai pris des cabas très solides et j’ai mis des bouteilles d’eau dedans. On ne porte pas les sacs aussi facilement. » Les reconstitutions ont pourtant prouvé le contraire. L’ancien policier veut retenter l’expérience devant le tribunal. Non, le coupe le président, l’enquête a déjà démontré que c’était possible. « Mais on parle de ma liberté », rétorque-t-il, vexé.
Tout au long de l’audience, Jonathan Guyot n’a eu de cesse de se présenter comme une victime. Mais de qui ? Pourquoi ? L’ancien brigadier refuse de parler de « complot » mais sous-entend qu’il serait au cœur d’une guerre des polices. Il met en cause l’OCRTIS, l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants. Selon lui, l’office a déjà fait « foirer » plusieurs affaires en renseignant les trafiquants. Mais pourquoi le viser lui, l’interroge le président. « Je ne sais pas », confie-t-il, penaud. Tel est sans doute le point faible de sa défense : multiplier les hypothèses sans apporter d’éléments concrets.