Aulnay-sous-Bois: Bruno Beschizza, le policier qui a appris à devenir maire
PORTRAIT•Avant d’entrer en politique, l’élu de Seine-Saint-Denis, a connu une première vie dans la police…Lucie Bras
Costume, chemise, cravate. Bruno Beschizza est face aux caméras ce 9 février. Comme un élève consciencieux, le maire d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) lit une déclaration sur l’affaire qui secoue sa ville. « La famille de Théo a appelé au calme. Elle souhaite se reconstruire loin des médias et des caméras. » Trois minutes chrono et puis s’en va, sans un mot.
Difficile de croire qu’un syndicaliste se cache sous ce costume polissé d’homme politique. Pendant douze ans, Bruno Beschizza, policier de formation, a défendu les intérêts de sa profession à la tête du syndicat Synergie-officiers. « Il a cette double compétence d’élu et de syndicaliste policier », analyse Bernard Reynès, député des Bouches-du-Rhône (LR) et ami de longue date.
Un enfant du 9-3
En 2001, l’organisation appelle ses collègues à manifester et marche aux côtés de 20.000 policiers qui demandent de meilleures conditions de travail. A l’époque, l’un de ses fers de lance est la lutte contre la délinquance.
Réputé gros bosseur, il se fait remarquer par les pontes de la droite. Claude Guéant et Jean-Claude Gaudin, puis Nicolas Sarkozy.
C’est avec l’UMP qu’il entre en politique. En 2014, la droite l’envoie reconquérir Aulnay-sous-Bois, dirigée par la gauche. Dans cette ville fracturée entre nord et sud, ancien bastion communiste, la population est désabusée. Pour rafler Aulnay au Parti socialiste, monsieur Police compte sur deux leviers : l’essoufflement de la gauche et ses racines du 9-3.
Fils d’un immigré italien, il a grandi à Montreuil. Pendant la campagne, il joue la proximité plus que la sécurité : « Quand j’ai été parachuté ici, il y a moins d’un an, je savais qu’il ne fallait surtout pas que je sois le gars de l’UMP. Il fallait que je sois “Bruno” », confie-t-il au Monde en 2015.
Conseiller sécurité de François Fillon
Et ça marche : l’ex-policier est élu avec 60,70 % des voix face au socialiste sortant Gérard Ségura. Dans cette ville marquée par la crise avec la fermeture de l’usine PSA Peugeot-Citroën, l’abstention a atteint 43 %.
Depuis, il est devenu secrétaire national à la sécurité pour l’UMP, puis chez Les Républicains. Cet homme de droite tendance Sarko-Copé s’est aussi fait remarquer par certaines déclarations polémiques.
Pendant sa campagne, il propose un wagon de RER réservé aux femmes. Plus récemment, le maire d’Aulnay a pris un arrêté pour interdire les affiches de la dernière campagne de prévention contre le Sida, au motif qu’elles « portent atteinte à la dignité au risque de heurter la sensibilité de l’enfance et de la jeunesse ». Ces visuels montraient des couples homosexuels et des messages tels que « Aimer, s’éclater, s’oublier. Les situations varient. Les modes de protection aussi ».
Mais l’élu a appris à adoucir ses paroles. « Depuis qu’il est devenu maire, il a atterri, il a été obligé d’adapter son discours », explique Stéphane Gatignon, maire de la ville voisine de Sevran, membre du Parti écologiste. Malgré leurs divergences politiques, les deux hommes se respectent. « C’est un homme politique carré, confronté à la réalité. »
Le métier de maire s’apprend surtout en période de crise. Avec l’affaire Théo, Bruno Beschizza a dû faire face à l’urgence et concilier son passé de policier avec son métier de maire.
En demandant une requalification de l’affaire de « violences aggravées » en « viol », il en a étonné plus d’un. « Je ne suis pas surpris, confie Stéphane Gatignon. Les grands discours, à la fin, c’est bidon. Quand tu es maire, tu ne peux qu’être en faveur du droit. »
En ces moments difficiles, Bruno Beschizza se fait discret et s’occupe de sa ville. Quand la crise sera finie, il pourra reprendre sa dernière activité en date : conseiller pour le programme de François Fillon à la présidentielle.