Tensions à Paris autour des «secteurs multi-collèges» de la carte scolaire

Carte scolaire: Des tensions à Paris autour des «secteurs multi-collèges»

EDUCATIONAu moins 150 parents d’élèves prévoient de bloquer l’accès au collège Antoine-Coysevox (18e) ce vendredi pour dénoncer un projet de fusion avec un établissement voisin...
Romain Lescurieux

Romain Lescurieux

«Nous voulons être entendus », s’exclame Marion, professeur de mathématique au collège Antoine-Coysevox (18e arrondissement). Après différentes manifestations et tribunes dans la presse, près de 150 parents d’élèves comptent bloquer ce vendredi l’accès à cet établissement du nord de Paris. « Nous en sommes victimes. Mais nous n’allons pas forcer le passage car nous sommes solidaires du mouvement », ajoute la jeune femme. La raison de cette colère parents-profs : La création de secteurs multi-collèges.

Une rentrée en fusion

Dès la rentrée 2017, des établissements du 18e arrondissement doivent fusionner : Gérard-Philippe et Marie-Curie, Antoine-Coysevox et Hector-Berlioz. Même chose pour les collèges Henri-Bergson et Édouard-Pailleron dans le 19e arrondissement.

Cette opération sur ces zones pilotes – marquées par des écarts sociaux importants d’un collège à l’autre – est censée « favoriser la mixité sociale » et in fine « une meilleure réussite scolaire des élèves », note la mairie dans une délibération qui sera soumise au prochain conseil de Paris (du 30 janvier au 1er février). Car actuellement, selon Alexandra Cordebard, adjointe de la maire de Paris, chargée de toutes les questions relatives aux affaires scolaires, « le constat est sévère ».

« Que la mixité du quartier se retrouve dans les établissements scolaires »

En septembre dernier, l’économiste Thomas Piketty avait pointé du doigt une ségrégation sociale dans les collèges français atteignant « des sommets inacceptables ». Les différentes enquêtes sur le sujet – notamment PISA – prouvent en effet que l’Hexagone est champion des inégalités dans les écoles. Et Paris, « l’académie la plus ségréguée de France avec des différences parfois dans un même arrondissement », rappelle de son côté Alexandra Cordebard. Face à cette situation, l’adjointe a donc décidé de se saisir de cette initiative de refonte voulue par de l’éducation nationale.

« Nous voyons que le poids de la reproduction sociale est très fort et la réussite scolaire en est corrélée. C’est donc pour nous un sujet politique majeur », explique-t-elle. Jusque-là, les élèves sont scolarisés en fonction de leur adresse dans un collège public. En septembre prochain, dans ces secteurs, il y en aura donc deux. « L’ambition est de faire en sorte que la mixité du quartier se retrouve dans les établissements scolaires », assure-t-elle. Mais certains points techniques doivent en encore être affinés. Notamment en ce qui concerne les conditions d’affectation.

Plusieurs modèles sont actuellement étudiés par le comité de suivi mais l’option qui pourrait être retenue est celle de la « montée alternée ». Soit, tous les élèves de 6e vont dans un établissement, puis sont accueillis en 5e dans le second et ainsi de suite. « Cela permet de faire vivre les deux collèges et que les enfants soient ensemble », indique Alexandra Cordebard. Mais certains parents d’élèves et professeurs remettent en cause ce plan d’action.

« Notre collège n’a pas les épaules pour remonter seul Berlioz »

« Nous sommes favorables au multi-collèges. Mais pas à deux », prévient Marion, déplorant une « décision précipitée ». Selon elle, ce système fonctionnerait au moins avec trois établissements. « Notre collège n’a pas les épaules pour remonter seul Berlioz qui est ségrégué et très en difficulté. Cela va créer de l’échec scolaire », poursuit-elle en précisant qu’elle s’inquiète aussi du système de « montée alternée ». « Sans 6e dans notre établissement, nous perdons six postes », calcule-t-elle. De son côté, Eric Lejoindre, maire du 18e arrondissement, se veut rassurant.

L’élu assure que les conditions de travail pour les élèves et les professeurs seront « améliorées ». « Il y aura des classes moins nombreuses, des options spécifiques, des accès aux langues », affirme-t-il, puis poursuit : « Nous sommes encore dans une phase de discussion et avons le temps d’adapter les choses. Notre travail est de lever des inquiétudes ». Mais selon lui, ces fusions « seront bénéfiques pour la totalité des enfants concernés. »