URBANISMEDes moutons sur le béton de Seine-Saint-Denis pour créer du lien social

Seine-Saint-Denis: Des moutons sur le béton pour créer du lien social

URBANISMELes 67 brebis de la coopérative Les Bergers urbains multiplient les transhumances urbaines en Seine-Saint-Denis, semant un peu de sérénité sur leur passage...
Fabrice Pouliquen

Fabrice Pouliquen

Un mouton, ça broute et ça se déplace, un peu bêtement parfois, en troupeau. Heureusement, les de Seine-Saint-Denis poussent la définition un peu plus loin. Au point même de faire du mouton un formidable vecteur de lien social.

En quatre ans, cette coopérative créée par les fondateurs de , une association qui développe des pratiques paysannes dans le 93, s’est constitué un joli troupeau de 67 brebis. Leur fief est le à Villetaneuse où elles disposent d’un parc de cinq hectares d’herbes vertes à brouter à leur bon vouloir.

Des moutons bourlingueurs

« Mais ils n’y sont pas toujours », précise Julie-Lou Dubreuilh, bergère urbaine de la coopérative. Manière de dire que ses moutons ont la bougeotte et se baladent très souvent dans le département. Voire plus loin parfois.

Nous les avons rencontrés un jeudi au beau milieu du parc de bureaux , à Aubervilliers, où deux jours par mois, les moutons croisent les travailleurs sur le chemin de la cantine. Quelques jours plus tard, ils étaient à dans l’Essonne, pour une petite fête locale. Ils s’associeront aussi ce samedi à une randonnée de 100 km autour du Grand Paris initiée par

Et entre-temps, ils seront ce mercredi, toute la journée, à la . Un quartier dit difficile de Saint-Denis que ces moutons commencent à connaître. Comme à Icade, ils s’y rendent au moins une fois par mois depuis mai dernier. « A chaque fois, c’est un spectacle, raconte Christophe Vain, chargé de Développement social urbain (DSU) à bailleur social de Seine-Saint-Denis qui fait venir le troupeau aux Cosmonautes. Ils viennent à pied depuis Villetaneuse, passent sous les yeux surpris des passants sur plusieurs territoires de Plaine Commune pour arrivés aux Cosmonautes. »

Antistress efficace

Et une fois là, au pied des immeubles, les moutons des Bergers urbains ont un côté apaisant qui gagne rapidement les habitants. « Bon, il ne faut pas exagérer, sourient Julie-Lou Dubreuilh et son collègue berger Guillaume Leterrier. Passés 12 ans, les ados feignent d’ignorer les moutons. Mais les femmes et enfants sont tout sourire et reprennent un peu leur droit dans l’espace public. »

Et ce qui marche aux Cosmonautes fonctionne aussi très bien au parc Icade-Les Portes de Paris. Au gré de ses déambulations, le troupeau de Guillaume et Julie-Lou a droit à de nombreux sourires et tentatives de caresses. « Ils disent passer cinq minutes, ils restent une heure entière », s’amuse Guillaume Leterrier.

Comment construire la ville ?

Mais veulent aller plus loin encore que ces petits instants bonheurs. On s’en rend vite compte au contact de ces animaux : on ne les aborde pas n’importe comment et ils ont un rythme de vie qui n’est pas celui-de la ville. « Nos moutons questionnent les citadins sur leur environnement, sur nos modes de vie en ville, racontent les bergers urbains. Comment faire une ville plus humaine, laissant plus de place aux vivants ? »

Aux Cosmonautes, cela a déjà porté ses fruits : « Nous avons de nombreux espaces verts ici, mais les locataires se l’approprient assez mal, remarque Christophe Vain. De la nourriture y est notamment jetée de la fenêtre. La présence de ces moutons permet déjà de montrer qu’on peut faire autre chose de ces pelouses. »

Bientôt aussi au parc Georges-Valbon

Julie-Lou Dubreuilh et Guillaume Leterrier aimeraient à en faire la démonstration dans bien d’autres recoins encore de la Seine-Saint-Denis. C’est tout le problème des Bergers urbains : « En quelques années, nous avons été invités à faire plus d’une centaine de transhumances urbaines, note Julie-Lou. C’est bien, mais cela ne dure bien souvent qu’une journée. » Bien trop court pour instaurer une vraie réflexion sur les moutons.

Ces dernières semaines, toutefois, les choses bougent. A compter de cet hiver, les moutons des Bergers urbains seront aussi de manière régulière , à La Courneuve. « Et des discussions sont ouvertes pour venir du côté d’Aubervilliers », se félicite aussi Julie-Lou.