#Moijeune: A 20 ans, il lance un média pour venir en aide à ceux dont on ne parle jamais
INITIATIVE•Sans A dresse les portraits soignés de personnes vivant dans la grande précarité. Derrière ce média, il y a Martin Besson, 20 ans, que nous avons rencontré dans le cadre du lancement du panel «Jeunes» de 20 Minutes dévoilé ce jeudi…Fabrice Pouliquen
Il parle très vite, il parle tout le temps. Surtout, Martin Besson, 20 ans, est rapidement à l’aise avec les gens. Avec nous, il embraye tout de suite sur la crise du journalisme « et la difficulté des médias à innover, à prendre des risques, à cerner les nouvelles possibilités offertes par les réseaux sociaux ».
C’est ce qui lui fera d’ailleurs quitter les bancs de son école privée de journalisme quatre mois après y être entré. « J’étais déçu de ce qu’on y enseignait », explique l’Yvelinois tout simplement.
« Les sans-abri, sans attention, sans amour, sans argent… »
Martin Besson a une autre idée à la place. Il veut créerSans A, un média pour aider ceux dont ne parle jamais. « Les sans-abri, sans attention, sans amour, sans argent, sans avenir… Mais avec une histoire », écrit-il en guise de présentation sur le site de crowdfunding Ullule via lequel le jeune homme cherche en ce moment à réunir des fonds.
Sans A existe déjà sur le web. Avec son bagou, Martin Besson a embarqué une petite équipe de journalistes et de photographes dans l’aventure et emmagasine les portraits depuis juin 2015. Il y a celui de Jean-Marie Roughol, le SDF parisien qui a sorti un livre avec l’aide du politique Jean-Louis Debré. On y trouve aussi les histoires d’Emmanuelle, née sans avant-bras, ni pieds et abandonnée à la naissance, de Sofia, 57 ans, qui loue un 7 m² à Auteuil pour 400 euros par mois, de Pierre, que les dettes ont fini par pousser sur le trottoir…
a« Pas seulement des statistiques »
Les photos sont soignées et les papiers sont longs. Surtout, ils donnent à chaque fois la parole aux personnes croquées. Indispensable pour Martin Besson : « Les Sans A ne souffrent pas que d’un manque d’argent, mais aussi et parfois surtout d’un manque de visibilité, observe-t-il. On ne parle de ces gens-là qu’en statistiques. C’est bien les chiffres, mais ça ne dit pas exactement ce qui se passe. Voilà notre objectif : parler des Sans A comme des êtres humains. »
Et par « Sans A », Martin Besson entend large. « Il y a 141.000 personnes à la rue aujourd’hui mais ce n’est que la partie visible de l’iceberg. Dans les sans A, il y a aussi des étudiants précaires, des personnes handicapées, des chômeurs. Tout le monde peut un jour devenir Sans A. Les jeunes sont particulièrement exposés. Notre avenir n’a jamais été incertain. On rentre de plus en plus difficilement sur le marché du travail et combien doivent s’endetter pour payer leurs études ? »
Aidé par Benoît Raphaël
Martin Besson se dit prêt à voir plus grand. D’association, Sans A passera sous peu sous le statut d’entreprise sociale et solidaire. Puis, il y a aussi cette campagne de crowfunding qui court jusqu’au 13 juin. « On espère réunir 35.000 euros, indique Martin. Cela nous permettra de salarier une rédactrice en chef et de payer des piges. »
Avec son bagou toujours, Martin Besson est aussi parvenu à s’attacher début 2016 les services de Benoît Raphaël, spécialiste des médias. Celui qui a fondé Le Post (groupe Le Monde), Le Plus de L’Obs ou encore Le Lab d’Europe 1 planche aussi gratuitement sur le développement stratégique de Sans A. Une stratégie qui passera forcément par les réseaux sociaux. « C’est là qu’il faudra être efficace si on veut toucher un maximum de gens, explique Benoît Raphaël. Le site Internet sera juste un accessoire, un tableau de bord. Les articles seront écrits sur Medium, une plateforme de blogs avec laquelle nous avons conclu un accord. »
Miser sur les réseaux sociaux
« Les photos seront publiées sur Instagram, la relation en direct avec la communauté sur Twitter et Facebook, les coulisses du reportage sur Snapchat et les conférences de rédaction en live sur Periscope », embraye Martin Besson, très enthousiaste.
L’Yvelinois espère passer à la vitesse supérieure au courant de l’été. Avec au minimum un portrait par mois et, tout autour, des dossiers thématiques autour de la précarité. « Peut-être que tout ce qu’on lance ne marchera pas, indique-t-il. Mais au moins, on aura essayé. »