Paris: «La dernière fois que j’ai joué au babyfoot, c’était la chute de Diên Biên Phu»
INITIATIVE•La demi-finale de « papy foot », tournoi intergénérationnel de baby-foot organisé par le collectif Tatane, avec le soutien de la Ville de Paris se tenait ce mardi. « 20 Minutes » l’a suivie dans la tribune des séniors…Romain Lescurieux
Ça chauffe dans la défense. Remontée des bleus. Et but. La joie explose du côté des enfants comme dans celui des personnes retraitées. « Ça change de la musique classique et du loto », rigole près du baby-foot, l’ancien international de l’équipe de France,Vikash Dhorasoo, et désormais président du collectif Tatane.
Dans la perspective de l’Euro 2016 et avec le soutien de la mairie de Paris, cette association qui souhaite « créer du lien social par le foot » organise depuis début mars, tous les mercredis dans une résidence de seniors, un « papy foot ». Soit un tournoi intergénérationnel de baby-foot, dont la demi-finale se tenait ce mardi au centre Saint-Eloi dans le 12e arrondissement. Pour certains résidents l’événement fait surtout ressurgir de lointains souvenirs.
Jean Ferrat tournait et Diên Biên Phu tombait
Assise à côté de ses congénères, en rang d’oignon en attendant de jouer, Christiane, 83 ans, scrute le tableau des scores. « C’est loin tout ça. Je n’ai pas joué à ce jeu depuis plus de cinquante ans. C’était à la mode dans les troquets avec le juke-box qui passait les chansons de Jean Ferrat », s’exclame-t-elle, en souriant. Puis, décide de se livrer plus intimement. « Je vais te raconter. La dernière fois que j’ai joué au baby-foot, c’était la chute de Diên Biên Phu. J’étais dans la Vallée de Chevreuse chez mes beaux-parents et mon mari, Claude, qui était un ancien parachutiste apprenait le décès d’un de ses amis. Ça a été un déchirement », détaille cette ancienne professeur de gymnastique et rockeuse qui habite Paris « depuis toujours ». Sur la chaise d’à côté, Magda, embraye aussi sur son passé et sa dernière partie de baby-foot.
a« A l’époque, j’habitais en Hongrie, à Budapest. Je jouais avec des copains. Je suis arrivé en France en en 1956, juste après l’insurrection », note cette femme qui ne veut pas donner son âge. Les parties de baby s’enchaînent. Les enfants sont ravis. « Quand j’avais leur âge, c’était la guerre à Paris », commente Christiane. Jean, 68 ans, y va aussi de sa petite phrase. « Je me souviens c’était 20 centimes de franc la partie. Moi, j’ai beaucoup joué durant mon service militaire. Je me suis même fait engueuler une fois par le capitaine du régiment car j’avais joué deux heures », rigole-t-il, lui, qui joue à l’arrière et avoue avoir un « un bon niveau » grâce à « une technique » qui « emmerde les adversaires ».
« Je vais peut-être acheter un baby-foot pour mes petits enfants »
La demi-finale se poursuit tout au long de l’après-midi. De retour sur sa chaise, Christiane se réjouit de sa première victoire. « Alors, elle est pas mal la petite vieille », gouaille-t-elle. « Je vais peut-être acheter un baby-foot pour mes petits enfants. Ils habitent à Tahiti, je ne les vois plus trop. Mais je pense que ça peut le faire plaisir », lâche-t-elle, à côté de Magda, de retour également à sa place.
« Le football, c’est un échange. Et faire une passe c’est entamer la discussion », philosophe de son côté Vikash Dhorasoo, ravi de ce moment, avant la finale qui se tient le 15 juin dans un lieu encore secret.