EDUCATIONLe lycée Joliot-Curie redoute de voir partir ses profs

Nanterre: Le lycée Joliot-Curie redoute de voir partir ses profs

EDUCATIONLes enseignants et parents d'élèves du lycée ZEP Joliot-Curie de Nanterre, dans les Hauts-de-Seine, craignent une baisse des vocations. Ils organisent une journée « école morte »...
Pierre-Antoine Lefort

Pierre-Antoine Lefort

«Allez vite, vous êtes déjà en retard ! » 9h10, jeudi, les retardataires passent la porte du Lycée Joliot-Curie de Nanterre (92). Dans cet établissement classé ZEP, Charlotte, assistante d’éducation, accueille les élèves au compte-gouttes. Car ce matin, c’est « école morte ». Le collectif Joliot en lutte, qui pilote l’opération, a donc demandé aux parents de ne pas envoyer leurs enfants.

Aux rares adolescents présents, Charlotte rappelle pour la énième fois : « Si ta prof est là, tu dois aller en cours. Si tu es seul avec le prof, la porte de la salle doit être ouverte ». Et en cas d’absence du professeur, « on prévient les familles, sinon on accueille les élèves en permanence », poursuit la jeune femme.

Le collectif, qui porte ce mouvement de grève entend ainsi protester contre la fin de l' Affectation à caractère prioritaire justifiant une valorisation (APV).

Le lycée Joliot-Curie, à Nanterre, est considéré comme ZEP (zone d'éducation prioritaire)
Le lycée Joliot-Curie, à Nanterre, est considéré comme ZEP (zone d'éducation prioritaire) - P-A. Lefort / 20 Minutes

Fin des points de mobilité pour les professeurs

Ce dispositif faisait bénéficier aux enseignants en zones difficiles de points de mobilité, qui leur permettait de changer d’établissement plus rapidement et de choisir leur affectation. Pauline, professeur de Sciences et Vie de la Terre (SVT), détaille à 20 minutes : « Certains établissements anciennement APV sont aujourd’hui classés "politique de la ville". Les professeurs qui y travaillent continuent à toucher leurs points de mobilité. Nous, on n’a plus rien. ».

Un professeur de mathématiques confirme : « On voit ça comme un appel à partir. C’est très décourageant pour la plupart des profs ». Selon Claire, enseignante d’histoire géographie, « l’année dernière, 48 professeurs sur 130 sont partis. Cela n’était pas arrivé depuis les émeutes de 2010 ! »

Les parents comprennent la colère des enseignants

Marie, parent d’un terminal S, est venue soutenir les professeurs. « Je suis solidaire, surtout pour ce qui concerne la stabilité des enseignants ». Elle ajoute : « Ça ne demande pas grand-chose pour déstabiliser un lycée comme celui-ci, c’est beaucoup plus dur de construire ».

Le collectif « ensemble la réussite » craint qu’après l’APV, ce soit le concept même de ZEP qui disparaisse. « Ce dispositif permet de travailler en effectif réduit, en demi-groupe. Les élèves sont 30 par classe, contre 36 parfois ailleurs. »

Une inquiétude « illégitime » pour l’Académie

Certains élèves sont quand même venus. Amel, 16 ans, est : « venu pour réviser, mais mes parents m’ont dit de ne pas venir ». D’autres encore, ne semblent pas forcément concernés, comme Verres, élève en STSS. « Ça ne m’intéresse plus, je suis en terminale, je ne serai pas là l’année prochaine ».

Les enseignants ont pu rencontrer le rectorat mercredi, qui leur a assuré faire remonter leurs revendications au ministère quant à la fin de points de mobilité. Mais le rectorat veut rassurer : « il n’y a pas de sortie de ZEP de prévue. » Philippe Wuillamier, directeur académique des services de l’éducation nationale des Hauts-de-Seine, estime que l’inquiétude des parents est « illégitime ». « Il n’y aura pas de baisse de moyens, tout ne va pas s’arrêter. En aucun cas cela ne remet en cause la scolarité des lycéens. »

D’autres établissements concernés

Si de nombreux établissements anciennement APV sont considérés comme « Politique de la ville », ou classés REP (Réseau d’éducation prioritaire) et REP +, la situation du lycée Joliot-Curie de Nanterre est loin d’être unique. 23 établissements sont concernés sur l’académie de Versailles. Seul le département des Yvelines a vu tous ses collèges et lycées étiquetés REP ou « Politique de la ville ». Les enseignants de Joliot-Curie ont d’ailleurs annoncé faire le tour des établissements nanterriens jeudi après-midi, et ont prévu de défiler dans la rue.