Paris: Installé dans le 16e, le cirque Romanès « à l’agonie » lance un appel aux dons
SPECTACLE•Victime de dégradations et de l’effet post-attentat, le cirque Tzigane Romanès qui a perdu la moitié de ses spectateurs, a lancé la semaine dernière un appel aux dons pour «survivre»…Romain Lescurieux
Accoudée à la table de la cuisine de sa caravane, Délia Romanès fume et soupir. « Nous faisons partie de la culture et du patrimoine français. Mais aujourd’hui, nous sommes obligés de nous tourner vers les gens car nous sommes à l’agonie », déplore la matriarche du cirque tzigane Romanès.
« Le bateau est en train de couler »
Arrivé en France il y a 22 ans, ce cirque s’implante chaque année à Paris avec le soutien de la Mairie et est installé depuis l’été dernier près de la Porte Maillot, au Square Parodi, dans le 16e arrondissement. La troupe y joue son spectacle « La Lune tzigane brille plus que le Soleil ! » jusqu’au 5 mai. Mais pour espérer arriver à cette date, les Romanès ont toutefois lancé pour la première fois de leur histoire, la semaine dernière, un appel aux dons. Car depuis plusieurs mois, les galères s’accumulent.
« Nous n’avons plus que des demi-salles et des dettes. Les attentats nous ont cassé les reins. Nous avons perdu la moitié des spectateurs. Le bateau est en train de couler », détailleAlexandre Romanès, le directeur. Ce cirque qui fait vivre une trentaine d’artistes a déjà récolté 13.000 euros sur son site Internet. « Mais nous espérons rassembler 60.000 euros. Cela permettrait de racheter ce qui a été dégradé : les costumes, les instruments de musique, des accessoires et la sonorisation », poursuit-il. Et pour cause.
Attaques et dégradations
Depuis leur arrivée, le cirque Romanès a en effet été victime de nombreuses attaques et de dégradations. En octobre dernier, une caravane a notamment été dévalisée, des vitres brisées, un câble Internet et des tuyaux d’alimentation en eau arrachés. « Nous avons mis des plaques de bois sur les fenêtres. C’est difficile de lutter mais nous ne voulons pas rentrer dans le jeu. Car s’il y a un drame, ce sera de notre faute. La faute des Tziganes », rembobine Alexandre. « Les gens veulent nous voir partir », soupire Delia, qui appelle les gens à sortir et à venir voir le spectacle.
Revendiquant à travers le cirque une culture tzigane basée sur « la rencontre, la tolérance, l’amour et la solidarité », les Romanès déplorent aussi les nombreux préjugés de riverains du quartier dont ils sont victimes. « Nous avons peint les caravanes en vert pour se fondre dans le paysage et la mairie de Paris a mis une palissade autour de nous. De la rue, on ne nous voit pas. Mais j’entends encore dire qu’il n’y a plus de chats dans le 16e, car nous les avons tous mangés », se scandalise Alexandre.
« Pourtant, à cet endroit il y a toujours eu des cirques. Et nous n’avons jamais eu de problèmes ailleurs en France. En fait, le mot tzigane dérange ici », assure Délia Romanès. De son côté, la Mairie de Paris continue de les soutenir.
« Nous sommes attentifs »
« Nous sommes attentifs depuis toujours. Nous avons accompagné le cirque Romanès dans d’éventuels dépôts de plainte, sur le renforcement des rondes de police et la sécurisation de l’endroit. Enfin, prochainement, la Ville va proposer que le Fonds d’Urgence au Spectacle Vivant lancé après les attentats, soit accessible au monde du cirque », indique-t-on dans l’entourage de Bruno Julliard, le premier adjoint à la Maire de Paris chargé de la culture. Les Romanès pourront ainsi déposer un dossier et espérer un soutien financier.