CAMPEMENTÉvacuation d’un bidonville de Roms à Paris: «Cela déplace le problème et dissémine la misère»

Évacuation d’un bidonville de Roms à Paris: «Cela déplace le problème et dissémine la misère»

CAMPEMENTCe mardi matin, le camp de Roms installé sur la « Petite ceinture », entre les portes des Poissonniers et Clignancourt dans le 18e arrondissement de Paris, a été évacué…
Romain Lescurieux

Romain Lescurieux

«Le camp est bouclé », s’exclame un policier qui constitue un maillon du cordon qui empêche l’accès à la zone. Ce mardi matin, le camp de Roms installé sur la « Petite ceinture », entre les portes des Poissonniers et Clignancourt dans le 18e arrondissement de Paris, a été évacué. « On reste zen », lance un coordinateur de la région Ile-de-France à un petit groupe de gens traînant sacs et cabas.

« Evacuation bidonville Clignancourt. Des coordinateurs vont chercher les Roms sous l œil des forces de l ordre. #Ney pic.twitter.com/nGofCO5yx2 — Romain Lescurieux (@RLescurieux) February 3, 2016 »

Cette opération qui a débuté aux alentours de 7h sous les yeux de nombreux médias et associations s’est achevée une heure et demie plus tard, selon la préfecture de la région Ile-de-France. Près de 80 personnes ont été conduites en bus vers des centres d’hébergement. Mais beaucoup étaient déjà parties avant l’arrivée des forces de l’ordre.

« Face à l’incertitude, certains ont préféré partir avant »

Le bidonville qui a compté jusqu’à 400 habitants en dénombrait en effet beaucoup moins ce mardi à l’aube. « Une information non officielle a circulé dans la nuit et a fait partir de nombreuses familles », explique Nathalie Godard, coordinatrice générale de la mission banlieue de Médecin du Monde. « Et surtout face à l’incertitude des solutions d’hébergement, du risque d’une OQTF (obligation de quitter le territoire français) et pour éviter la violence de l’expulsion certains ont préféré quitter les lieux » ajoute-t-elle. A 7h30, les centaines de cabanons - faits de planches de bois et de matériaux de récupération - continuent de se vider. Dans le calme, des enfants avec leurs parents montent dans les bus. Derrière eux, des jouets et des chaussures jonchent le sol.

« Une nouvelle expulsion injuste qui aggrave la santé et stigmatise les roms. Les pouvoirs publics irresponsables. pic.twitter.com/l3wcR1YDHw — Médecins du Monde (@MdM_France) February 3, 2016 »

« On est Européens, pourquoi on n’a pas de droits ? Ici il y a des rats, mais c’est mieux qu’en Roumanie », s’exclame auprès de l’AFP Deniser Teglas. « C’est du gâchis. C’est une expulsion de plus. Ces familles ont été à la Courneuve, à Saint-Denis. A chaque fois, elles recommencent à se construire. Et ça repart à zéro et il n’y a aucune information », déplore Nathalie Godard.

« Nous avons mobilisé des places d’hôtel »

Cette évacuation fait suite à deux jugements du tribunal de grande instance de Paris, les 30 septembre et 28 octobre 2015, requérant « le concours de la force publique » pour évacuer les Roms du terrain, appartenant à SNCF-réseaux. Pour la préfecture de police de Paris, il s’agit d’une « mise à l’abri des occupants d’un camp sauvage » avec « des cas de tuberculose » et « un risque d’incendie ». Mais pour quelle destination ? A 8h, le représentant de la préfecture de la Région, détaille les « solutions » pour ces familles.

« Nous avons mobilisé des places d’hôtel dans l’ensemble de la région Ile-de-France pour les gens vulnérables et ceux qui le souhaitent », détaille le chef de cabinet du préfet de la région d’Ile-de-France, Patrick Vieillescazes. « Elles pourront y demeurer deux semaines et sont renouvelables. Un diagnostic social y sera aussi effectué pour les aider et les accompagner dans leur recherche de logement et de travail », poursuit-il. Mais pour certains élus et associations, ces solutions ne sont pas pérennes.

« Il ne reste plus que les forces de l ordre dans le bidonville de Clignancourt en cours d évacuation. #Paris #Ney pic.twitter.com/lGZMX27uKB — Romain Lescurieux (@RLescurieux) 3 Février 2016 »

« Cela déplace le problème et dissémine la misère. Ces solutions ne sont pas adaptées. Il faut mettre un vrai projet d’hébergement debout en trouvant du foncier », affirme Galla Bridier, conseillère de Paris écologiste du 18e arrondissement. Un projet de relogement à la Ville de Paris, pour 250 personnes, pouvant prendre la forme « de maisonnettes sur sol ou roues » ou « de bâtiments modulaires à un étage » est actuellement à l’étude. En attendant, « ces familles vont aller se réinstaller sur un autre bidonville », jure de son côté Nathalie Godard.