BANLIEUESEmeutes de 2005: «Clichy-sous-Bois n’est pas resté bloqué dix ans en arrière»

Emeutes de 2005: «Clichy-sous-Bois n’est pas resté bloqué dix ans en arrière»

BANLIEUESLes transports sont galères et le chômage plus important qu'ailleurs. Mais depuis la mort de deux de ses ados, point de départ d’émeutes dans les banlieues, Clichy a aussi changé en bien…
Fabrice Pouliquen

Fabrice Pouliquen

Clichy-sous-Bois aura désormais son allée Zyed et Bouna. Un petit chemin à deux pas de la mairie, qui mène au collège où les deux ados étaient scolarisés. Elle sera inaugurée ce mardi, entre un concert des rappeurs Youssoupha et Mac Tyer, juste avant le spectacle de l’humoriste Yassine Bellatar.

Une marque indélébile

Difficile de passer à côté de cette commémoration. Les affiches et prospectus sont partout dans la ville depuis la semaine dernière déjà. Dix ans après la mort des deux adolescents dans un transformateur EDF en tentant d’échapper à la police, point de départ de trois semaines d’émeutes dans les banlieues, le souvenir est vivace ici. Impossible de toute façon de l’oublier : « Aux yeux de la société, des médias en particulier, nous restons un symbole des difficultés des quartiers », observe à regret Olivier Klein, le maire.

Un Haut-Clichy métamorphosé

Tant pis. Pour Samir Mihi, ces émeutes qui ont suivi la mort de Zyed et Bouna n’ont pas été vaines. « Il ne fallait pas que ce drame passe pour un simple faits-divers », lance le président d’Au-delà les mots, l’association qui organise l’hommage de mardi. Mais nous ne sommes pas pour autant restés bloqués dix ans en arrière. »

Samir Mihi, président d’'Au-delà des mots, assure la promotion de l'hommage qui sera rendu à Zyed et Bouna.

Il suffit pour s’en rendre compte de suivre Samir Mihi dans sa distribution de prospectus. Dans le Haut Clichy, le changement est même spectaculaire. Le quartier a bénéficié du plus ambitieux programme de rénovation urbaine jamais réalisé en France, avec 670 millions d’euros investis. Bon nombre de tours ont été rasées et ont fait place à des immeubles n’excédant pas les quatre étages. « A ce jour, il y a eu 1.000 destructions pour 1.000 constructions », rapporte Olivier Klein. Les équipements publics ont aussi poussé comme des champignons. Un commissariat en 2007. Une agence pôle emploi il y a deux ans. Et depuis la rentrée, la piscine Rosa Parks ou l’école Claude-Dilain.

Le commissariat de Clichy, l'un des nouveaux équipements publics à avoir vu le jour à Clichy depuis 2005.

« Une population qui reste fragile »

Cela suffit-il ? « Le cadre de vie est plus agréable, reconnaît Maria*, croisée au centre commercial du Chêne pointu. Habitante du Haut Clichy, elle est passée d’un immeuble de 14 à 3 étages dans le Haut Clichy. «Mais cela ne résout pas tout, estime-t-elle. Le bruit que font les jeunes nous empêche toujours de dormir la nuit. » Il faudrait aussi évoquer des relations qui restent tendues entre la police et les jeunes ou encore le chômage, deux fois plus élevé que la moyenne nationale à Clichy. « La fragilité de la population est toujours là », note Olivier Klein.

Surtout, Clichy n’a pas fini sa mue. Il reste des barres d’immeubles délabrées dans le bas de la ville. Cité du chêne pointu, en particulier, là où Zyed et Bouna ont grandi et où persistent 1.500 logements très dégradés. « Ce parc de logements y est pour l’essentiel privé, nous ne pouvons pas y agir aussi facilement. Mais un vaste programme de réhabilitation démarrera bientôt », rappelle Olivier Klein.

La galère des transports

Mais tout cela ne servira pas à grand-chose si Clichy n’est pas mieux desservi par les transports. La ville a beau être à 23 km de Paris, s'y rendre est une vraie aventure. Ce n'est pas Jill qui dira le contraire. «J'habite Clichy depuis peu et c'est ce qui m'a le plus surpris ici, raconte-t-elle à son arrêt de bus. Il me faut 1h30 pour me rendre à Paris et 40 minutes à l'hôpital où moin fils est soigné.» Le tramway T4, qui rapprochera les Clichois des gares RER, était attendu pour cette année. Il ne viendra pas avant 2019. Une gare du futur métro du Grand Paris doit voir aussi le jour en 2023. « Clichy ne sera plus qu’à trois stations de La Défense, s’enthousiasme Samir Mihi. Cela devrait nous ouvrir des portes sur le marché de l’emploi. » D’ici là, les Clichois prennent leur mal en patience ou rêvent d’ailleurs. Comme Ilhen, lycéenne de 17 ans, qui se voit habiter à Villemomble,… «près d’une gare ».