Paris: La piétonnisation des berges de Seine, un projet 100% positif ?
URBANISME•L’urbaniste Paul Lecroart a étudié douze cas à travers le monde de transformation de voie express en des avenues urbaines, ouvertes aux cyclistes et piétons. Comme ce que s’apprête à faire Anne Hidalgo le long de la Seine…Fabrice Pouliquen
L’acte II de la reconquête des Berges de Seine est en marche. Anne Hidalgo l’a annoncé dimanche dans les colonnes du JDD. Deux ans après l’interdiction de la circulation rive gauche, entre le pont Royal et le pont de l’Alma, elle veut faire de même rive droite, à l’été 2016, sur un tronçon de 3,3 km de la voie Georges-Pompidou.
Une tendance mondiale
Bonne ou mauvaise idée ? Avant de répondre, l’urbaniste Paul Lecroart commence par préciser que Paris n’est pas la première grande ville à se lancer dans un tel projet. « Il fait partie d’un courant mondial qui consiste à transformer des voies rapides en avenue urbaine. En Amérique du Nord mais aussi en Corée du Sud, des villes brutalement traversée par des voies rapides ont opté pour leur suppression. »
Paul Lecroart a étudié douze de ces cas pour le compte de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme (IAU) d’Île-de-France. La Harbor Drive de Portland, la West Side Highway de Manhattan, l’Embarcadero Freeway et la central Freeway de San Francisco, les berges de la rivière Cheonggye à Séoul… A chaque fois, ces voies express, ouvertes uniquement aux voitures, ont vu fleurir des feux tricolores et d’aménagements permettant aux piétons et cyclistes de circuler.
Des reports de trafics négligeables
Pour l’urbaniste, il n’y a que du positif à tirer de ces expériences. Même la crainte d’une dégradation des conditions de la circulation automobile ne tient pas. « Il y a bien des reports de trafics, mais dans les cas que j’ai étudiés, ils sont faibles et inférieurs aux prévisions. Ils sont à chaque fois absorbés par la ville. » Dans son étude, Paul Lecroart observe même un trafic journalier qui baisse sur les corridors concernés après leur aménagement en avenue urbaine. Moins 10 % à Portland, moins 20 % à New York, moins 22 % à San Francisco… « Le passage d’une voie rapide à une avenue urbaine modifie les comportements, analyse Paul Lecroart. Les déplacements d’opportunités diminuent, les usagers changent d’itinéraires, d’horaires ou adoptent les transports en commun… »
Des quartiers revitalistés
Au-delà des conditions de circulation, ces avenues urbaines ont favorisé la renaissance de centre-villes et de quartiers sinistrés par les autoroutes. C’est le point commun observé par l’urbaniste sur les douze cas étudiés. « A San Francisco, par exemple, la supression de l’Embarcadero Freeway a redonné le front de baie aux habitants, a permis la création de commerces et de logements et développé le tourisme », écrit Paul Lecroart. L’étude prend aussi l’exemple de Séoul où, depuis la démolition de la voie express, les berges de la rivière Cheonggye sont devenues les Champs-Elysées de la ville avec 64.000 visiteurs par jour.
Et pourquoi pas le périphérique ?
Paul Lecroart voit donc plutôt d’un bon œil ce projet de piétonnisation des berges de Seine. « Il y a déjà d’autres projets dans la même logique à l’œuvre en Île-de-France, indique-t-il. Le boulevard sud de la Défense sera transformée en avenue métropolitaine, de même qu'une partie de l’A186 à Montreuil où serait installé un tramway. » Et le périphérique de Paris ? « Cela vaut le coup de se poser la question. Cela serait en tout cas bien moins cher que de le recouvrir. »