SOCIETEProtoxyde d’azote: «Désormais à chaque soirée, chacun ramène son cracker et ses ballons»

Protoxyde d’azote: «Désormais à chaque soirée, chacun ramène son cracker et ses ballons»

SOCIETEAlors qu'un spot de prévention «Mon addiction» est diffusé à partir de ce lundi au cinéma et à la télévision, «20 Minutes» s’est penché sur le protoxyde d'azote. Une drogue de plus en plus présente dans les soirées étudiantes parisiennes...
Romain Lescurieux

Romain Lescurieux

«Désormais à chaque soirée, chacun ramène son cracker, ses cartouches et ses ballons», témoigne Alice*, 19 ans, étudiante en deuxième année de médecine à Paris 7. Elle a découvert le protoxyde d’azote - également connu sous le nom de «gaz hilarant», «proto» ou «ballon» - cet été, lors de vacances avec sa fac. Depuis, elle en consomme deux-trois fois à chaque fête étudiante, et n’hésite pas à le faire découvrir à ses amis.

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Stocké sous forme liquide dans des bonbonnes ou des cartouches métalliques de forme ovale, le protoxyde d’azote est d’usage très courant dans l’industrie, ou en cuisine, mentionne Drogues Info Services. Il est donc facile et légal de s’en procurer. Une fois récupéré dans un ballon de baudruche, via un siphon à chantilly ou un cracker, ce gaz est ensuite inhalé et provoque une «légèreté» d’une trentaine de secondes. Si le produit n’a rien de récent, le phénomène explose outre-manche – avec des vendeurs de cartouches à la sauvette dans les rues connues pour leur activité nocturne - et se diffuse également chez les étudiants français pour ce même effet festif.

«Tu divagues gentiment, tu rigoles beaucoup»

«Cela provoque un léger vertige, la tête chauffe un peu, tu divagues gentiment, tu rigoles beaucoup», détaille Maxime*, 23 ans, en cinquième année de médecine à Paris 5. Sur Internet, les cartouches se vendent 20-30 centimes et une dizaine d’euros pour un cracker. Dans n’importe quel supermarché, le lot de dix cartouches est à 5-7 euros et le siphon aux alentours d’une trentaine d’euros.

«C'est sûrement plus généralisé en médecine vu que c'est utilisé dans la vraie vie pour pratiquer des gestes un peu douloureux sans faire d'anesthésie», explique-t-il, sereinement. D’ailleurs, le produit soignerait également la dépression, selon une récente étude. «Contrairement à l’alcool ou à d’autres drogues, je n’ai jamais vu de «bad» ou de gens coincés dans leur délire, ni d'effets physiques graves ou encore de personnes qui ne pouvaient plus s’en passer», poursuit le jeune homme. Même constat pour Alice, qui avait tout de même pris des précautions avant sa première prise.

15 appels concernant le protoxyde sur les 44.000 reçus en 2014

«Licite»? «Effets secondaires»?, «Dépendance»?, elle a questionné ses amis. Et c’est exactement ce type d’interrogations qu’a reçu en 2014 Drogues Info Service, à travers les 15 appels concernant le protoxyde sur les 44.000 recensés. Selon Etienne et Laure, responsables de l’information au sein de l'établissement, «ça peut provoquer des problèmes respiratoires, de mémoires et il existe un risque d’évanouissement». Et peut – dans quelques cas très rares – provoquer la mort.

Pour Stephen Ream, directeur de Re-Solv, association caritative anglaise pour la prévention de la consommation de substances volatiles, interrogé par les Inrocks, «le danger réside dans une mauvaise utilisation, notamment via des bouteilles de gaz médical et des masques, majoritairement responsables des 17 morts [britanniques] dénombrés entre 2006 et 2012». En France, les professionnels de santé restent sereins face à un phénomène «mineur» présentant «peu d’addiction».

«Oui c’est une drogue car il y a la démarche de recherche de changement d’état et de perte de contrôle», rappelle auprès de 20 Minutes, le Docteur William Lowenstein, addictologue et président de l’association SOS Addiction, qui diffuse ce lundi un spot de prévention sur les drogues. Il tient toutefois à nuancer la dangerosité du protoxyde. «Les consommateurs ne sont pas dépendants de la molécule qui est peu dangereuse, mais davantage aux endroits et aux circonstances où cela se prend», dit-il.

* Les prénoms ont été modifiés

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