Paris: La nouvelle carte de l’éducation prioritaire fait des déçus
EDUCATION•Dans le 12e, où aucune école n’entre dans les Réseaux d’Education Prioritaire (REP), les parents expriment leur amertume…Oihana Gabriel
«On a mené un combat et on n’a pas été entendu», regrette Emilie, mère de deux élèves de l’école primaire Bercy (12e). Les parents d’élèves de ce groupe scolaire, maternelle et primaire, espéraient voir l’établissement rejoindre les Reseaux d’Education prioritaire (REP), héritiers des ZEP. Mais la carte définitive, qui devrait être entérinée ce mercredi par le ministère de l’Education, n’inclut aucune école du 12e arrondissement de Paris. «Une injustice», clame Jérôme Lambert, secrétaire départemental du Snuipp-FSU-Paris. Selon lui, une vingtaine d’écoles parisiennes auraient dû rejoindre les REP. «Toutes les écoles n’ont pas été traitées à la même enseigne en fonction du territoire et des élus.» Pourtant, parents comme enseignants ont mené une mobilisation de longue haleine.
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Les parents et enseignants estiment que l'école répond aux critères
A la rentrée 2013, une classe supplémentaire a été créée pour alléger les cours à 28 élèves à l’école Bercy. D’autre part, un «coup de pouce» pour les CP permet aux enfants en difficultés de bénéficier d’une aide aux devoirs. «Ces quelques attentions académiques nous ont poussé à croire qu’on obtiendrait le statut de REP», souligne Eve, mère de deux enfants scolarisés dans cette école. Après des courriers au rectorat, à la mairie du 12e, une délégation obtient samedi 24 novembre un rendez-vous à la mairie. Où les élus assurent les parents de leur soutien. Dès le lundi suivant, les parents décident d’occuper les bureaux des directeurs du groupe scolaire et tentent de convaincre l’inspectrice, dans les murs ce même lundi, de la nécessité d’obtenir le classement en REP. «L’inspectrice a qualifié notre mouvement de caprice. Mais on se bat pour l’école publique, pour l’avenir de nos enfants», insiste Bekhta, mère d’un élève de CP. «On répond aux critères, argumente Emilie. Environ 60% des familles bénéficient d’un tarif de 1 à 3 pour la cantine [critère retenu pour évaluer le niveau social des élèves]. Et 30% des familles ne sont pas francophones. Quand les parents ne parlent et n’écrivent pas français ce n’est pas évident d’aider pour la dictée! Et le niveau scolaire est assez faible: un cinquième des effectifs des CM1 et CM2 ont déjà redoublé.»
La banderole devant l'école Bercy mobilisée pour entrer dans les REP. - Ecole Bercy
L'école Bercy bénéficiera des mesures académiques encore floues
Mais l’établissement s’est tout de même vu octroyer des «mesures académiques» exceptionnelles. «Mais sur quoi portent-elles? Et sur quelle durée? On a eu aucune explication…, critique Eve. Ils peuvent très bien décider de fermer la classe supplémentaire, d’arrêter ces aides. Et il faudra sans doute renégocier chaque année.» Cette compensation n’a pas calmé la colère et l’amertume des parents inquiets. Et la question de la mixité revient sur toutes les lèvres. «Aujourd’hui 70% des enfants viennent des logements sociaux de la cité Villiot, reprend Eve. De plus en plus de parents qui en ont les moyens mettent leurs enfants dans le privé. On va vers une ghettoïsation de l’école. Personnellement je trouve choquant qu’à un moment où l’Etat fait des coupes drastiques dans le budget de l’école publique nos impôts continuent de financer les écoles privées…»
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Les parents amers d'autres écoles mobilisées
Une colère partagée par les parents de l’école Lamoricière (12e). Eux aussi estiment que leur groupe scolaire aurait dû rejoindre les REP. Et pour se faire entendre, certains ont occupé l’école du 23 novembre au 11 décembre, organisé des marches bruyantes et des goûters de rassemblement, avec le soutien de l’équipe enseignante. Sans résultat. «Le rectorat nous avait promis les fameuses mesures académiques, souligne Béatrice Bonneau, mère de deux élèves. Mais à ce jour, nous n’avons rien obtenu. Aujourd’hui la classe la plus chargée compte 31 élèves alors que beaucoup de familles sont non francophones. C’est vraiment marche ou crève pour les élèves...»