Check My Metro: L’application qui dit où sont les contrôleurs

Check My Metro: L’application qui dit où sont les contrôleurs

METROTéléchargée 250.000 fois depuis sa création, cette application pour smartphone n’est pas sans poser certains problèmes d’éthique…
Fabrice Pouliquen

Fabrice Pouliquen

«Attention ils sont partout, sortie tapis roulant mais aussi direction Montrouge», écrit James Vadrouille, gare Montparnasse ce lundi matin. «Ça contrôle sévère au niveau des portiques direction les transiliens », poste un peu plus tard chrisdfb de la gare de Lyon. «Très grosse tribu au rer», ajoute encore Salah110392 à Châtelet-Les Halles.

Les messages de ce type se comptent à la pelle sur l’application mobile Check my metro. Elle a été lancée en 2010 par Benjamin Suchar, entrepreneur parisien de 27 ans aujourd’hui. Il voulait en faire un réseau social du métro. «Que les gens y échangent leurs coups de cœur et leurs coups de gueule, y signalent un retard ou un accident sur une ligne, détaille-t-il. Les Franciliens passent en moyenne 1h30 dans les transports chaque jour et l’information y est très faible et peu divertissante.»

Des conversations focalisées sur les contrôleurs

C'était le constat de départ. Quatre ans plus tard, l’application totalise environ 250.000 téléchargements. S’il est toujours possible de converser sur son musicien préféré, les discussions tournent pour l’essentiel sur la localisation des contrôleurs dans le métro. Sur les sept derniers jours, on approche bien plus des 100%.

«Cela traduit un mécontentement des usagers », explique Benjamin Suchar. Nous avons fait l’étude: les utilisateurs de Check My Metro ont pour la majorité un pass navigo et ne sont pas des fraudeurs. Indiquer où se trouvent les contrôleurs est un moyen de se réapproprier le métro.»

Benjamin Suchar, créateur de Check My Metro et de Yoopies, une plate-forme sociale du baby-sitting, à la Pépinière 27 où il a ses bureaux. - Fabrice Pouliquen / 20 Minutes

Le même problème que les pages Facebook anti-radars ?

Mais est-ce légal? Benjamin Suchar affirme que oui et évoque la liberté d’expression. «C’est plus compliqué», nuance Jean-Baptiste Le Dall, avocat spécialiste du droit routier. Le concept de Check My Metro n’est pas sans rappeler l’action en justice à l’encontre d’une quinzaine de personnes de l’Aveyron à qui on reproche d’avoir alimenté une page Facebook signalant la présence de radars sur la route. «Il n’y a pas de textes de loi précis sur ces pages anti-facebook, précise Jean-Baptiste Le Dall. La loi interdit l’usage d’appareils détectant les contrôles. Mais Facebook est un média, pas un appareil. D’une certaine façon, c’est la même chose pour Check My Metro. »

Cela ne veut pas dire que l’application n’est pas attaquable en justice. «Si les postes comprennent des outrages à agents, il est toujours possible d’attaquer», reprend l’avocat. C’est le cas sur Check My Metro où il n’y a pas de modération et où les contrôleurs sont parfois qualifiés de «porcs» ou de «fdp» (on vous laisse traduire).

Certains messages postés sur Check My Metro ne sont pas tendres avec les contrôleurs. - Capture d'écran / Check My Metro

Pas d’augmentation de la fraude pour autant

Forcément, à la RATP, on n’apprécie guère et on dit suivre de très près les nouveaux moyens utilisés par les fraudeurs. D’autant que Check My Metro n’est pas seul sur ce «créneau». Le compte Twitter « Info Contrôleurs » apporte le même type d’informations à ces abonnés. «Toutefois, nous ne constatons pas d’augmentation de la fraude depuis l’apparition de ces nouvelles pratiques», précise la RATP.

Benjamin Suchar, de son côté, ne demande qu’à ce qu’on parle d’autres choses que de contrôleurs sur son application. «Pour cela, il faudrait aussi que la RATP soit moins frileuse à partager ces données. A l’heure de l’open data, il y aurait pourtant de nombreux services innovants à inventer.» Check My Metro rêve par exemple d’avoir à disposition le niveau d’accessibilité des stations de métro et proposer ainsi des recherches d’itinéraires pour personnes à mobilité réduite.