LOGEMENTEncadrement des loyers à Paris, une mesure efficace ?

Encadrement des loyers à Paris, une mesure efficace ?

LOGEMENTCette mesure, accusée d’avoir effrayé le marché immobilier, ne sera finalement appliquée qu’à Paris et à titre expérimental…
Oihana Gabriel

Oihana Gabriel

Beaucoup de bruit pour rien? L’encadrement des loyers, promesse de campagne de François Hollande et mesure phare de la loi Duflot, retombe comme un soufflé. Vendredi, le Premier ministre a annoncé que le dispositif serait expérimenté uniquement à Paris.

Selon nos informations, la maire de Paris aurait beaucoup insisté pour sauver la mesure. Et l’exception parisienne fait envie. Après Martine Aubry, maire de Lille, Pascal Buchet, conseiller général socialiste des Hauts-de-Seine a demandé l’encadrement des loyers pour toutes les communes des Hauts-de-Seine ce lundi.

A partir de début 2015 donc, lors d’une signature ou d’un renouvellement de bail, les propriétaires parisiens ne pourront plus louer un logement plus de 20% plus cher que le loyer médian défini par l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne. Une bonne nouvelle pour les locataires? Pas évident.

Peu de logements en jeu

D’abord parce que la mesure ne touchera que peu de logements, à savoir les nouveaux locataires (20% des locations) et ceux qui renouvellent leur bail (15%). «Soit un tiers des logements concernés chaque année par cet encadrement, explique Geneviève Prandi, directrice de l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne. Mais attention, une grande partie de ces loyers seront en dessous des plafonds.» Et encore davantage inférieurs aux 20% supplémentaires. Impossible pour le moment d’évaluer combien des 400.000 locations privées à Paris verront leur loyer baisser. Ni le montant de cette baisse.

Des dérogations encore floues

Mais un verrou supplémentaire a sauté: un propriétaire pourra exiger un complément de loyer s’il prouve que son logement offre des «caractéristiques particulières». Une dérogation encore vague qui devra être encadrée par un décret. «Mais sans volonté politique, il y a des chances pour que tous les logements deviennent exceptionnels. Un propriétaire pourra louer un studio de 9m2 à 700 euros si la lucarne donne sur le Panthéon!», s’énerve Simon Cottin-Marx, militant à l’association contre le mal-logement Jeudi Noir. Pire, cette définition d’un loyer médian peut aussi encourager certains propriétaires à réévaluer leur loyer.

«Une usine à gaz qui ne changera rien pour les locataires»

La mesure, qui devait aider à fluidifier le marché, a peu de chances de simplifier les démarches. «Depuis deux ans, les loyers à la relocation sont déjà encadrés, rectifie Simon Cottin-Marx de Jeudi Noir. Mais les propriétaires ne le respectent pas. Plutôt que de faire appliquer ce décret ou de mettre en place un dispositif simple, c’est une usine à gaz qui ne changera rien pour les locataires. La loi Duflot n’a pas été pensée pour faire baisser massivement les loyers mais pour éviter les prix abusifs.»

Autre complication: c’est le locataire qui doit prendre l’initiative. Une fois le tableau des loyers médians publié sur le site du ministère du Logement, si un locataire s’aperçoit que son loyer est supérieur de 20%, il devra saisir la commission départementale de conciliation. Est-ce qu’ils oseront? «Cette expérimentation permettra de voir combien il y a eu de contestations», reprend Geneviève Prandi de l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne. «Mais rien ne dit que le propriétaire ne donnera pas congé au locataire qui osera lui tenir tête», critique le militant de Jeudi Noir.

Risque de pénurie de logements

Les critiques pleuvent également du côté des agences immobilières. «Cette mesure ne peut qu’amplifier la pénurie de logements à Paris, attaque Laurent Vimont, président de Century 21. Ce dispositif ne va pas rassurer les propriétaires. Alors que les investisseurs ont baissé de 30% à Paris depuis 2012 et l’annonce de l’encadrement des loyers. D’autre part, pour le moment, les données sont insuffisantes pour définir des loyers médians. Il faudra quelques années avant de créer un outil fiable assez précis sur les loyers parisiens.»

Et pourtant, Paris ne sera la première à expérimenter cette restriction: l’Allemagne, la Suède l’ont appliquée. «Dans toutes les grandes villes où les loyers ont grimpé, la réglementation des loyers n’a pas réussi à endiguer le phénomène», martèle Laurent Vimont.

Outils et calendrier

Début 2015, selon le calendrier annoncé par le Premier ministre, l’encadrement des loyers à Paris devrait être appliqué après un décret publié par le préfet d’Ile-de-France.

«On est en train de finaliser le zonage, qui devrait compter entre 10 et 15 secteurs, explique Geneviève Prandi, directrice de l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne. A l’intérieur d’un arrondissement, les loyers peuvent être très hétérogènes. Cela n’a pas de sens de définir des quartiers contigus. Nous allons donc déterminer un tableau de loyers médians qui prendra en compte trois critères: la zone, le nombre de pièces et l’année de construction. En effet, le prix au m2 est moindre pour un trois pièces que pour un studio. Aujourd’hui, le loyer médian le moins cher tourne autour de 19,4 euros/m2 et se situe à cheval entre le 19e et le 20e. Quant au loyer médian le plus élevé, il atteint 28,7 euros/m2 dans le 7e arrondissement.»