Logement: Les étudiants fuient-ils Paris ?
RENTREE•Alors que les loyers explosent dans la capitale, certains choisissent de vivre en banlieue parisienne pour limiter les coûts…Oihana Gabriel
Chambre de bonne versus appartement de 50m2 avec jardin. Solène Burthe, 22 ans, étudiante en troisième année de lettres a vite fait ses comptes. «Quand on a commencé à chercher un appartement avec mon compagnon, on a vite compris qu’à Paris avec 800 euros maximum on ne trouverait que des appartements minuscules, raconte-t-elle. Les loyers parisiens sont inabordables. Alors on a choisi Rambouillet (Yvelines), où on a un endroit pour vivre, pas juste pour dormir.»
Et elle ne serait pas la seule à fuir Paris intra muros pour sa banlieue. Selon Julien Blanchet, président de la Fage (Fédération des Associations Générales Etudiantes): « Paris est toujours aussi attractif en termes d’offres d’enseignements. Mais les étudiants vont vivre de plus en plus autour de la capitale.»
723 euros dans Paris contre 350 à Provins
Car s’exiler au-delà du périphérique permet de faire des économies. Alors que le loyer moyen atteint 723 euros dans la capitale, il est en moyenne de 625 euros à Boulogne (Hauts-de-Seine), 580 euros à Montreuil (Seine-Saint-Denis) ou encore 350 euros à Provins (Seine-et-Marne), selon l’étude sur le logement étudiant de Century 21 de 2014.
Un argument de séduction pour les villes de petite et grande couronne, compensé toutefois par le temps de trajet: de 33 minutes pour ceux qui vivent dans Paris intra muros, on passe à 44 minutes pour les banlieusards, selon une étude de l’Observatoire de la vie étudiante de 2013.
Les étudiants s’installent dans les 13e, 14e, 19e et 20e arrondissements de Paris
Solène, de son côté, traverse l’Ile-de-France en train deux heures par jour, pour rejoindre La Sorbonne à Paris (5e), dans un arrondissement où le loyer moyen va jusqu’à 1.000 euros, quand il se situe autour de 650 euros dans le 13e et de 675 euros dans le 19e. Car «si cet éloignement en banlieue n’est qu’un ressenti, il est certain que beaucoup d’étudiants vivent sur le pourtour de la capitale: 18e, 19e, 20e et 13e arrondissements, là où les loyers sont les moins chers», analyse le président de la Fage.
Car malgré une légère stagnation depuis deux ans, le loyer reste le premier poste de dépense pour les étudiants, pouvant atteindre 75 % des revenus des étudiants parisiens, contre 50 % dans le reste du pays.
Les dépenses courantes comptent aussi
Mais les dépenses pour l’alimentaire ou les vêtements pèsent également dans le choix de la ville où étudier. Selon la Fage, ces dépenses pour la vie courante atteignent 317€ en 2014 en Ile-de-France contre 287 € en province. «Le coût de la vie à Paris en général encourage les jeunes à vivre en province ou en banlieue parisienne, résume Julien Blanchet. Dans mon entourage, de plus en plus de personnes ne peuvent plus se permettre de se former à Paris. Cela s’est renforcé avec la crise de 2008 car les parents ont moins les moyens d’aider leurs enfants. Les loisirs, les courses sont évidemment plus chères dans le 5e arrondissement de Paris qu’à Saint-Denis et cela joue aussi dans le choix de la ville et donc de l’orientation.»
S’il n’y a pas encore d’études sur les communes de banlieue qui séduisent le plus les étudiants, ceux-ci «cherchent toujours à être proche de leur lieu d’études», reprend Julien Blanchet. Ainsi Saint-Denis, Versailles, Nanterre, Marne-la-Vallée devraient faire partie du peloton de tête des villes étudiantes franciliennes en dehors de Paris.
D’ailleurs, le choix des étudiants interrogés par l’Observatoire de la vie étudiante semble se porter sur la grande couronne. En effet, 74 % des étudiants parisiens se disent satisfaits de leur logement, seulement 69 % de ceux qui vivent en petite couronne alors que 77 % des jeunes qui ont choisi de vivre en grande couronne s’en félicitent.
Retard sur le logement étudiant
La déconcentration des universités facilite d’ailleurs l’installation des étudiants en banlieue. «Les universités de banlieue se renforcent», avance en effet Isabelle This Saint-Jean, vice-présidente chargée de l’enseignement supérieur en Ile-de-France. Avec huit universités intra-muros, 10 en banlieue et des gros projets de campus Condorcet (Seine-Saint-Denis) et de pôle de recherche à Saclay (Essonne), le mouvement des étudiants vers la banlieue devrait s’amplifier. Reste à savoir si les constructions de logement étudiant seront suffisantes? «Notre objectif était de construire 4.000 places pour le logement étudiant par an, nous en sommes à 3.000, reconnaît Isabelle This Saint-Jean. Car le foncier reste un problème. Mais on sent que les villes sont plus réceptives au besoin de logement étudiant.»