Paris en fauteuil roulant: on a testé, c'est compliqué
HANDICAP•L'association Jaccede organise ce vendredi soir la Nuit de l’accessibilité, destiné à sensibiliser les Parisiens à ce qu’est la vie en fauteuil roulant. «20 Minutes» a testé en avant-première…Fabrice Pouliquen
L’expérience est tout de suite déstabilisante. S’asseoir pour la première fois dans un fauteuil roulant et voilà que le monde change. Paris devient une ville de géants et la rue n’a plus rien de rassurant. Heureusement, nous avions un guide: Marie Vampouille, en fauteuil depuis l’enfance et bénévole de Jaccede, association qui organise ce vendredi 13 la quatrième Nuit de l’accessibilité à Paris.
Le cauchemar des poubelles
C’est elle qui a fixé le rendez-vous, rue Oberkampf, près de la station de métro Parmentier. «Un coin à embûches comme toute rue fréquentée», sourit-elle. Elle ne s’est pas trompée. Dès les premiers mètres, nous voilà confrontés à une rangée de trois poubelles sur le bord du trottoir. Les piétons passent devant sans un regard. En fauteuil roulant, il n’y a guère de solution: il faudra passer en file indienne et manœuvrer avec précision pour passer entre les poubelles et les tables du bar qui mordent sur la rue.
La scène se reproduira une dizaine de mètres plus loin, avec cette fois-ci, en prime, un trou dans la chaussée. Le moment choisi par Marie pour décréter une pause bienvenue. «Les embûches de ce type sont nombreuses, raconte-t-elle. Là, c’est une poubelle. Parfois, ce sont des échafaudages, des ardoises de restaurants ou des vélos accrochés aux lampadaires qui posent problème…»
«La marche est trop haute pour nos fauteuils»
En fauteuil roulant, il faut aussi faire une croix sur certains commerces. «Cette boulangerie ou ce traiteur asiatique par exemple, illustre Marie Vampouille dans la rue Oberkampf. La marche est trop haute pour nos fauteuils.» Le constat d’échec est fréquent pour Jaccede qui recense dans un guide les adresses parisiennes accessibles aux personnes à mobilité réduite. «En moyenne, seulement un établissement sur trois que nous visitons répond à nos critères pour figurer dans notre guide», évalue Claire Baker, responsable mobilisation de l’association. Les autres ont plus d’une marche à l’entrée, des toilettes inaccessibles en fauteuil roulant ou encore aucun ascenseur pour accéder aux étages… Et les délais supplémentaires accordés dans l’application de la loi 2005 sur la mise en accessibilité des lieux publics, prévue initialement pour 2015, ne va pas accélérer les choses.
Marie et Claire ne noircissent pas le tableau pour autant. De bonnes choses ont été faites ces dernières années à Paris. «Les bus, la voirie, les théâtres, les musées, les mairies sont désormais facilement accessibles», liste Marie. Le guide Jaccede recense aussi plus de 5.000 adresses parisiennes où les personnes handicapées peuvent se sentir à l’aise.
Pas qu’une question d’argent
Mais il pourrait en avoir bien plus encore et ce n’est pas seulement une question d’argent ou de normes, martèle Marie. «L’état d’esprit et les bons réflexes comptent aussi». La preuve dans cette supérette au programme de notre balade, où des paniers avaient été empilés au bout d’un rayon. «C’est tout bête, mais on ne passe plus», lâche dans un sourire Marie.
Heureusement, le Parisien n’est pas avare en coup de main à l’égard des personnes en fauteuil roulant. Trois passants nous proposeront spontanément leur aide au cours de notre parcours. «Mais c’est fatigant de dépendre tout le temps des gens, raconte Marie. L’accessibilité parfaite, c’est quand la personne à mobilité réduite peut se fondre dans le décor.» Ce n’est pas pour tout de suite. En se quittant, rue des Trois Couronnes, deux grosses voitures stationnaient sur le trottoir nous obligeant à rouler sur la route. «C’est tous les jours comme ça dans cette rue, peste Marie. Que c’est énervant!»