La construction d’une église orthodoxe à Paris en pleine tempête judiciaire

La construction d’une église orthodoxe à Paris en pleine tempête judiciaire

URBANISME – Le tribunal de grande instance de Paris se penche ce mardi sur ce projet de construction polémique…
Oihana Gabriel

Oihana Gabriel

Paris verra-t-elle le projet d’église orthodoxe russe aboutir? Le projet, freiné par maints rebondissements, pourrait à nouveau être ajourné. Ce mardi, Manuel Núñez Yanowsky, l’architecte lauréat du concours, demandera, en effet, au TGI de Paris la suspension de la résiliation du contrat passé avec la Fédération de Russie.

L’affaire, complexe, débute en 2010 quand Nicolas Sarkozy vend à la Russie l’ancien siège de Météo France quai Branly (16e), un site de 4.000 m2 au pied de la Tour Eiffel. Le président russe Vladimir Poutine souhaite y ériger une église orthodoxe et la Fédération de Russie lance un concours international, remporté en 2011 par l’architecte espagnol Manuel Núñez Yanowsky. Mais son projet, avec ses cinq bulbes dorés et sa robe de verre, s’attire rapidement des critiques… dont celles du Maire de Paris Bertrand Delanoë. En février 2012, il avait égratigné «son architecture de pastiche» qui «relève d'une ostentation tout à fait inadaptée au site classé au patrimoine mondial de l'Unesco, ou à la perspective de la Tour Eiffel».

Avalanche de procédures judiciaires

L’architecte espagnol est brutalement remercié en 2012… La Fédération de Russie décide alors de travailler avec le second choix du jury: l’urbaniste Jean-Michel Wilmotte. Contacté, le cabinet Wilmotte et Associés a confirmé que le permis de construire avait été déposé le 16 septembre 2013 et qu’il était actuellement en instance. Mais si ce projet, encore très secret, semble avancer, Manuel Núñez Yanowsky ne baisse pas les bras. Et tente tous les recours auprès de la justice française. «Les conditions de résiliation n’ont pas été respectées, tempête son avocat, Louis Fouquet, qui défendra ce mardi son client auprès du juge des référés. Les Russes ont abandonné le projet sans délai. En droit, mon client est titulaire du contrat. Mais dans les faits, le cabinet Wilmotte a déposé un permis de construire. On verra si la politique du fait accompli leur réussit.» La procédure en référé devrait aboutir à une ordonnance dans les prochaines semaines.

Dix millions d’euros réclamés à Delanoë

Mais la saga judiciaire ne sera pas terminée. Car l’architecte attaque aussi le maire de Paris pour «violation des obligations contractuelles découlant du concours auquel la ville de Paris avait participé». «Nous demandons 10 millions d’euros à Bertrand Delanoë, précise l’avocat. Je lui reproche un lobbying excessif contre la décision du jury auquel il a participé.» A la Mairie de Paris, on rappelle que l’édile n’avait qu’un avis consultatif et on réplique que «cette plainte paraît infondée et irrecevable». Avant de préciser que le permis de construire déposé par le cabinet Wilmotte a reçu un avis favorable, mais aussi «une demande que le projet veille bien à l’insertion urbaine, ce qui avait posé problème à l’époque.»

Plainte pour «chantage» et «favoritisme»

L’architecte évincé s’est aussi attaqué à la ministre de la Culture Aurélie Filippetti, pour «abus d’autorité publique». Mais la Cour de Justice de la République (CJR), compétente pour juger les ministres en exercice, a classé l’affaire en septembre. Manuel Núñez Yanowsky a également déposé une plainte contre X pour «délit de chantage», «trafic d’influence» et «favoritisme» en septembre. Un troisième volet judiciaire pour lequel la brigade de répression de la délinquance financière a ouvert une enquête. La saga de l’église orthodoxe parisienne ne fait que commencer.