Professeurs stagiaires: La «génération sacrifiée» a fait sa rentrée
EDUCATION – Beaucoup d'heures de cours et peu de formation. De l'avis général, les premiers pas des jeunes recrues de l'enseignement du second degré, notamment en Seine-Saint-Denis, sont délicats...Mathieu Gruel
Les profs ont aussi fait leur rentrée. Et pour les petits nouveaux, ce n'est pas forcément tout rose. Particulièrement en Seine-Saint-Denis, où la pénurie d'enseignants se fait durement ressentir. «L'entrée dans le métier est assez violente», reconnaît Caroline Lechevallier, secrétaire nationale du Syndicat national des enseignements de 2nd degré (Snes). Beaucoup de classes, plusieurs niveaux d'enseignements, des heures sup à assurer... Il y a, pour ce millier de professeurs stagiaires dans le département, une «réelle angoisse de ne pas y arriver face à la montagne de travail», poursuit la syndicaliste.
Sentiment d’injustice
En 2012, Vincent Peillon était pourtant venu à la rencontre des jeunes professeurs du secondaire à Créteil, leur promettant des améliorations. «Mais tout ce qui a été fait cette année, c'est une décharge de trois heures», poursuit Matthieu Brabant, secrétaire national de la CGT Educ'Action. Restent donc quinze heures de cours à assurer… et un petit «sentiment d’injustice» qui agace cette cuvée 2013. La dernière à se former selon le régime mis en place par la réforme Sarkozy, en 2008.
Coincée entre deux systèmes de formation, cette «nouvelle génération sacrifiée» doit se dépêtrer entre les cours à assurer, ceux à préparer, les copies à corriger et le métier à apprendre au contact d’un tuteur. Alors même s’il y a eu, par le gouvernement, «une prise en compte d’une situation qui était catastrophique», la charge reste lourde.
Et pèse un peu trop sur certains. «Des enquêtes nous ont montré que, sur les trois dernières années, beaucoup coulaient dès la Toussaint», prévient Caroline Lechevallier. Un problème pour ces débutants, qui «espèrent tous une titularisation à la fin de l'année», ajoute Matthieu Brabant.
Un risque de «dégoût du métier»
Si 95% d’entre eux devraient l'obtenir, les efforts consentis pourraient quand même laisser des traces. «Malgré la motivation dont ils font preuve», la masse de travail peut générer «une sorte de dégoût du métier», redoute la syndicaliste du Snes, pour qui le malaise dépasse les frontières de la Seine-Saint-Denis.
Cécile, professeur stagiaire de lettres modernes au collège Jean-Moulin de Montreuil, abonde. «La charge de travail est énorme», souffle-t-elle. Ne sachant pas encore, jeudi dernier, où elle serait affectée à la rentrée, la jeune femme de 25 ans garde pourtant le sourire. «On ne va pas se laisser abattre par quelques dysfonctionnements.» Alors, même si elle confie avoir parfois «l'impression d'être un peu seule» face à l’ampleur de la tâche, elle dit rester «motivée».