Provence : Les santons sur la (longue) route d’une reconnaissance au patrimoine de l’Unesco
SAVOIR-FAIRE•Des santonniers ont lancé une association afin de voir leur savoir-faire être reconnu au patrimoine immatériel de l’UnescoAlexandre Vella
L'essentiel
- Des santonniers d’Aubagne s’organisent pour voir leur savoir-faire être reconnu par l’Unesco.
- Ils entendent rassembler tous les santonniers de Provence, et un peu au-delà.
- Les santons et les crèches provençales « maisons » sont une tradition héritée de la Révolution française qui avait interdit les crèches.
Ils peuplent les marchés de Noël et les familles les ressortent de leurs petites boîtes chaque année à l’approche des fêtes pour garnir les crèches. Les santons de Provence, ou plutôt leurs créateurs, ont constitué une association pour voir leur savoir-faire être reconnu au patrimoine immatériel de l’ Unesco.
« Le principe de la crèche provençale de Noël est de reconstituer la pastorale* », explique Sylvie Neveu. C’est ainsi qu’est mis scène et en miniature la vie du village : ses pêcheurs, ses bergers, ses lavandières, ses joueurs de carte ou de boules – jusqu’aux disputes inhérentes – apprenant la nouvelle de la naissance de Jésus. « Parce que tout le monde sait que Jésus est né en Provence », s’amuse l’arrière-petite-fille de Thérèse Neveu, considérée comme « l’apôtre des santonniers d’Aubagne » par Patrice Jarque, céramiste et élu à la mairie d’Aubagne. C’est lui qui est à l’initiative du lancement de cette association qui vise l’Unesco et dont Sylvie Neveu, santonnière retraitée, a accepté de prendre la présidence.
« On a cette idée depuis plusieurs années », introduit Patrice Jarque, qui a longtemps présidé l’association des céramistes et santonniers d’Aubagne. « Et quand j’ai vu le savoir-faire des parfumeurs de Grasse être inscrit à l’Unesco, je me suis dit : « Les santonniers méritent la même chose. » » L’ambition est de rassembler les santonniers de Provence au-delà d’Aubagne. « Il y en a aussi quelques-uns dans le Gard et en Lozère », abonde Patrice Jarque.
Pour l’heure, une dizaine de santonniers ont déjà adhéré à la nouvelle association. Il y en aurait environ 200, selon Florence Amy, l’actuelle présidente de l’association des céramistes et santonniers d’Aubagne qui a tenté ce recensement l’an passé, alors que les marchés de Noël fermaient les uns après les autres en raison de la crise sanitaire.
Une tradition née de la Révolution
Mais la reconnaissance de cet art par l’Unesco s’annonce être une longue marche. « Il va falloir y aller doucement », indique Patrice Jarque. Début 2022, différents collèges chargés de monter le dossier seront constitués. « Il nous faut des historiens, des artistes mais aussi des institutions et des moyens financiers pour créer ce dossier », explique Sylvie Neveu. « Et une notoriété suffisante pour arriver à l’Unesco », poursuit-elle.
Pas évident lorsque cet art est quasiment apparu dans la clandestinité. Les crèches remontent au XIIIe siècle mais il n’y en avait pas au domicile des croyants. « C’est pendant la Révolution française, alors que les crèches dans les églises avaient été interdites que les Provençaux se sont mis à confectionner de petits personnages. Avec de la mie de pain, puis de l’argile, enfin ce qu’ils trouvaient sur place », raconte Florence Amy. La seconde révolution est celle réalisée un siècle plus tard par Thérèse Neveu qui, depuis Aubagne, eu l’idée d’en faire en terre cuite et d’en faire un art et son métier.
*Une pastorale provençale est une pièce de théâtre parlée et chantée au moment de Noël mettant en scène la nativité.