Nice : « C'est l'aventure tous les jours ! » En immersion avec Loïc Barbedette, un des cinq pêcheurs professionnels de la ville
PORTRAIT•Le Niçois de 36 ans s'est lancé dans le métier il y a quatre ans après une première carrière comme conducteur de travauxElise Martin
L'essentiel
- Tous les jours, avant le lever du soleil, Loïc Barbedette part sur son bateau pour lancer et récupérer ses filets pêches.
- Il revient vers 10 h 30 pour vendre les poissons sur le port jusqu’à 12h30.
- « Je vis des moments uniques ». A aucun moment, il ne regrette sa vie d’avant.
Il est 6 h 45 quand Loïc Barbedette, 36 ans, quitte les amarres du port de Nice. Cet ancien conducteur de travaux dans les chantiers s’est reconverti en 2017. « Un pêcheur mélancolique avait parlé à ma compagne en disant que c’était compliqué d’embaucher des jeunes marins. J’ai toujours aimé la mer, je me suis dit que c’était l’occasion même si je n’avais jamais touché un filet de ma vie », se souvient-il.
Au début, ses proches ne le prenaient pas trop au sérieux. « Maintenant je pense qu’ils sont fiers », sourit le pêcheur. Il n’a jamais quitté Nice. Au plus loin, il est allé en Corse. D’ailleurs, c’est là qu’il a tout appris. « Quand je me suis lancé dans ce projet, avec les mois de formation pour être marin mousse puis les mois de navigation pour passer le diplôme, j’ai vu que c’était compliqué de se faire embaucher par des pêcheurs. A part peut-être en Normandie. Mais c’est sur l’île de Beauté qu’on m’a donné ma chance, dans la capitale de la langouste. En trois mois, j’ai prix dix ans d’expérience ».
« C’est un métier de passion »
Malgré son apprentissage intense, Loïc Barbedette peine à obtenir toutes les qualifications pour avoir le diplôme de capitaine 200 et décide d’acheter quand même un bateau de pêche et de passer le certificat d’aptitude au commandement à la petite pêche.
« Il y a des restrictions mais ça ne me concerne pas. Certes, je vais moins loin parce que je ne me déplace pas aussi rapidement que mes collègues [4 nœuds, c’est-à-dire 7 km/h contre 20, donc 37 km/h], mais pour ce que je fais, ça me suffit largement », commente le pêcheur. Tous les jours, il lance et ramasse ses filets (de 120 m de long et qui peuvent aller jusqu’à 20 m de profondeur en fonction du fond) au large de la promenade des Anglais jusqu’au large de la plage de la réserve à Nice.
« Parfois, je ne ramasse aucun poisson. Les bons jours, je vais en avoir une vingtaine. C’est un métier de passion, de patience et de débrouillardise. Je suis pêcheur mais aussi couturier pour recoudre les filets. Je fais de la manutention. Je suis charpentier de marine, mécanicien et commerçant, vendeur ». Depuis les restrictions liées à la crise sanitaire, il vend ses poissons « au cul du bateau » de 10 h 30 à 12 h 30 directement aux particuliers.
« Avant, je galérais dans toute la ville pour vendre ce que j’avais. Maintenant, je ne fais pas plus de 48 heures avec ma récolte. Je pense que ça plaît aux gens d’avoir du frais et de savoir d’où ça vient. On est sur un vrai circuit court. On essaie de valoriser le produit de cette manière. De mon côté, je ne m’ennuie jamais, j’adore le contact et j’apprends plein de recettes auprès des clients ».
« J’ai de la chance, je suis libre »
Malgré ces échanges à quai, être pêcheur professionnel est un métier solitaire. Une contrainte pour certains, « un kiffe » pour le Niçois. « Je ne suis pas dans un bureau, je n’ai pas le stress des embouteillages, je suis libre. Il n’y a qu’à regarder autour de moi. Ce que je vois, ce que je vis, c’est incroyable. On a le droit à des moments uniques que seuls les pêcheurs peuvent comprendre. Ça m’est arrivé plein de fois d’avoir des dauphins autour de mon bateau. Tu peux être dégoûté des relations humaines mais jamais des poissons et des autres créatures qui peuplent la mer », plaisante-il.
Son travail, il en fait un jeu. En relevant un filet, un poisson qu’il n’avait jamais pêché apparaît. Un large sourire se dessine sur son visage éclairé par les premiers rayons du soleil. « Quand on remonte le filet, on ne sait jamais sur quoi on va tomber, il y a un côté chance. Dans ce qu’on croit être la routine, ce n’en est pas une. Il y a un côté aventure et découverte permanente. À force, je les connais bien les poissons, mon but, c’est de tous les avoir au moins une fois. En résumé, j’aime tout dans mon métier. »
Sans avoir de proches dans le domaine, il a appris en observant les retraités qui lui ont maintenant laissé la place. À Nice, seulement cinq pêcheurs professionnels exercent encore. Mais Loïc Barbedette a confiance en l’avenir : « Je suis sûr que des jeunes vont revenir à ces pratiques essentielles. C’est le job le plus simple du monde : tu te lèves, tu vas pêcher et tu reviens », conclut-il. C’est vrai qu’au final, ce n’est pas la mer à boire…