AGRESSIONS SEXUELLESUn prêtre, parmi les victimes présumées du père Schoepff à Nice, témoigne

Nice : Un prêtre, parmi les victimes présumées du père Jean-Marc Schoepff, témoigne

AGRESSIONS SEXUELLESIl raconte les « câlins » qu’il trouvait à l’époque, dès ses 14 ans et jusqu’à 17 ans, « excessifs mais pas délictueux »
Fabien Binacchi

F.B. avec AFP

L'essentiel

  • L’un des neuf plaignants accusant le père Jean-Marc Schoepff d’agressions sexuelles dans leur adolescence à Nice, un prêtre lui aussi, est sorti du silence.
  • « Je me dis que ma parole aura, comme je suis prêtre, peut-être un peu plus de poids » et qu’elle « peut peut-être donner à d’autres le courage de parler », indique-t-il.

L’un des neuf plaignants accusant le père Jean-Marc Schoepff d’agressions sexuelles dans leur adolescence à Nice est sorti du silence. Signe particulier : il est prêtre lui aussi. « Ma parole peut peut-être donner à d’autres le courage de parler », dit-il.

« Je souhaite faire entendre ma voix auprès des personnes qui doutent encore de ce qu’ils ont pu entendre dans les médias. Je me dis que ma parole aura, comme je suis prêtre, peut-être un peu plus de poids », témoigne cet homme de 42 ans, dont l’identité n’est pas révélée pour préserver la paroisse où il officie depuis son ordination en 2016.

Il raconte les « câlins » qu’il trouvait à l’époque, entre ses 14 et 17 ans, « excessifs mais pas délictueux ». « Je n’avais pas conscience de subir une agression sexuelle, je pensais que c’était sa manière de me témoigner son affection. Une fois la lumière éteinte, il se rapprochait de moi et faisait un câlin. Il pouvait toucher mes jambes, mes fesses, ça lui arrivait de mettre un doigt dans ma bouche, de jouer avec ma langue, de m’embrasser, et il me disait qu’il m’aimait, que j’étais beau. A moi, il ne m’a pas touché le sexe », décrit-il.

Un procès en 2022 ?

Le père Schoepff, 64 ans, a été mis en examen et brièvement incarcéré. « Jean-Marc », comme l’appellent encore les jeunes et les familles qui ont côtoyé cet aumônier et curé à la personnalité charismatique, ne devrait pas être jugé avant 2022. Il conteste les faits.

« Il considère qu’il y a eu une cabale, indiquent ses avocats Me Michel Cardix et Tina Colombani. On attend que la procédure démontre son innocence. Ensuite, on se réserve le droit de déposer des plaintes pour dénonciations calomnieuses. »

La plupart des faits allégués, sauf ceux contenus dans deux plaintes, sont prescrits. Comme ceux de ce curé de 42 ans. « C’est vraiment dommage. Il reste les médias et les psys pour parler et faire un chemin de guérison », regrette-t-il. Lui a déposé une plainte en avril 2019. Si le procès a lieu, il pourra être cité comme témoin.

C’est arrivé « assez souvent »

« Les choses se sont produites à chaque fois que je dormais dans la même pièce avec lui, autant dire assez souvent », avance-t-il encore. Le prêtre l’hébergeait les veilles de randonnées, de camps, partageait parfois la même tente et l’invitait dans son chalet. « Impensable » aujourd’hui, convient-il : « Tout n’est sans doute pas parfait (dans l’Eglise) mais il y a une vraie réflexion. On met des portes vitrées aux locaux accueillant des jeunes. On laisse la porte ouverte quand on confesse un enfant et, quand on fait des camps, on n’a pas le droit de dormir avec les jeunes, même pas d’aller dans les chambres. »

« De fil en aiguille, j’ai fait beaucoup de camps avec lui et je suis devenu un de ses chouchous, le premier des chouchous. Ça a été comme un second père et il disait que j’étais son filleul », dit-il. L’aumônier financera même ses études en école de commerce.

Quand l’affaire éclate en 2017, le père de 42 ans se tait d’abord. A Noël, il voit Jean-Marc Schoepff qui, selon lui, demande pardon, affirme qu’il n’a plus jamais recommencé et s’est fait soigner, même si des plaintes ultérieures semblent infirmer ses dires.