Confinement dans les Alpes-Maritimes : La grogne monte face aux interdits pour accéder à la Méditerranée
REPORTAGE•Baigneurs, pêcheurs et plaisanciers des Alpes-Maritimes ne sont pas tous logés à la même enseigne à l’occasion de ce deuxième confinementMichel Bernouin
L'essentiel
- Sur le littoral azuréen, des baigneurs et des pêcheurs profitent de la mer presque comme si le confinement n’existait pas.
- Les plaisanciers et amateurs de sports nautiques, eux, n’ont pas accès à leur terrain de jeu.
- Une manifestation est prévue samedi matin à Cannes.
De sa terrasse surplombant la promenade des Anglais, face à la Baie des Anges, Alexandre a « très mal vécu le premier confinement » au printemps. Alors cet automne, le reconfinement ne privera pas ce Niçois d’adoption de sa passion : la pêche. « J’arrive le matin à 7 heures, je m’installe sur mon rocher, j’écoute le bruit de la mer, je prends le soleil et je ne fais de mal à personne ! », énumère le jeune retraité.
S’il respecte le critère du « rayon maximal d’un kilomètre autour du domicile », il dépasse allègrement l’heure autorisée quotidiennement. Quant à l’objet de sa sortie, la préfecture maritime est très claire sur le sujet : « Conformément aux dispositions de l’article 46 du décret du 29 octobre, cette activité [la pêche] est une activité nautique. Il est donc interdit de s’adonner à la pêche de loisir sur le littoral français de la Méditerranée ». Mais dans la pratique, l’ambiance n’a rien à voir avec le confinement du printemps, quand le trottoir sud de la Prom était fermé et l’accès à la plage impossible.
« La police est venue une seule fois »
Ce jeudi après-midi, ce n’est pas un arrêté préfectoral mais la mer, un peu trop agitée à son goût, qui dissuade Alexandre de sortir la canne. Il est quand même descendu, avec son attestation numérique dûment complétée sur son smartphone, pour « prendre la température » auprès de Khalid, un autre accro du moulinet. « On ne fait prendre de risque à personne en étant là, affirme le trentenaire tout en préparant ses appâts. On ne se regroupe pas, on est en plein air… »
Les forces de l’ordre semblent d’ailleurs du même avis. Les pêcheurs ne se cachent pas, ils sont même visibles de loin sur les épis de la Prom. « La police est venue une seule fois en trois semaines, se souvient Alexandre. Je ne les ai même pas vus arriver tellement les poissons mordaient ce jour-là ! Ils ont été sympas, ils nous ont dit qu’on était un peu trop nombreux et nous ont demandé de partir. Personne n’a été verbalisé ! »
« Dernier plaisir »
Colette, elle, n’a jamais été contrôlée. « Je fais toujours mon attestation, mais si on me la demandait je pense que je deviendrais désagréable ! » A 80 ans, cette habitante du quartier de la Lanterne vient se baigner « tous les jours » à Carras, à un peu plus d’un kilomètre de son appartement.
Elle aussi a un avis bien tranché sur ces sorties un brin dehors des clous : « Je ne vais pas à Garibaldi ou dans le Vieux-Nice et je comprendrais très bien qu’on me contrôle là-bas, où il y a du monde. Mais ici on est éloignés les uns des autres, peu nombreux. On ne va pas priver des personnes âgées de leur dernier plaisir quand même ? »
Si la baignade et la pêche bénéficient d’une tolérance, notamment à Nice et à Cannes, les plaisanciers, eux, ne se risquent pas à sortir leurs bateaux. A part quelques rares professionnels bénéficiant d’une dérogation à l’interdiction de naviguer, il n’y a personne sur l’eau… Mais la grogne monte. « Je vais de ports en ports, je rencontre des plaisanciers, des surfeurs, des chasseurs sous-marins, tout le monde est mécontent », témoigne Serge Munoz, le président de l’association des pêcheurs plaisanciers de la baie de Cannes.
Notre dossier sur le confinement
Samedi à 10 heures, il organise un rassemblement devant le kiosque à musique des Allées avec comme mot d’ordre : « Rendez-nous la mer ». « On espère qu’il y aura un peu de monde, même si je pense que ça ne changera rien. Ça montrera au moins qu’on existe, et qu’il faudra compter sur nous quand ce sera le moment des élections ». Comme beaucoup de plaisanciers, il ne comprend pas « pourquoi on interdit d’être seul sur un bateau ou au fond de l’eau alors que c’est le dernier endroit où on peut attraper le Covid-19 ».