Tempête Alex : Tyrolienne de fortune, chaînes humaines… A Breil-sur-Roya, on s’organise après les inondations dévastatrices
INONDATIONS•Dans ce village dévasté de l’arrière-pays mentonnais, les secours recherchent toujours deux personnes portées disparuesFabien Binacchi
L'essentiel
- A Breil-sur-Roya, les habitants s’organisent et s’entraident après les inondations exceptionnelles qui ont dévasté le village ce week-end.
- Des ponts aériens sont organisés pour transporter des denrées en plus des livraisons par train et par camion.
A Breil-sur-Roya (Alpes-Maritimes),
« Dites-moi de quoi vous avez besoin en priorité », répète Jérémy de plus en plus fort. Il s’époumone. Face à lui, ses parents et quelques autres personnes coincées sur une colline isolée, essaient de l’entendre. Et de lui répondre. Dialogue de sourds. Entre eux, les piles d’un pont dévasté et les eaux toujours tumultueuses de la Roya qui étouffent leur semblant de conversation. « Faites une liste et mettez-la dans le seau », hurle encore le jeune homme.
A l’aide « d’un arc, d’une flèche et de fil à rôtir », il a pu tendre une corde ce lundi matin au-dessus de la rivière, avec l’aide de l’agriculteur Cédric Herrou, de l’autre côté de la berge, pour bricoler une tyrolienne de fortune. « On fait comme on peut en attendant un hélitreuillage », glisse-t-il juste après avoir fait partir quelques médicaments au-dessus des flots. Posté sur un fatras de déblais, juste en bas du quartier de la Giandola.
Ballet incessant d’hélicoptères
Les inondations exceptionnelles enregistrées vendredi dans les Alpes-Maritimes ont effacé de la carte plusieurs ouvrages et des pans entiers de route dans le secteur de Breil-sur-Roya. Sur place, les secouristes sont toujours à la recherche de deux personnes portées disparues. L’eau potable n’a pu être rétablie que dans les bâtiments de l’hôpital et chez les pompiers. L’électricité n’a toujours pas été rebranchée. Et les appels passent au compte-gouttes.
Alors dans cette commune de l’arrière-pays mentonnais, où il est encore impossible d’évaluer précisément les dégâts, on essaie tant bien que mal de s’adapter à cette crise climatique inédite, sous un ballet incessant d’hélicoptères et de véhicules de secours.
Le gymnase municipal a été transformé en zone de répartition de l’aide alimentaire qui arrive par ces ponts aériens organisés avec le soutien de l’armée, en camion et à bord des trains. Carine, secrétaire aux services techniques de la ville de Breil, a pris la tête des opérations. Et elle sait galvaniser sa troupe. « Une nouvelle livraison est là. Allez hop ! Il faut du monde pour décharger. Allez ! On fait une chaîne », harangue-t-elle en direction de son armée de volontaires qui tentent de faire le tri entre les dons « de particuliers et de collectivités notamment ».
« Tout est perdu »
« Des habitants sont venus spontanément donner un coup de main, explique la jeune femme. D’autres ont pris des pioches et aident comme ils peuvent. Tout le monde participe. » Tout le monde. Même ceux qui ont tout perdu. Pelle sur l’épaule, Alain, 60 ans, fait des allers-retours dans le village. Entre le domicile de sa tante, où il a trouvé refuge, et la maison qu’il était « en train de finir de retaper ».
« Tout est perdu. Le vent a arraché une partie du toit. Et la pluie a tout emporté, décrit-il, stoïque. Je vais essayer de récupérer ce que je peux. Au moins une carte bleue et des papiers. Et j’irai me mettre à la disposition de la mairie pour évacuer des déblais. On est tous dans la même galère. Encore plus ceux qui sont dans les communes encore plus haut. »
Si Breil-sur-Roya est accessible par la route et les chemins de fer depuis le littoral azuréen, d’autres petits villages sont toujours coupés du monde. Les trains de la ligne Nice-Tende ne vont pas au-delà de Breil. « Des opérations de diagnostic de la ligne, au-delà, ont été lancées par la SNCF. Mais il faudra certainement plusieurs semaines avant d’envisager une remise en service », expliquait sur place le sénateur Philippe Tabarot, vice-président de la région en charge des transports. La collectivité va mettre en place des rotations en hélicoptères pour transporter les habitants de ces villages qui en auraient besoin.
La route qui mène à Fontan, un peu plus haut, a été emportée. Les moyens du 1er régiment étranger de génie et du 19e régiment du génie de l’armée de terre sont arrivés pour déblayer l’accès en prévision de l’installation d’une nouvelle voie temporaire, réservée aux secours. Mais pour voir une nouvelle route accessible à tous, il faudra sans doute encore patienter… au moins plusieurs mois.