Nice: Trois mois de sursis requis en appel contre un enseignant-chercheur pour aide aux migrants
JUSTICE•Pierre-Alain Mannoni était jugé pour avoir tenté de transporter trois Erythréennes entre la vallée de la Roya et Nice…M.Fr. avec AFP
L'essentiel
- Un clandestin a témoigné à la barre pour la première fois.
- Le jugement a été mis en délibéré au 11 septembre…
Il avait été relaxé en première instance. Pierre-Alain Mannoni, un enseignant-chercheur poursuivi pour avoir aidé et transporté trois jeunes migrantes près de la frontière franco-italienne, était attendu à la barre de la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Trois mois de prison avec sursis ont été requis par l’avocat général. Le jugement a été mis en délibéré au 11 septembre.
« C’est un citoyen ordinaire qui ne respecte pas le texte de loi en le connaissant très bien du fait de ses activités militantes », a estimé l’avocat général dans son réquisitoire, craignant également un « risque de réitération très important ». Relaxé en janvier en première instance par le tribunal correctionnel de Nice, Pierre-Alain Mannoni, 45 ans, en costume gris, était rejugé après un appel interjeté par le procureur de la République de Nice, qui avait requis six mois de prison avec sursis à son encontre.
« Contestation globale de la loi »
L’avocat général a estimé que l'« immunité humanitaire » dont avait bénéficié le prévenu en première instance était « détournée » car le chercheur en écologie marine était dans une « contestation globale de la loi quel que soit la situation personnelle des entrants clandestins ».
Le 18 octobre dernier, Pierre-Alain Mannoni avait cherché à convoyer trois Erythréennes dans son véhicule depuis un centre de vacances SNCF occupé illégalement par des militants associatifs à Saint-Dalmas-de-Tende jusqu’à son domicile de Nice, mais s’était fait interpeller au péage autoroutier de La Turbie. Il avait expliqué vouloir permettre à ces jeunes filles de se faire soigner et aider par des associations à Marseille.
Un clandestin témoigne à la barre pour la première fois
Devant la cour d’appel, entouré d’une cinquantaine de militants, l’enseignant a de nouveau raconté sa rencontre avec ces trois jeunes Erythréennes, « des femmes apeurées, qui avaient froid, qui étaient blessées ». Deux jours plus tôt, Pierre-Alain Mannoni avait déjà transporté des migrants clandestins, quatre Soudanais qu’il avait trouvé « perdus et en bermuda », dans la montagne au mois d’octobre. L’un d’eux, a témoigné à la barre lundi - une première pour un clandestin, selon les soutiens présents - sa gratitude envers le chercheur en écologie marine : « Nous sommes entrés en France, nous avions faim et soif, nous avons trouvé ce monsieur avec sa fille. » Pierre-Alain Mannoni s’était arrêté au bord de la route, et avait pris en charge les quatre hommes, qu’il avait amenés chez lui, à Nice, où il leur avait offert le gîte et le couvert avant de les conduire à la gare le lendemain, payant ensuite à chacun un billet de train pour Paris.
Parmi les soutiens de Pierre-Alain Mannoni venus à Aix lundi, se trouvait aussi Cédric Herrou, un agriculteur de la vallée de la Roya devenu une des figures symboliques de l’aide aux migrants à la frontière franco-italienne et contre lequel, le 19 juin, huit mois de prison avec sursis ont été requis contre lui devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence dans un dossier similaire.
Près de 20.000 migrants remis à la frontière
Pierre-Alain Mannoni a agi dans un contexte de forte pression migratoire à la frontière franco-italienne. Quelque 20.000 migrants ont été remis depuis le début de l’année aux autorités italiennes, a récemment déclaré le préfet des Alpes-Maritimes Georges-François Leclerc. Sur l’ensemble de l’année 2016, 26.000 interpellations avaient été enregistrées.