INTERVIEWPour Eric de Montgolfier «les citoyens ne doivent pas se laisser manipuler»

Présidentielle: Selon Eric de Montgolfier, «les citoyens ne doivent pas se laisser manipuler»

INTERVIEWL’ancien procureur de la République de Nice donne sa vision de la démocratie dans un ouvrage…
Fabien Binacchi

Propos recueillis par Fabien Binacchi

A 70 ans, l’ancien procureur de la République de Nice Eric de Montgolfier n’a rien perdu de son ton. Acerbe et mordant. Dans son dernier livre On ne peut éternellement se contenter de regarder les cadavres passer sous les ponts (Le Cherche Midi), le conseiller « justice » de Benoît Hamon pour cette présidentielle dresse un portrait peu flatteur de la classe politique. Et invite surtout les citoyens « à être plus responsables ».

Quel est le constat que vous faites de la démocratie aujourd’hui ?

Il faut se poser la question. Si nos responsables politiques ne sont pas à la hauteur de la situation, sommes-nous au moins à la hauteur de la démocratie ? La vraie responsabilité incombe aux citoyens. Il faut qu’ils soient plus actifs. Plus intelligents aussi pour ne pas se laisser manipuler par ces politiques qui agitent les questions sécuritaires, dans le seul but de susciter de l’émotion. Par tous ceux qui maintiennent la peur pour qu’on les suive. Les citoyens doivent prendre du recul par rapport à tout ce qu’on leur sert.

Vous n’épargniez pas d’ailleurs certains poids lourds azuréens que vous avez croisés…

J’ai été scandalisé par l’exploitation justement sécuritaire qui a été faite par Christian Estrosi après l’attentat du 14 juillet. Vraiment choqué de le voir répéter « tout ce qui se passe mal c’est l’autre et tout ce qui passe bien c’est moi ».

Il n’est pas le seul dans ce travers. Et des travers, il y en a d’autres. Je parle aussi des girouettes en politique. De cette façon de suivre le pouvoir parce qu’on y aspire soi-même avec l’exemple d’Eric Ciotti.

Que pensez-vous de cette campagne et des attaques contre la justice ?

Elles sont problématiques quand elles viennent de ceux qui aspirent à la plus haute fonction de l’Etat. Mais la justice doit être sourde face à ces incantations. Elle est de toute façon assez solide. C’est un phénomène qui n’est pas nouveau. Je l’avais moi-même expérimenté dans le cadre de l’affaire VA-OM, avec François Mitterrand.

Croyez-vous en une moralisation de la vie publique ?

La question est de savoir : est-il possible que les politiques aient la moralité qu’ils nous demandent ? Et la réponse est claire. En l’état, c’est non. Les politiques manquent d’exemplarité. Ils nous montrent une pente dangereuse. Quand un François Fillon accepte des gros cadeaux comme ça a été le cas, c’est compliqué de l’entendre ensuite nous inciter à faire des économies.

Si la prospérité que poursuivent ces politiques c’est la leur, il n’y a aucune raison de les suivre. Lionel Jospin avait parlé d’un « état modeste ». Et c’est exactement ça qu’il nous faudrait. J’aimerai une classe politique qui aime moins les grosses voitures, les chauffeurs et les rues barrées pour les laisser passer. J’aimerai que la politique nous aide à nous concentrer sur l’essentiel.